Exercice 2 : Le recours aux ordonnances sous la Cinquième République

Difficile

Après le code du travail, c’est la SNCF que le Gouvernement a choisi de réformer par ordonnances […]. Cette méthode reste toutefois très controversée, car elle affaiblit la discussion parlementaire au détriment des choix de l’exécutif […].

Pour comprendre, il faut rappeler deux principes :

  • La séparation des pouvoirs : le pouvoir législatif (Assemblée nationale et Sénat) n’a pas les mêmes prérogatives que le pouvoir exécutif (Gouvernement et Président de la République). La Constitution, dans son article 34, définit un « domaine de la loi » qui recouvre la très grande majorité des sujets de politique publique : les régimes de retraite, l’assurance-chômage, l’éducation, les impôts, l’immigration et les conditions d’octroi de la nationalité, la fiscalité des entreprises, les emplois publics, les sanctions pénales, le droit du travail, la défense nationale… Toute mesure prise sur ces sujets nécessite donc une loi, votée par les assemblées législatives.
  • La « hiérarchie des normes » : en droit français, il existe plusieurs types de textes qui n’ont pas la même valeur juridique. Un décret, pris par le pouvoir exécutif, ne peut en aucun cas être contraire à la loi, votée par le pouvoir législatif, qui lui est forcément supérieure. Au sommet de cette pyramide, la Constitution, à laquelle tous les textes de droit doivent être conformes.

L’ordonnance, prévue à l’article 38 de la Constitution, peut être assimilée à un contournement de cette règle. Ce n’est pas une invention de la Vème République puisque des « décrets-lois » existaient déjà durant les IIIème et IVème Républiques (1870-1940 et 1946-1958). Concrètement, avec une ordonnance, le Parlement délègue son pouvoir de légiférer au Gouvernement. Ce dernier est donc autorisé à prendre, « pendant un délai limité », des mesures qui sont normalement du ressort du Parlement… sans passer par le Parlement […].

Il ne faut toutefois pas considérer les ordonnances comme un pouvoir absolu du Gouvernement et encore moins du président de la République. Ce dernier a seulement le droit de les signer, ou pas, pour décider de leur entrée en vigueur. Son seul pouvoir est donc, en dernier ressort, de bloquer leur mise en application.

Seul le Gouvernement peut prendre des ordonnances, et seulement avec l’autorisation préalable des assemblées législatives. Les parlementaires votent pour cela une « loi d’habilitation » pour déléguer leur pouvoir dans un domaine précis et pour une durée limitée.

Mais même une fois appliquée, l’ordonnance doit forcément être « ratifiée », donc votée, par les députés et les sénateurs pour pouvoir devenir une loi. Pour cela, le Parlement, et donc l’Assemblée, fixe préalablement un délai que le Gouvernement doit obligatoirement respecter pour soumettre les mesures prises par ordonnance au vote. A défaut, l’ordonnance devient caduque.

Il peut aussi arriver que les parlementaires ne la ratifient pas. L’ordonnance continue alors d’exister, mais elle reste un décret. Elle a donc une valeur inférieure à la loi (qu’elle soit déjà en vigueur ou votée par la suite). Autrement dit, l’Assemblée peut, même une fois l’ordonnance signée et ses mesures appliquées, en annuler les effets […].

Source : Eléa Pommiers, « Gouverner par ordonnance, ça veut dire quoi ? », Le Monde, 28 avril 2017. [consulté le 5 avril 2019].

Questions : 

1. Pourquoi peut-on dire que les ordonnances sont une « entorse » au principe de la séparation des pouvoirs ?

2. Quels sont les mécanismes qui garantissent tout de même une forme de contrôle du Parlement sur les ordonnances ?

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