Document 10. Une importance à nuancer ?

Facile

Prendre en compte ne signifie pas, aujourd’hui, suivre aveuglément les sondages, pour deux raisons. En premier lieu, les hommes politiques ont appris à domestiquer la technique du sondage et savent plus ou moins que ces enquêtes livrent des chiffres bruts qui demandent à être décodés, et qui le sont à leur risques et périls. Cela ne signifie pas qu’ils ne font plus les mêmes erreurs d’interprétation, mais que, à l’usage, après certaines expériences désagréables, ils apprennent à mieux s’en servir. Et s’ils ne peuvent plus s’en passer, c’est parce que les incertitudes inhérentes à la lutte politique dans les régimes démocratiques, lutte qui est en permanence placée sous la dépendance des aléas électoraux, incitent les hommes politiques à voir, dans cette technique, un moyen certes moyennement fiable, pour se repérer par rapport à ce que semblent vouloir leurs électeurs [...]. Par ailleurs, la publication régulière dans la presse de sondages portant sur les intentions de vote et sur l’opinion publique oblige les acteurs politiques, qu’ils y croient ou non, à les prendre en compte et à mener la lutte sur ce front spécifique avec l’aide de leurs conseillers en communication. Il ne s’agit plus, en ce cas, de savoir ce que disent les sondages pour savoir quelle décision doit être prise mais de prendre une décision et de chercher les moyens - pour l’essentiel médiatiques - à utiliser pour que les sondages réalisés par la suite paraissent indiquer une approbation, par l’opinion publique, des décisions ainsi prises. Les politiques, loin de suivre les sondages, cherchent non pas à manipuler les enquêtes ou les enquêteurs mais ce qu’ils vont recueillir avec leur dispositif.

 

Source : Patrick Champagne, « Le sondage et la décision politique », Revue Projet, 01/04/2001, disponible sur https://www.revue-projet.com/articles/2001-4-le-sondage-et-la-decision-politique/7480 [consulté le 18/09/2019].

1-Quelles caractéristiques des régimes démocratiques expliquent, selon Patrick Champagne, la forte dépendance des hommes et femmes politiques aux sondages ?

2-En quoi le texte amène-t-il à nuancer l’idée selon laquelle les hommes et femmes politiques prennent leurs décisions en fonction des sondages ? 

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1-Quelles caractéristiques des régimes démocratiques expliquent, selon Patrick Champagne, la forte dépendance des hommes et femmes politiques aux sondages ?

 

En démocratie, le personnel politique est placé dans une situation de forte incertitude : l’accession et le maintien aux postes de pouvoir politique sont conditionnés par la victoire aux élections. La thèse Patrick Champagne est que le sondage est une technique permettant aux hommes et femmes politiques de se rassurer, de mieux évaluer le risque électoral, de mieux repérer quelles sont les attentes des électeurs.

 

2-En quoi le texte amène-t-il à nuancer l’idée selon laquelle les hommes et femmes politiques prennent leurs décisions en fonction des sondages ? 

 

Selon Patrick Champagne, les hommes et femmes politiques font preuve d’une certaine distance critique vis-à-vis des résultats publiés par les sondages. Ils n’en font pas la boussole exclusive de leur action. Par contre, la publication régulière de sondages amène le personnel politique à se préoccuper de la réception que fait le public de leurs décisions. De ce fait, il ne s’agit pas pour les hommes et femmes politiques de modeler leur comportement pour se conformer aux attentes supposées des citoyens telles qu’elles seraient recueillies par les sondages. Il s’agit plutôt de trouver un moyen de faire en sorte que leurs initiatives soient perçues le plus positivement possible par les citoyens, de manière à ce que les sondages enregistrent un soutien à celles-ci, en quelque sorte ex post. Le sondage ne précède pas la décision politique, mais la décision politique est élaborée de manière à susciter l’adhésion.

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