Il semble y avoir des périodes de calme social, de fonctionnement normal et sans problème de la société : ce sont les périodes où les forces productives et les rapports de production sont en harmonie, les moments où l’organisation de la production est conforme à l’état des forces productives matérielles. Mais, à d’autres périodes, les forces productives et les rapports de production entrent en contradiction. Les rapports de production existants bloqueraient le développement normal des forces productives. C’est alors qu’on entrerait dans les phases de révolution sociale. La révolution sociale et politique est donc liée à l’état du développement économique. Elle n’est pas un accident de l’histoire, mais l’expression d’une nécessité, d’un déterminisme. (…) La compréhension la plus classique insiste sur l’idée que, dans le mode de production ancien, une classe sociale nouvelle se développe, et cette classe est économiquement progressiste. Elle est l’agent de développement des forces productives. Par exemple, au sein de la société féodale, la bourgeoisie se développe. C’est elle qui est porteuse du développement économique des forces productives. Par contre, au niveau des rapports de production, la classe qui était jusque-là dominante tient encore l’appareil d’État, et donc elle freine le progrès pour maintenir son pouvoir. L’aristocratie aurait ainsi été en contradiction avec le développement des forces productives, développement soutenu par la bourgeoisie naissante au sein du mode de production féodal. Selon cette compréhension, la contradiction entre forces productives et rapports de production recoupe pratiquement l’opposition entre classes sociales antagonistes, opposition dont doit sortir un nouveau mode de production. L’opposition aristocratie-bourgeoisie expliquerait le passage au capitalisme et l’opposition bourgeoisie-prolétariat expliquerait le passage au socialisme. Le prolétariat porte en lui les espoirs de développement des forces productives alors que la bourgeoisie freinerait ce développement. Le droit individuel de propriété, défendu par la bourgeoisie, serait une entrave au développement des forces productives. La bourgeoisie, en s’appuyant sur le droit de propriété, exploite de plus en plus les prolétaires, la paupérisation augmente alors que les richesses produites vont croissant; l’opposition de classes se durcit, ce qui débouche sur les révoltes, puis la révolution prolétariennes.
Pierre Bréchon, les grands courants de la sociologie,2000
Questions à partir des documents 6 et 7 :
11) Quelles sont les différentes composantes de la structure sociale ? Et les relations entre elles ?
12) Expliquez le matérialisme historique ?
13). Pourquoi les révolutions sont elles le produit d’un déterminisme ?
14) Comment permet il d’expliquer l’émergence du capitalisme ?
15) Pourquoi peut –on dire qu’Alexis de Tocqueville et Karl Marx ont un questionnement commun ?
16) Qu’est ce qui les oppose dans les réponses qu’ils apportent ?
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11) Quelles sont les différentes composantes de la structure sociale ? Et les relations entre elles ?
La société décrite par Karl Marx est un édifice dont la base matérielle est constituée par les forces productives. Celles – ci comprennent les moyens de production (matières premières, machines, connaissance) et la force de travail de la main d’œuvre. Les forces productives sont organisées selon des rapports de production qui structurent la société en classes en fonction du régime de propriété. Les forces productives et les rapports de production constituent l’infrastructure sociale. Celle – ci donne naissance à une superstructure qui comprend les idéologies, la morale, les religions…Bref, la base matérielle détermine la conscience sociale, c’est à dire en termes très simples, la représentation du monde.
12) Expliquez le matérialisme historique ?
Si le matérialisme historique explique le fonctionnement social par le primat de l’économie parce que la base matérielle détermine la structure sociale et la superstructure, parce qu’en d’autres termes, l’existence matérielle détermine la conscience sociale, c’est avant tout une philosophie de l’histoire. L’histoire est conçue chez Marx comme une succession de modes de production composés des moyens de production et des rapports de production propres à un état matériel des forces productives. Il distingue ainsi les modes de production suivants : antique ( esclavage, artisanat) ; féodal ( agriculture, servage) ; capitaliste ( salariat, industrie).
13) Pourquoi les révolutions sont elles le produit d’un déterminisme ?
Selon Marx, inévitablement, les forces productives et les rapports de production entrent en contradiction. Les bouleversements sociaux et les révolutions sont la conséquence de la lutte des classes engendrée par ces contradictions. Elle sont en quelques sorte l’aboutissement d’un processus inexorable. Les mêmes causes - les contradictions entre forces productives et rapports de production- engendrent toujours le même effet : une révolution sociale qui fait émerger un nouveau mode de production.
14) Comment permet il d’expliquer l’émergence du capitalisme ?
Le mode de production capitaliste est le dépassement du mode de production féodal provoqué par la lutte entre l’aristocratie foncière et la bourgeoisie. À partir du XVIème siècle, une bourgeoisie prospère en raison du développement d’un commerce aussi bien portuaire que fluvial, qui accroît les débouchés et favorise la proto industrialisation. Cette bourgeoisie enrichie dispose d’un pouvoir économique qui lui permet d’acquérir les biens de la noblesse ruinée. Cependant, la société aristocratique reste en place. Elle concentre tous les pouvoirs (politiques, administratifs, ecclésiastiques) entre les mains de l’Aristocratie. La contradiction est de plus en plus apparente au fur et à mesure de cette tendance à l’appauvrissement d’une classe tandis que l’autre s’enrichit, cela conduit à l’avènement de démocraties libérales à un rythme néanmoins différents selon les pays.
15) Pourquoi peut –on dire qu’Alexis de Tocqueville et Karl Marx ont un questionnement commun ?
Ils ont en effet en commun d’essayer de comprendre les transformations sociales dont ils sont les témoins.
16) Qu’est ce qui les oppose dans les réponses qu’ils apportent ?
Karl Marx explique ces transformations en leur donnant un nom : le mode de production capitaliste. Il en décrit la dynamique et anticipe sa disparition prochaine en raison de l’antagonisme des classes attisé par la baisse tendancielle du taux de profit et la paupérisation du prolétariat. Alexis de Tocqueville leur donne un autre nom : la démocratie. Elle doit conduire selon lui à une amélioration des conditions de vie, à l’émergence d’une classe moyenne et d’un État tutélaire pour la protéger.