Quatre grands types de questions particulièrement courantes débouchent sur des réponses dans lesquelles figure le mot “classe”.
En premier lieu, le mot “classe” figure dans la réponse à la question : “Comment les gens, individuellement ou collectivement, se situent-ils eux-mêmes et situent les autres dans une structure sociale inégalitaire ?” [...]. Ici, la classe ne se définit pas par un ensemble de propriétés objectives relatives à la situation sociale d’une personne, mais par les représentations subjectives partagées par les gens sur les différents statuts dans un système social inégalitaire.
En deuxième lieu, la notion de classe est souvent centrale dans la question : “Quelle est la position objective des individus dans des systèmes inégalitaires au plan matériel ?” [...] Dans cette approche, la classe est un concept qui rend compte de l’existence d’une échelle, et dont les expressions suivantes permettant de situer les personnes sont : “classe supérieure”, “classe moyenne supérieure”, “classe moyenne”, “classe moyenne inférieure”, “classe inférieure”, “sous-classe”.
Troisièmement, la classe fait partie de la réponse à la question : “Comment expliquer les inégalités relatives aux opportunités de vie -définies d’un point de vue économique- et aux niveaux de vie matériels ?” On a ici affaire à une question plus complexe que les deux précédentes. En effet, il ne s’agit pas seulement de décrire la situation des gens à l’intérieur d’un certain système de stratification -subjectif ou objectif-, mais d’identifier certains mécanismes causaux qui contribuent à déterminer les traits significatifs de ce système. Lorsque la notion de classe est utilisée pour expliquer les inégalités, cela signifie qu’elle se définit par la relation entre les gens et les ressources engendrant des revenus (ou des capitaux) de différents types. Ce concept est à la fois caractéristique des traditions sociologiques webériennes et marxistes.
Enfin, la notion de classe occupe une place centrale dans la réponse à la question : “Quels sont les types de lutte qui ont la capacité de supprimer l’oppression et l’exploitation économique des sociétés capitalistes et de favoriser ainsi l’émancipation ?” [...] Cette question est caractéristique de l’approche de Marx [...]. La conception marxiste des classes sociales ne repose pas seulement sur l’idée de rapports sociaux liés aux ressources économiques, mais inclut également la question des fondements d’une action collective permettant de remettre en cause ces rapports de classes.
Source : Massimo Borlandi, Raymond Boudon, Mohamed Cherkaoui, Bernard Valade, Dictionnaire de la pensée sociologique, 2005.
Questions
1.Dans le texte, relevez quelles sont les différentes conceptions des classes sociales qui ont cours en sciences sociales.
2.A quelle conception des classes sociales Marx et Weber se rattachent-ils ?
3.Qu’est-ce qui différencie, selon ce texte, les travaux de Marx et Weber sur les classes sociales ?
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1.Dans le texte, relevez quelles sont les différentes conceptions des classes sociales qui ont cours en sciences sociales.
Les auteurs identifient quatre types de conceptions des classes sociales.
La première consiste à considérer que les classes sociales sont des groupes sociaux dans lesquels les individus se reconnaissent et qui leur servent à définir leur position sociale et celle des autres. En quelque sorte, c’est la conception qui prévaut lorsque les instituts de sondages posent la question “Vous sentez-vous appartenir à une classe sociale ?”.
La deuxième conception des classes sociales amène à voir celles-ci comme des outils permettant de tracer, pour l’observateur, des frontières entre des groupes sociaux aux caractéristiques objectives communes. On est là dans un sens proche de celui employé par François Quesnay, lorsqu’il définit, dans son Tableau économique, en 1758, les classes sociales comme des “groupes d’individus partageant un ensemble de conditions sociales, économiques ou culturelles”. Il oppose ainsi la classe productive (“celle qui fait renaître par la culture du territoire, les richesses annuelles de la nation”) à la fois à la classe des propriétaires (qui subsiste par le revenu ou produit net qui lui est payé annuellement par la classe productive, mais qui conditionne le développement harmonieux du pays) et à la classe stérile (tous les autres dont les dépenses sont payées par la classe productive et celle des propriétaires).
La troisième conception de la classe sociale tend à identifier les mécanismes causaux qui amène à ce que les individus soient structurés en une hiérarchie sociale donnée (que celle-ci soit objective ou subjective).
Enfin, la quatrième conception de la classe sociale cherche à expliquer comment les luttes sociales peuvent amener à combattre les mécanismes qui amènent à la hiérarchisation de la société en groupes sociaux caractérisés par un inégal accès aux ressources socialement valorisées.
2.A quelle conception des classes sociales Marx et Weber se rattachent-ils ?
Pour les auteurs, Marx et Weber se rattachent à la troisième conception des classes sociales : ils tentent d’expliquer pourquoi la société est organisée selon une structure sociale hiérarchisant différents groupes sociaux.
3.Qu’est-ce qui différencie, selon ce texte, les travaux de Marx et Weber sur les classes sociales ?
Marx se rattache aussi à la quatrième conception des classes sociales : son oeuvre cherche à mettre en évidence comment les luttes sociales peuvent contribuer à mettre fin aux mécanismes qui aboutissent à l’existence de hiérarchisations sociales entre groupes sociaux.