Document 11. La dimension sociale de la monnaie

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Dans son livre intitulé La production des grands hommes, l’anthropologue Maurice Godelier nous fait découvrir les pratiques d’échanges et d’initiation des Baruyas de Nouvelle-Guinée. Cette tribu, découverte seulement en 1951, utilise une monnaie constituée de barres de sel de potassium. Ce sel est produit à partir des cannes à sel cultivées dans ce but.

Sa fabrication implique la participation du groupe entier à la culture, à la récolte et à la fabrication. Ce sel est à la fois un bien de consommation cérémoniel et un moyen d’échange (monnaie). Il n’est pas utilisé de manière courante (car il est mauvais pour le foie), mais au cours des cérémonies, par exemple les initiations. Ce sel sert également de principal moyen d’échange avec d’autres tribus pour se procurer des moyens de production (herminettes), des armes (casse-têtes, bois pour la fabrication des arcs). Godelier insiste sur le fait qu’on ne l’échange que contre du nécessaire et non du superflu. La monnaie participe à la structuration de la société et à ses relations avec les autres groupes : elle permet la création de liens.

Les sociologues contemporains confirment la permanence de ces observations dans nos sociétés. Ils montrent en particulier que la monnaie n’a pas toujours le même usage et que ceux qui l’emploient opèrent des distinctions. […] Les utilisateurs font des différences selon l’usage ou l’origine de l’argent. William Thomas et Florian Znaniecki, relevant les comportements des paysans polonais en Amérique au début du XXe siècle, observent « que le paysan qui mettait de l’argent de côté dans un but précis, puis qui devait faire une autre dépense, préférait emprunter la somme, plutôt que toucher à cet argent ». L’argent épargné l’est pour des usages appropriés, et sa fongibilité remettrait en cause l’ordre.

De même, pour Marty, gangster de Philadelphie, l’argent provenant des trafics était impropre à faire des dons à l’église de son quartier, car seul l’argent liquide acquis honnêtement pouvait être offert à Dieu !

L’exemple des cadeaux est également éclairant. L’argent donné témoigne d’un lien social et d’une relation : souvent le donateur précise l’usage qui est fait de la somme. La pratique des chèques-cadeaux, utilisables seulement dans certains magasins, oriente l’usage qui est fait de l’argent. Généralement, le donataire justifie l’emploi de la somme qui lui est versée. Ainsi, la monnaie est aujourd’hui encastrée dans un jeu de relations sociales dont elle constitue l’un des instruments pour resserrer les liens ou créer des dépendances. La monnaie n’est pas socialement neutre, les hommes en font un instrument de leur système d’échange.

Montoussé, Voisin, Monnaie et politiques monétaires, Coll. Thèmes et Débats, Bréal,

Question :

Pourquoi peut-on dire que l’argent est socialement marqué ? (Vous pouvez utiliser également le document 1)

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Pourquoi peut-on dire que l’argent est socialement marqué ? (Vous pouvez utiliser également le document 1)

Il existe des règles sociales qui encadrent l’utilisation de la monnaie : Les utilisateurs font des différences selon l’usage ou l’origine de l’argent.

- les barres de sel

- les paysans polonais

- Marty

Dans l’extrait coupé de ce texte, on trouve une référence à « Viviana Zelizer, professeur de sociologie à Princeton, dans son livre La signification sociale de l’argent. Elle considère, en effet, que l’argent n’est pas uniquement un équivalent universel. » L’un des exemples qu’elle donne est relatif à l’usage d’une somme d’argent reçue en héritage. Celle-ci ne sera pas dépensée de la même manière que l’argent gagné au loto ou dans le cadre du travail. Les individus donnent une signification différente à l’argent et n’en font alors pas usage de la même façon selon son origine.

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