A la fin du XIXe siècle, certains promoteurs du référendum emploient d’abord ce terme – qui fait son entrée dans le Larousse en 1890 – sans craindre de confusion avec l’idée césarienne du plébiscite. Cette dernière va pourtant durablement marquer les esprits. D’autant qu’elle fut ressuscitée, à sa manière, par le général de Gaulle, après son retour au pouvoir en 1958. L’article 3 de la Constitution de la Ve République dispose que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».
« De Gaulle en a fait un usage intensif pour accroître sa légitimité. Sans le référendum, il n’aurait pas pu modifier la Constitution [en 1962, pour instaurer l’élection du président de la République au suffrage universel]. Et c’était pour assujettir le Parlement », note Mme Cohendet, qui souligne que l’usage du référendum a joué « un rôle énorme dans la présidentialisation du régime ». « Moi ou le chaos », résumait alors l’opposition pour dénoncer cet usage plébiscitaire du référendum : derrière la question qui portait officiellement sur une politique publique, il s’agissait en pratique d’un vote de confiance – ou de défiance, comme ce fut le cas en 1969 – à l’égard du chef de l’exécutif.
Cette histoire très singulière par rapport à d’autres démocraties – au premier rang desquelles la Suisse, qui a pleinement intégré, de longue date, l’usage du référendum d’initiative populaire – a nourri en France une profonde méfiance envers une procédure jugée comme un instrument de manipulation au service du pouvoir.
Source : Jean-Baptiste de Montvalon, Le référendum peut-il être politiquement correct ?, lemonde.fr, 23/02/2019.
Questions
1. Quelle différence doit-on faire entre référendum et plébiscite ? de quelle nature était le référendum sur la suppression du Sénat soumis aux électeurs par le général De Gaulle en 1969 ?
2. Pourquoi l’auteur de l’article pense-t-il que le référendum en France s’inscrit dans une tradition non-démocratique ?
3. Le mouvement des « Gilets jaunes » a revendiqué l’idée d’introduire le référendum d’initiative populaire (RIC). Cette pratique serait-elle différente de ce que prévoie la constitution de la V° République ? Consacrerait-elle une évolution plus démocratique ?
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1.Quelle différence doit-on faire entre référendum et plébiscite ? de quelle nature était le référendum sur la suppression du Sénat soumis aux électeurs par le général De Gaulle en 1969 ?
Le plébiscite est la procédure privilégiée du césarisme, pratique du pouvoir théorisée par Napoléon III, où le peuple est présumé unanime pour légitimer le chef. Il s’agit donc d’une forme dévoyée de référendum, c’est-à-dire d’un vote direct du corps électoral.
2.Pourquoi l’auteur de l’article pense-t-il que le référendum en France s’inscrit dans une tradition non-démocratique ?
Parce que, au-delà des plébiscites utilisés par Napoléon 1er et Napoléon III, le Général De Gaulle a eu, en 1962 et en 1969, un usage plébiscitaire du référendum.
3.Le mouvement des « Gilets jaunes » a revendiqué l’idée d’introduire le référendum d’initiative populaire (RIC). Cette pratique serait-elle différente de ce que prévoie la constitution de la V° République ? Consacrerait-elle une évolution plus démocratique ?
Le référendum populaire pourrait s’organiser dans le cadre de l’article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958. Cependant, des politistes comme Gérard Grunberg et Bernard Manin ont relevé de graves limites qui rendraient cette procédure faussement démocratique : 1) elle traduit des questions complexes en choix binaires. 2) La délibération collective est faible. 3) Il n’y a pas de corrections possibles, comme dans une procédure parlementaire. 4) La question soumise aux électeurs est difficile à formuler clairement et honnêtement.