EPREUVE COMPOSEE : Partie 3 (10 points)

Facile

Cette partie comporte trois documents.

 

Sujet : À l’aide de vos connaissances et du dossier documentaire, vous montrerez qu’une société peut être plus mobile sans être plus fluide.

 

Document 1.

Document 2. Évolution de la fluidité sociale entre les cadres et les autres catégories de salariés entre 1977 et 2015 

Document 3

 On relève ainsi qu’en 1977 et par rapport aux fils d’ouvriers, les fils de cadres et professions intellectuelles supérieures avaient environ 92 fois plus de chances d’être cadre qu’ouvrier. En 1985, leur avantage relatif – considérable – est du même ordre de grandeur (111), mais il décline continûment au cours des décennies suivantes : 41 en 1993, 29 en 2003 et 23 en 2015. Ce constat a valeur générale. Un examen attentif montre en effet que, pour les hommes comme pour les femmes, une tendance à la décroissance des odds ratios entre 1977 et 2015 apparaît pour la quasi-totalité des couples de catégories considérés. Dès lors, le diagnostic qui s’impose est que la fluidité sociale entre générations a légèrement, mais régulièrement augmenté en France sur la période considérée.  [...] En raison de l’augmentation de la fluidité sociale intervenue entre 1977 et 2003, il est possible d’estimer que 84 000 de ces hommes ne sont pas eux-mêmes ouvriers en 2003, 51 000 d’entre eux étant devenus cadres ou professions intellectuelles supérieures.

Source : Louis-André VALLET, « La mobilité sociale en France depuis les années 1970 au prisme d’une perspective comparative (Europe, États-Unis) – mesures et causes » in Nicolas DUVOUX (dir.), Trajectoires et parcours des personnes en situation de pauvreté et d’exclusion sociale, 2021

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La métaphore de l’ascenseur social est souvent utilisée pour désigner les flux de mobilité que connaissent les individus dans nos sociétés. Le fait que cet ascenseur puisse être « bloqué » est alors considéré comme une situation intolérable puisque les plus méritants des individus issus des catégories populaires se verraient fermer la possibilité de connaître une ascension sociale. La faible mobilité sociale est alors considérée comme un signe de dysfonctionnement : dans une société sans mobilité, l’égalité des chances n’est pas assurée. Cependant, il ne suffit pas non plus de constater une mobilité sociale pour pouvoir affirmer que l’égalité des chances existe, cette mobilité sociale peut en effet être causée par des changements dans la structure de la société, sans lien avec la plus grande ouverture sociale des positions les plus prestigieuses. Pour rendre compte de l’égalité des chances, les sociologues préfèrent utiliser la notion de fluidité sociale, qui désigne le fait que le statut social des individus ne soit pas lié à sa position sociale d’origine : dans une société fluide, tout le monde à les mêmes probabilités d’accès aux différentes positions sociales, indépendamment de sa position d’origine. Cette fluidité entretient des liens avec la mobilité sociale, mais une société peut être plus mobile sans être plus fluide.

 

La mobilité sociale comporte une composante structurelle, qui fait qu’il peut y avoir mobilité sociale sans qu’il y ait réellement plus de fluidité : une partie de la mobilité est causée par le changement de structure d’une génération à une autre, sans que cela signifie forcément que la société devienne plus fluide. Ainsi, selon l’INSEE, en 1977, 16,1 % des femmes âgées de 35 à 59 ans étaient agricultrices exploitantes, contre 35 % de leurs mères : d’une génération à une autre, nombre de filles d’agricultrices ne sont pas devenues agricultrices car il y a moins de « places » d’agricultrices dans leur génération que dans celle de leur mère. On constate que cette situation est continue sur la période : alors que 1,3 % des femmes de 35 à 59 ans sont agricultrices en 2014-2015, cette proportion est plus importante de plus de 6 points dans la génération précédente. À l’inverse, la part des cadres a fortement augmenté d’une génération à une autre : 15,2 % des femmes de 35 à 59 ans occupent une profession de ce type, contre 4,8 % de celles de la génération précédente. Davantage de femmes sont donc devenues cadres, pas seulement parce que la société est devenue plus fluide, mais surtout parce que les places de cadres sont devenues plus fréquentes.

 

La mesure de la fluidité sociale permet de rendre compte de l’égalité des chances : elle permet d’aller au-delà du seul constat de flux ascendants ou descendants dans la société. Elle se mesure à partir d’odds ratio ou rapports de chance : par exemple, on mesure le rapport entre le pourcentage de fils de cadres qui deviennent cadres à leur tour plutôt qu’ouvrier et celui de fils d’ouvriers qui deviennent cadres plutôt qu’ouvrier. Par exemple, en France, en 1977, il était près de 30 fois plus fréquent pour un fils de cadre que pour un fils d’employé ou ouvrier qualifié de devenir cadre plutôt qu’ouvrier ou employé qualifié. Ce rapport était même de 92 si on comparait la position des cadres à celle des seuls ouvriers.

 

La mesure de la fluidité permet ainsi de relativiser le lien entre mobilité sociale et égalité des chances : la société française des années 1970, qui connaît une assez forte mobilité sociale n’est en fait pas très fluide : les odds ratio calculés sont hauts en général. Encore en 1985, on constate que les filles de cadres ont 6,5 fois plus de chances d’être cadre plutôt qu’occuper une profession intermédiaire que les filles dont la mère occupe elle-même une profession intermédiaire. Par contre, la société française contemporaine, où la mobilité observée n’est pas extrêmement plus importante qu’en 1977 connaît une bien plus grande fluidité : tous les odds ratio diminuent, selon Louis-André Vallet entre 1977 et 2015.

Une société peut donc être plus mobile sans être plus fluide : le constat de la mobilité sociale ne suffit donc pas pour observer le degré d’égalité des chances. C’est notamment dû à la présence d’une mobilité structurelle et la fluidité gagne à être observée à l’aide des odds ratio. Cette fluidité n’est cependant observée que de façon imparfaite du fait des limites des PCS utilisées.

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