Document 8 : Qu'est-ce que l'Europe à plusieurs vitesses ?

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Que signifie « Europe à plusieurs vitesses », ou à « géométrie variable » ?

L’expression « Europe à plusieurs vitesses » est généralement utilisée pour désigner une construction européenne dans laquelle tous les Etats membres ne participent pas à l’ensemble des politiques communes. Tout en partageant certaines valeurs et règles fondamentales, les Etats qui ne souhaitent pas prendre parti à l’une des politiques peuvent choisir de s’en exclure. Dans une acception plus large, l’Europe à plusieurs vitesses peut aussi impliquer que certains Etats désireux de participer à une politique commune n’en aient toutefois pas la possibilité car ils ne répondent pas (encore) aux critères requis. C’est le cas pour certains pays hors zone euro ou espace Schengen. L’Europe à plusieurs vitesses peut également être désignée par les expressions « Europe à deux vitesses », « Europe à géométrie variable » ou encore, de manière plus péjorative pour les tenants d’une Union intégrée, « Europe à la carte ».

L’Europe, déjà à plusieurs vitesses ?

Si certains souhaitent qu’elle se développe davantage, l’Europe à plusieurs vitesses est déjà une réalité. En témoigne l’existence de la zone euro, à laquelle 4 Etats membres ont fait le choix de ne pas appartenir (5 autres Etats sur les 28 ayant vocation à y appartenir lorsqu’ils auront rempli les critères en ce sens), ou encore celle de l’espace Schengen, auquel 2 pays de l’UE ont également choisi de ne pas participer (4 autres ayant vocation à y entrer). Du point de vue des modes de décision au niveau européen, l’Europe à plusieurs vitesses est aussi une réalité. Des outils institutionnels permettent déjà une intégration différenciée des Etats membres.

L’abstention constructive

L’abstention constructive permet par exemple aux Etats membres qui ne souhaitent pas s’associer à une décision nécessitant l’unanimité (donc dans des sujets considérés comme « sensibles » comme la politique étrangère ou la citoyenneté), de s’abstenir au cours du vote au Conseil européen ou au Conseil, sans pour autant empêcher l’adoption de la mesure. Si une « déclaration formelle » accompagne l’abstention, l’Etat membre n’a pas à l’appliquer, bien que tous ceux qui l’ont voté sont tenus de l’appliquer. […]

La coopération renforcée

Depuis le traité d’Amsterdam en 1997, les Etats membres peuvent aller encore plus loin dans l’intégration différenciée à travers la coopération renforcée. Cette procédure permet à un minimum de 9 Etats de poursuivre une politique commune sans y associer les autres membres de l’UE. Le Conseil doit accorder son autorisation pour que la coopération renforcée, sur proposition de la Commission européenne, soit appliquée, après avoir été approuvée par le Parlement européen. La première coopération renforcée est mise en œuvre depuis décembre 2010 en matière de droit applicable au divorce, par 14 Etats membres. Dans le domaine de la propriété intellectuelle, un brevet européen a été mis en place par une coopération renforcée entre 25 Etats membres en février 2013. Seules l’Espagne, l’Italie et la Croatie se sont tenues à l’écart, pour des raisons linguistiques.

L’opting-out

Enfin, des options de retrait dans l’Union européenne, ou « opting-out » en anglais, également qualifiées de droits de « non-participation », peuvent être négociées par les Etats membres quand de nouvelles politiques communes sont décidées, afin de ne pas y participer et ainsi éviter une impasse politique. Différentes options de retrait ont été accordées à plusieurs Etats membres au cours de la construction européenne. Quatre Etats membres en ont négocié : le Royaume-Uni, le Danemark, l’Irlande et la Pologne. A titre d’exemple, lorsque l’espace Schengen a été intégré dans les traités européens à Amsterdam en 1997, les Britanniques et les Irlandais ont obtenu une option de retrait leur permettant de ne pas faire partie de cet espace, contrairement à tous les autres Etats membres de l’époque. Le Danemark a, quant à lui, bénéficié de quatre options de retrait après le rejet par référendum du traité de Maastricht en 1992, concernant l’espace Schengen, l’Union économique et monétaire, la politique commune de sécurité et de défense ainsi que la citoyenneté européenne (qui a été rendue caduque par l’adoption du traité d’Amsterdam en 1997). Les Danois ont ensuite approuvé la version modifiée du traité, comportant les quatre options de retrait, au cours d’un deuxième référendum en 1993. Le Royaume-Uni a également négocié une option de retrait en ce qui concerne l’Union économique et monétaire, qui a été instituée par le traité de Maastricht instaurant la zone euro, à laquelle tous les Etats membres sont tenus d’adhérer lorsque leur économie est considérée comme suffisamment robuste. Si le Royaume-Uni et le Danemark ont négocié leur non-participation à la zone euro, la Suède l’a obtenue de facto en n’intégrant pas le deuxième Mécanisme de taux de change européen (MCE II), une des cinq conditions nécessaires pour faire partie de la zone euro, bien que son économie le lui permettrait. Il est à noter que des Etats n’appartenant pas à l’UE participent à certaines de ses politiques, ce qui peut donc être considéré comme une autre illustration d’une « Europe à plusieurs vitesses ». A titre d’exemple, l’espace Schengen compte 4 Etats qui ne sont pas membres de l’UE : l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse.

« Qu'est-ce que l'Europe à plusieurs vitesses ? », publié le 06/03/2017, www.touteleurope.eu.

Questions :

20) Qu’appelle-t-on « l’Europe à plusieurs vitesses » ?

21) Quelles sont les avantages d’un tel mode de fonctionnement ?

22) Quelles en sont les limites ?

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20) Qu’appelle-t-on « l’Europe à plusieurs vitesses » ?

L’expression « Europe à plusieurs vitesses » désigne la possibilité pour les Etats membres de choisir un mode d’intégration différencié. Il existerait ainsi une Europe « a minima » commune et des formes d’intégration plus poussées ou les Etats membres pourraient approfondir la coopération sans que l’ensemble des Etats de l’UE n’aient à suivre.

21) Quelles sont les avantages d’un tel mode de fonctionnement ?

L’Europe à plusieurs vitesses n’a pas nécessairement une connotation négative. La dynamique d’intégration à géométrie variable comporte certains avantages. Sa flexibilité permet ainsi à l’intégration de se poursuivre en l’absence d’unanimité ; les Etats membres peuvent s’abstenir de participer aux procédures qui ne leur conviennent pas sans bloquer le processus d’intégration pour ceux qui le souhaitent.

22) Quelles en sont les limites ?

L’idée d’une Europe à plusieurs vitesses ne fait pas l’unanimité. On lui reproche d’être une « Europe à la carte » dans laquelle les Etats membres participeraient uniquement lorsque cela leur procure un avantage. Certains y voient alors une mise en péril du projet européen et une opposition à la logique de fédéralisme ou de construction d’une Europe sociale. De même, ce différentiel d’intégration pourrait creuser les écarts économiques et sociaux entre les pays membres.

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