En matière de délinquance, la télévision a consacré dans les années 1980 le retour à l 'honneur des faits divers jadis considérés comme unn genre mineur peu valorisé. Et le succès des chaines d'information continue a encore aggravé ces tendances. Depuis , le goût des faits divers , la recherche de la sensation et de l 'indignation, le non-respect de la présomption d'innocence, sont devenus quotidiens. En fait de reportage, d'enquête ou de documentaire, les chaines de télévision ont de plus en plus recours à ce que l 'on appelle le «publireportage» (à l 'origine une méthode de publicité/promotion commerciale visant à augmenter l 'usage d'un produit quelconque en mettant en scène sa consommation ordinaire sur le mode du récit décrivant des scènes d'apparence ordinaire de la vie quotidienne). Ceci afin de mettre en scène «l'insécurité» et l 'action des forces de police, en liaison étroite avec les services de communication du ministère de l 'Intérieur. Certains ont par ailleurs souligné une collusion médiatique croissante entre pouvoir médiatique, politique et économique, tous appartenant aux classes sociales dominantes et dirigeantes, portant sur les milieux populaires en regard au mieux distancé au pire méprisant. Ces tendances profondes ne font que renforcer au fil des ans des analyses que les sociologues de la délinquance avaient déjà faites aux Etats-Unis dans les années 1960 et 1970. Elles consistent à voir dans le traitement médiatique de la délinquance un renforcement des effets de «paniques morales» déclenchées régulièrement au sujet des questions de délinquances et à considérer les médias comme des «entrepreneurs moraux» capables de lancer par eux-même ce que Becker appelait des «croisades morales». De nombreux exemples illustrent ce rôle croissant des médias dans le traitement de «l 'insécurité», ainsi que leur rôle probable dans le développement et l 'entretien tant du discours sécuritaire que du sentiment d'insécurité.
SOURCE: laurent Mucchielli, sociologie de la délinquance, Armand Colin, 2018
QUESTIONS :
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Expliquez le titre de cet extrait.
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Quel lien peut-on établir entre le constat fait par l 'auteur à propos de certains médias et la mesure de la délinquance?
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REPONSE :
1) Expliquez le titre de cet extrait.
Pour Laurent Mucchielli, les médias contemporains participent à la désignation de la déviance; en décrivant par exemple dans les publireportages des situations d'insécurité, ou en focalisant le regard sur les jeunes de cités, ils créent une certaine représentation de la délinquance et propagent un sentiment d'insécurité. Ils se comportent donc comme des «entrepreneurs de morale» au sens de Becker, capables de délimiter les comportements délinquants et de générer des comportements de «panique morale»; en ce sens, les medias amplifient les mouvements d' opinions qui servent de supports aux réformes pénales. On peut par exemple donner l'exemple du thème de l 'insécurité qui s'est retrouvé au cœur des débats des élections présidentielles de 2002 sans qu'aucun évènement spécifique ne justifie cette mise à l 'agenda politique.
2) Quel lien peut-on établir entre le constat fait par l 'auteur à propos de certains médias et la mesure de la délinquance?
La mesure de la délinquance est également liée à sa définition et sa représentation; on pourra illustrer ce constat en rappelant le durcissement progressif et certain des sanctions pénales en matière de délinquance des mineurs: depuis l 'ordonnance de 1945 organisant la justice des mineurs, les réformes ne se comptent plus pour accentuer les sanctions et les poursuites à l 'égard de la minorité . L'image du délinquant indissociable du jeune reste forte dans la représentation collective et les médias au sens large en ont une ceratine responsabilité.