« On voit s’esquisser dans le passage de la société de classes à la société du risque une véritable mutation de la nature de la communauté. Pour formuler cela schématiquement, on observe dans ces deux types de sociétés modernes des systèmes de valeurs radicalement différents. Les sociétés de classe reste attachées, dans la dynamique de leur évolution, à l’idéal de l’égalité (auquel on peut donner diverses formulations, qui vont de l’ « égalité des chances » aux variantes des modèles de société socialistes). La situation est différente dans le cas de la société du risque. Son contreprojet normatif, qui en est le fondement et le moteur, est la notion de sécurité. Le système de valeur de la société « sans sécurité » vient se substituer au système de valeur de la société « inégale ». Le système de valeur de la société « sans sécurité » vient se substituer au système de valeur de la société « inégale ». Tandis que l’utopie de l’égalité est riche d’une quantité d’objectifs de transformations sociales à contenu positif, l’utopie de la sécurité reste singulièrement négative et défensive : au fond, il ne s’agit plus d’atteindre quelque chose de « bien », mais simplement d’empêcher que ne se produise le pire. Le rêve de la société de classe est le suivant : tous veulent et doivent avoir leur part du gâteau. L’objectif que poursuit la société du risque est différent : tous doivent être épargnés par ce qui est toxique.[…]
Dans la société de classe, la force motrice se résume en une phrase : J’ai faim ! Le mouvement qui est mis en branle dans la société du risque s’exprime, lui dans la formule suivante : J’ai peur ! La communauté de peur vient se substituer à la communauté de misère.