Document 2 : l’industrialisation et le paupérisme

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« Lorsqu’on parcourt les diverses contrées de l’Europe, on est frappé d’un spectacle très extraordinaire et en apparence inexplicable. Les pays qui paraissent les plus misérables sont ceux qui, en réalité, comptent le moins d’indigents, et chez les peuples dont vous admirez l’opulence, une partie de la population est obligée pour vivre d’avoir recours aux dons de l’autre. Traversez les campagnes de l’Angleterre, vous vous croirez transporté dans l’Eden de la civilisation moderne. Des roules magnifiquement entretenues, de fraîches et propres demeures, des troupeaux errant dans de riches prairies, des cultivateurs pleins de force, la richesse plus éblouissante qu’en aucun pays du monde, (...) : telle apparaît l'Angleterre aux premiers regards du voyageur. Pénétrez maintenant dans l'intérieur des communes; examinez les registres des paroisses, et vous découvrirez avec un inexprimable étonnement que le sixième des habitants de ce florissant royaume vit aux dépens de la charité publique. Que si vous transportez en Espagne, et surtout en Portugal, la scène de vos observations, un spectacle tout contraire frappera vos regards. Vous rencontrerez sur vos pas une population mal nourrie, mal vêtue, ignorante et grossière, vivant au milieu de campagnes a moitié incultes et dans des demeures misérables : en Portugal cependant, le nombre des indigents est peu considérable. De Villeneuve estime qu’il se trouve dans ce royaume un pauvre sur vingt-cinq habitants. Le célèbre géographe Balbi avait précédemment indiqué le chiffre d’un indigent sur quatre-vingt-dix huit habitants.

 

(...) Un pareil résultat est farde à comprendre. Le cultivateur a pour produit dés denrées de première nécessité. Le débit peut en être le plus ou moins avantageux, mais il est à peu près sûr; et si une cause accidentelle empêche le recueillement des fruits du sol, ces fruits fournissent au moins de quoi vivre à celui qui les a recueillis et lui permet lent d’attendre des temps meilleurs. L’ouvrier, au contraire, spécule sur des besoins secondaires que mille causes peuvent restreindre, que de grands événements peuvent entièrement suspendre. Quels que soient le malheur des temps, il faut à chaque homme une certaine somme de nourriture sans laquelle il languit et meurt, et l’on est toujours assuré de lui voir faire des sacrifices extraordinaires pour se les procurer; mais des circonstances malheureuses peuvent porter la population à se refuser certaines jouissances auxquelles elle se livrait sans peine en d’autres temps. (...) Je n'ai parlé que du cas où la population restreindrait ses besoins. Beaucoup d’autres causes peuvent amener le même effet; une production exagérée chez, la concurrence des étrangers, etc. La classe industrielle qui sert si puissamment au bien-être des autres est donc bien plus exposée qu’elle aux maux subits et irrémédiables. Dans la grande fabrique des sociétés humaines, je considère la classe industrielle comme ayant reçu de Dieu la mission spéciale et dangereuse de pourvoir à ses risques et périls au bonheur matériel de toutes les autres »

Alexis de Tocqueville « mémoire sur le paupérisme » (1835)

Questions : 

1) Quel est le paradoxe relevé par Tocqueville sur le paupérisme ?

2) Pourquoi un mode de production fondé sur le secteur primaire protège-t-il davantage de la misère qu’un mode de production centré sur l’industrie ?

3) Expliquez la phrase en "gras italique"

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1) Quel est le paradoxe relevé par Tocqueville sur le paupérisme ?

Le paradoxe que relève Tocqueville est en ce que les pays et les villes qui apparaissent les plus riches sont aussi ceux qui compte le plus d’indigents.

2) Pourquoi un mode de production fondé sur le secteur primaire protège-t-il davantage de la misère qu’un mode de production centré sur l’industrie ?

Un agriculteur peut consommer les fruits de son travail et ainsi se nourrir même si sa récolte est faible ou qu’il doit la vendre à un prix dérisoire. À l’inverse, un ouvrier dépend exclusivement de son salaire pour vivre : en l’absence de revenu, il est condamné à mourir de faim ou à dépendre de la charité. Par ailleurs, ce mode de production est selon Tocqueville plus vulnérable à la concurrence étrangère, la surproduction, etc.

3) Expliquez la phrase "en gras italique"

Les ouvriers travaillent au service d’un système productif qui permet d’augmenter la richesse globale mais qui les fragilise particulièrement.

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