[…] Un consensus apparaît au fil des ans pour reconnaître que les sondages produisent bel et bien, selon les contextes et les calendriers, des effets particuliers [...]. Plusieurs polémiques ont relancé ce débat au cours de la dernière décennie ; trois d’entre elles peuvent être ici rappelées.
En premier lieu, beaucoup ont considéré que les sondages étaient pour partie responsables de la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour des élections présidentielles de 2002. Cette présence tiendrait à la dispersion des voix parmi les candidats de gauche, qui pourrait elle-même s'expliquer largement par la certitude de voir Lionel Jospin accéder au second tour, compte tenu des sondages qui le mettaient loin devant Jean-Marie Le Pen, sauf les deux derniers jours avant l'interdiction de publication des sondages électoraux. Autrement dit, certains observateurs politiques considèrent que les sondages ont biaisé le processus électoral et qu'en leur absence, Lionel Jospin aurait recueilli davantage de voix que le candidat du Front national.
En second lieu, comme l'ont souligné les représentants de la commission des sondages lors de leur audition, les sondages ont joué un rôle déterminant en 2005 au moment de la campagne sur le référendum portant sur l'approbation du projet de loi autorisant la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Le premier sondage donnant le « non » vainqueur, bien que ne présentant pas, selon la commission, un caractère statistiquement significatif, aurait créé un effet d'entraînement auto-réalisateur : à partir du moment où la victoire du « non » étant présentée comme possible, on peut penser qu'elle a « décomplexé » ses partisans et entraîné un mouvement de confirmation irréversible. Là encore, on peut estimer que le « non » ne l'aurait peut-être pas emporté en l'absence de sondages.
Enfin, on a pu observer un phénomène similaire, en 2006-2007, lorsque les sondages ont, pour la première fois, révélé que la candidature de Ségolène Royal à l'élection présidentielle était jugée parfaitement crédible par l'opinion. Ces premiers sondages ont probablement, comme pour le référendum européen de 2005, déclenché un mouvement mobilisateur qui a joué en faveur de cette candidate, lors des élections primaires organisées au sein du parti socialiste.
On pourrait multiplier les exemples. Il apparaît dans ce contexte nécessaire de veiller, dans le respect de la liberté d'expression, à ce que les sondages n'altèrent pas la sincérité du débat électoral.
Source : Sénat, Sondages et démocratie : pour une législation plus respectueuse de la sincérité du débat politique, rapport d’information n °54, déposé le 20 octobre 2010. Disponible sur : http://www.senat.fr/rap/r10-054/r10-054_mono.html#toc25 [consulté le 18/09/2019]
1-En quoi, selon le texte et vos recherches personnelles, les sondages auraient-ils eu un impact sur le déroulement de l’élection présidentielle de 2002 ?
2-En quoi, selon le texte et vos recherches personnelles, les sondages auraient-ils eu un impact sur le déroulement du référendum sur le Traité constitutionnel européen en 2005 ?
3-En quoi, selon le texte et vos recherches personnelles, les sondages auraient-ils eu un impact sur le déroulement de la campagne présidentielle en 2006-2007 ?
4-Déduisez des réponses aux trois premières questions quelles sont les conséquences des sondages sur les comportements des électeurs.
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1-En quoi, selon le texte et vos recherches personnelles, les sondages auraient-ils eu un impact sur le déroulement de l’élection présidentielle de 2002 ?
Les sondages pré-électoraux tendaient à faire penser que la victoire de Lionel Jospin était acquise. Cela a pu conduire certains électeurs de gauche à ne pas voter, au premier tour, pour Lionel Jospin, pensant qu’il serait de toute manière présent au second. De ce fait, les voix de ces électeurs se sont dispersées au premier tour entre les nombreux candidats de gauche, aboutissant in fine à l’élimination du candidat censément favori des sondages, dès le premier tour.
2-En quoi, selon le texte et vos recherches personnelles, les sondages auraient-ils eu un impact sur le déroulement du référendum sur le Traité constitutionnel européen en 2005 ?
Les sondages auraient « créé un effet d’entraînement auto-réalisateur ». En laissant à penser que le « non » au référendum pouvait l’emporter, cela aurait contribué à motiver les partisans de cette option à voter (qui se seraient peut-être abstenus si la victoire du « oui » avait été considérée comme inéluctable).
3-En quoi, selon le texte et vos recherches personnelles, les sondages auraient-ils eu un impact sur le déroulement de la campagne présidentielle en 2006-2007 ?
Les sondages d’opinion ont montré, avant même l’organisation des élections primaires du parti socialiste, que la candidature de Ségolène Royal semblait recueillir le soutien d’une partie non négligeable de l’opinion. Cela aurait contribué à lancer une dynamique favorable à
la candidature de Ségolène Royal à l’investiture du parti socialiste et aurait favorisé sa victoire.
4-Déduisez des réponses aux trois premières questions quelles sont les conséquences des sondages sur les comportements des électeurs.
Les sondages peuvent :
- opérer une présélection des candidats à une élection en « hiérarchisant » les personnalités politiques par ordre de préférence supposé des citoyens.
- générer des effets de mobilisation électorale en faveur d’un(e) candidat(e) ou d’une option politique (par exemple l’issue d’un référendum) montré(e) comme pouvant l’emporter.
- générer des effets de démobilisation électorale lorsqu’un(e) candidat(e) ou une option politique est supposée l’emporter facilement.