La Vie des idées : Un certain nombre d’économistes défendent des frais d’inscription élevés dans l’enseignement supérieur. L’argument en leur faveur est qu’ils permettraient une meilleure sélection et orientation des étudiants et les inciteraient à de meilleurs efforts. Ils pourraient par ailleurs être progressifs pour répondre à des critères de justice sociale. Que pensez-vous de ces arguments ? Peut-on penser au contraire que des frais d’inscription faibles à l’université seraient plus efficaces d’un point de vue économique ?
Philippe Aghion (professeur d’économie au Collège de France) : J’ai une position très tranchée sur cette question : je pense véritablement que c’est une erreur d’augmenter les droits d’inscriptions. Je suis un adepte du modèle scandinave. En Suède, il n’y a pratiquement pas de frais d’inscriptions pour les étudiants suédois ou européens. Cela part de l’idée selon laquelle l’école doit, comme la santé, être gratuite. C’est une ligne rouge du modèle scandinave. L’éducation est gratuite du jardin d’enfants au doctorat. Cette ligne se justifie d’abord parce que la société se doit d’éduquer les citoyens. En outre, investir dans l’éducation est un facteur de croissance car cela génère ce qu’on appelle les knowledge externalities (externalités de connaissance). L’idée d’« externalité» est en effet centrale dans l’analyse économique, et particulièrement pour l’analyse de la croissance, qui est mon principal domaine de recherche. (…) L’éducation produit indéniablement des externalités positives : si je m’éduque cela contribue au savoir de mes enfants ainsi qu’à celui des personnes qui travaillent avec moi. C’est pourquoi l’État –qui lui peut prendre en compte les externalités et leurs effets sur la société dans son ensemble –se doit de financer l’éducation (…) C’est le même argument qui justifie que le financement public des soins de santé produit des externalités positives (baisse de la contagion) à même d’avoir des effets positifs sur la croissance. En vous éduquant, vous ne vous aidez pas seulement vous-même, vous aidez l’ensemble de la société, vous stimulez la croissance économique, et c’est à ce titre que je défends la gratuité des soins médicaux et de l’éducation.
Source : La vie des idées, Décembre 2018.
Questions
1) Pourquoi l’auteur défend-t-il la gratuité de l’éducation et de la santé ?
2) Quels sont plus précisément les externalités positives engendrées par l’éducation ?
3) Placer les mots suivants dans le schéma : Positives ; Croissance ; Productivité du travail ; Éducation
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1) Pourquoi l’auteur défend-t-il la gratuité de l’éducation et de la santé ?
L’auteur défend les dépenses de l’État en matière d’éducation et de santé car cela favorise l’accès égalitaire des citoyens à des services publics (meilleure instruction, santé de meilleure qualité, etc.)
Cette gratuité permet des externalités positives pour le reste de la population et pour l’activité économique (citoyens en meilleure santé et travailleurs plus productifs).
2) Quels sont plus précisément les externalités positives engendrées par l’éducation ?
L’éducation crée des externalités positives car elle permet une plus grande circulation des connaissances, et elle améliore la productivité horaire de la force de travail.
3) Placer les mots suivants dans le schéma : Positives ; Croissance, Productivité du travail ; Éducation