Document 4. Assurance, assistance et solidarité

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L’opposition entre assurance et solidarité est apparue en 1984 à l’occasion de la réforme de l’indemnisation du chômage. Celle-ci a réduit la solidarité à l’assistance en introduisant une distinction artificielle entre deux types de régime d’indemnisation :

- un régime « d’assurance », financé par cotisations, au titre duquel des prestations de chômage sont versées aux salariés qui ont préalablement contribué au régime, pendant une durée limitée ;

- un régime de « solidarité », financé par l’impôt, en vertu duquel des prestations de chômage sont versées aux chômeurs qui ont épuisé leur droit au régime de l’assurance chômage, ou aux chômeurs qui n’ont pas suffisamment cotisé pour s’ouvrir des droits.

La loi du 22 juillet 1993 relatives aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale, en organisant la séparation entre les prestations relevant de l’assurance vieillesse et celles relevant de la solidarité nationale (minimum vieillesse, prise en charge de cotisation par l’État), opère une réduction sémantique de même nature.

Ce glissement sémantique est assez révélateur d’une évolution dans la manière de percevoir la protection sociale. Il traduit une assimilation croissante de la solidarité aux seules logiques non-contributives, les systèmes assurantiels étant de plus en plus conçus comme des systèmes d’assurance privée qui alignent leurs niveaux de cotisation et de prestation sur le niveau des revenus et des risques de leurs bénéficiaires.

Une telle évolution, perceptible dans les débats sur la réforme des retraites, présente plusieurs risques.

Elle peut tout d’abord entraîner la disparition de l’objectif de solidarité dans les systèmes de protection sociale fondés sur l’assurance, en leur ôtant toute action de redistribution. Les systèmes de protection sociale seraient alors strictement divisés entre un régime de base, financé par l’impôt, et assurant de simples prestations minimales sous conditions de ressources- comparable à la conception traditionnelle de l’assistance-, et un second pilier, fonctionnant sur une logique strictement contributive, assimilable à un système d’assurances privées. Dans une telle architecture, le second pilier perdrait ses caractéristiques de protection collective et pourrait donc être géré aussi bien par des opérateurs publics que privés.

Une telle évolution peut ensuite accentuer les inégalités existantes : les plus pauvres auraient droit à un niveau minimal de prestations, garanti par la solidarité nationale, et les autres s’assureraient eux-mêmes en fonction de leurs revenus et de leurs risques, pour le niveau de protection qu’ils choisiraient. Elle menace donc à terme l’objectif de cohésion sociale atteint par les systèmes de protection sociale actuels, qui mêlent, dans une même logique de solidarité, mécanismes d’assurance et d’assistance.

Source : « Assurance, assistance et protection sociale », vie-publique.fr, avril 2016

Le principe de solidarité ne s’applique-t-il qu’à la seule logique d’assistance ?

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Le texte ci-dessus conteste la validité de l’évolution sémantique qui, au fil des années, a conduit à attribuer à la seule logique d’assistance la dimension de la solidarité entre les groupes sociaux : cette évolution, dangereuse selon les auteurs, amène à scinder la protection sociale de manière définitive entre la logique assurantielle dont la solidarité serait absente et la logique assistancielle qui en serait le seul support. Or, cette vision élimine des mécanismes assurantiels toute ambition et tout objectif de redistribution sociale, en ne lui attribuant qu’une logique individualiste, logique qui’ à terme, pourrait être confiée à des contrats privés, sans intervention de la puissance publique, sur le modèle anglo-saxon. La solidarité, dans un tel schéma, ne s’adresserait plus qu’à la minorité sociale la plus démunie, pour un niveau de protection minimaliste. Le texte réaffirme que les conditions d’une véritable cohésion sociale reposent sur une nécessaire imbrication de la solidarité dans les deux logiques de l’assurance et de l’assistance.

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