Document 2. Socialisation ou « re-socialisation » des immigrés ?

Facile

L’immigration a changé de nature : en se pérennisant, elle a perdu de son aspect purement économique ; en se stabilisant, elle est devenue familiale. En 1974, la France avait décidé de suspendre l’immigration de travail, pour admettre consécutivement une immigration familiale. L’arrivée d’épouses et d’enfants mineurs a contribué au rajeunissement de la population immigrée.

(…) La présence permanente d’étrangers pose le problème de leur insertion dans la société française, de leur alphabétisation, de leur logement et de la scolarisation de leurs enfants. Mais chaque fois que l’on parle publiquement de l’intégration, c’est la nationalité qui revient comme une litanie dans tous les débats. L’État n’a visiblement qu’une réponse juridique à donner par le biais du Code de la nationalité. (…)

Parler de naturalisation et d’acquisition de la nationalité française implique que la question de la nation soit résolue, parce qu’elle participe de la socialisation, de l’intégration sociale. On ne s’intéressera pas à la nation en tant que justification et légitimation du pouvoir, mais comme réceptacle devant accueillir et intégrer des individus différents. La nation offre un cadre fonctionnel dans lequel pourra se réaliser l’épanouissement socio-économique, voire culturel, de l’homme.

La naturalisation des étrangers suppose leur re-socialisation. C’est donc bien d’intégration sociale qu’il va falloir parler dans ce cadre national.

Avec des définitions classiques, un lien privilégié sera établi entre la socialisation et l’éducation. Des auteurs plus récents ont montré que l’éducation ne consiste pas seulement en « une socialisation méthodique de la jeune génération » chère à É. Durkheim : la socialisation intervient en effet tout au long de la vie de l’homme. Après la famille et l’école, la socialisation peut avoir comme cadre le service militaire, le travail, etc. Il y a bien une socialisation « primaire » et une socialisation « secondaire ».

En effet, les immigrés ont déjà été socialisés dans leurs pays d’origine et on doit parler de re-socialisation à leur endroit. La référence aux diverses interactions entre individus va être fondamentale dans la mesure où le paradigme de l’interaction permet de concevoir la socialisation comme processus adaptatif. Pour l’étranger, il sera donc plus exact de se référer à la socialisation dite secondaire. Au demeurant, la socialisation ne constitue pas un bloc monolithique : elle laisse une large place au débat car, si certaines valeurs sont irréversibles, d’autres, au contraire, changent en fonction des situations vécues. Et c’est ce qui explique l’émergence de ce concept comme l’adaptation, la conformité, parce que l’individu peut parfois voir les choses autrement et être perçu comme un outsider ou un stigmatisé.

Mais quel sera l’agent de socialisation le plus adéquat ? Les pairs, les médias et la rue peuvent jouer leur rôle comme le soulignent la plupart des sociologues. Ce peut être aussi dans le cadre du travail que cette socialisation pourra se réaliser, en liaison avec la définition de l’identité. La famille est le lieu privilégié pour des raisons évidentes de « socialisation infantile ». Quant à l’école, trois raisons au moins militent en sa faveur : d’une part, elle nous paraît être le facteur essentiel dans le domaine de l’apprentissage, et pas seulement linguistique ; d’autre part, elle est le contact le plus durable qu’a l’enfant avec les normes de la société ; enfin, parce que la socialisation concerne davantage les jeunes générations (cela est encore plus vrai pour les enfants de migrants).

En définitive, nous nous apercevons que l’école fait une place non négligeable à la culture des élèves d’origine étrangère. Il est vrai que la France a abandonné son œuvre « assimilatrice » pour des ambitions plus modestes et proposer aux immigrés et à leurs enfants, d’abord l’ « insertion » puis l’ « intégration ».

Mohand Khellil (2005), Sociologie de l’intégration, PUF

 

Question 1 : Qu’est-ce qu’un immigré ?

Question 2 : Pourquoi l’auteur parle de « re-socialisation » ? Ce concept est-il valable pour leurs enfants ?

Question 3 : Pour le sociologue Mohand Khellil faut-il utiliser le concept d’intégration ou de socialisation ?

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Question 1 : Qu’est-ce qu’un immigré ?

Réponse 1

Selon la définition adoptée par le Haut Conseil à l'Intégration, un immigré est une personne née étrangère à l'étranger et résidant en France.

Les personnes nées françaises à l'étranger et vivant en France ne sont donc pas comptabilisées.

À l'inverse, certains immigrés ont pu devenir français, les autres restants étrangers.

Les populations étrangère et immigrée ne se confondent pas totalement : un immigré n'est pas nécessairement étranger et réciproquement, certains étrangers sont nés en France (essentiellement des mineurs).

La qualité d'immigré est permanente : un individu continue à appartenir à la population immigrée même s'il devient français par acquisition. C'est le pays de naissance, et non la nationalité à la naissance, qui définit l'origine géographique d'un immigré.

 

Question 2 : Pourquoi l’auteur parle de « re-socialisation » ? Ce concept est-il valable pour leurs enfants ?

Réponse 2

Mohand Khellil parle de « re-socialisation » parce que les immigrés (un immigré est une personne née étrangère à l'étranger et résidant en France) ont déjà été socialisés dans leurs pays d’origine.

Si leurs enfants sont nés et élevés en France alors ce concept n’est plus pertinent.

 

Question 3 : Pour le sociologue Mohand Khellil faut-il utiliser le concept d’intégration ou de socialisation ?

Réponse 3

L’intégration est « un processus plus ou moins long grâce auquel un ou plusieurs individus vivant dans une société, étrangère par définition, manifestent leur volonté de participer à l’édification de l’identité nationale de celle-ci qui, sur le plan économique et social, prend à leur égard toute une série de dispositions propres à atteindre cet objectif » (Khellil, 1991). Pour lui cette notion d’intégration doit être étendue à l’ensemble des habitants de l’Hexagone d’où sa préférence pour le concept sociologique de… socialisation.

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