DOCUMENT 1: identifier les problèmes de mesure de la délinquance

Facile

Les chiffres rapportés dans les «bilans des crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie» (au doux nom officiel «d’état 4001») ne sont pas un comptage des faits qui se sont produits — il est impossible de le savoir avec exactitude — mais de ceux qui ont été portés à la connaissance des forces de l’ordre. Il s’agit donc soit de faits directement constatés par des policiers ou des gendarmes, soit de ceux qui ont fait l’objet d’une plainte de victime. Ces statistiques comportent deux biais principaux :[premièrement]une hausse des faits constatés peut être issue d’une consigne donnée pendant une certaine période aux forces de l’ordre pour lutter plus activement contre tel ou tel type de délinquance. Mécaniquement, le nombre de cas concernés augmente. [deuxièmement]les victimes ne portent pas toujours plainte.Parce qu’elles pensent que cela ne servirait à rien, parce qu’elles craignent des représailles, parce qu’elles préfèrent oublier…, quelle que soit la raison, les victimes d’un crime ou d’un délit ne portent pas toujours plainte, et les faits ne sont donc pas comptabilisés dans les statistiques. C’est notamment le cas des violences sexuelles, qui sont sous-déclarées. Le bilan annuel 2017 des crimes et délits rapportait une augmentation de 12% des viols par rapport à l’année précédente, et de 10% d’autres agressions sexuelles. Le bilan du premier semestre 2018 confirme cette tendance (+ 19%). Pourtant, on ne peut pas déduire de cette seule statistique que le nombre de violences sexuelles a «explosé» ces derniers mois: entre-temps, le phénomène #MeToo a libéré la parole de femmes confrontées au harcèlement sexuel, mais également aux agressions sexuelles et aux viols. Le contexte a incité certaines victimes à aller porter plainte quand elles ne l’auraient pas fait quelques années auparavant. Enfin, un autre biais des statistiques de la délinquance est la temporalité: la date de constat du fait n’est pas forcément celle à laquelle il s’est produit. Autrement dit, une personne victime d’un délit à la fin de décembre 2017 et portant plainte au début de 2018 sera comptabilisée dans cette dernière année. Certains faits ne sont fournis par la direction centrale de la police judiciaire que chaque semestre.C’est pour cela qu’il est inutile de faire des calculs jour par jour à partir de ces statistiques. L’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) publiait, jusqu’en 2012, des bulletins mensuels et mettait en garde contre la comparaison par rapport au mois précédent, compte tenu de variations saisonnières (il y a davantage de cambriolages en juillet, période de vacances d’été, qu’en juin) — cela vaut aussi pour d’autres statistiques comme la mortalité routière. Il est préférable d’observer l’évolution sur plusieurs années pour comparer des périodes similaires et saisir la tendance.Prises seules, ces statistiques ne suffisent donc pas à dresser un tableau net de la délinquance en France. Certaines doivent être complétées par d’autres statistiques, comme les violences volontaires, dont presque la moitié (44%) a été commise dans la sphère familiale en 2017. Cette année-là, une violence sexuelle sur quatre enregistrée par la police ou la gendarmerie avait été commise dans un cadre familial.L’enquête «Cadre de vie et sécurité»,publiée chaque année par l’ONDRP, est utile pour compléter le paysage de la délinquance en France. Elle est constituée «d’enquêtes de victimation» menées directement auprès de Français en les interrogeant sur les actes de violence ou les vols subis pendant l’année. Tous n’ayant pas porté plainte, le nombre de crimes et délits signalés est ainsi plus important.L’ONDRP a changé en 2017 sa méthodologie pour mieux évaluer le nombre de violences sexuelles, rendant impossible toute comparaison avec les années précédentes.

SOURCE: A.Pouchard«Pourquoi les chiffres de la délinquance sont à prendre avec précaution», Le Monde, 29 août 2018

QUESTIONS:

  1. Distinguez les différentes sources statistiques de mesure de la délinquance évoquées dans cet article du Monde.

  2. Listez les problèmes posés par la mesure statistique de la délinquance évoqués par l 'auteur.

Voir la correction

REPONSE :

1) Distinguez les différentes sources statistiques de mesure de la délinquance évoquées dans cet article du Monde.

Dans cet article ,«état 4001» fait référence aux chiffres du SSMI c'est à dire à ceux émis par les services de police et de gendarmerie;ensuite sont mentionnés les chiffres des enquêtes de «violences volontaires» qui par recoupement avec les chiffres des violences intrafamiliales renvoient aux enquêtes de délinquance auto déclarée et enfin on retrouve l'évocation des enquêtes de victimation dont les données sont présentées dans l'enquête «cadre de vie et sécurité»

2) Listez les problèmes posés par la mesure statistique de la délinquance évoqués par l 'auteur.

L'auteur de l 'article évoque au moins 4 problèmes de la mesure statistique de la délinquance:

Pour la mesure du SSMI, les faits doivent être déclarés, ce qui rend évidemment indispensable la déclaration par la victime pour comptabiliser l 'acte; or cette dernière peut ne pas déclarer pour de multiples raisons , ou elle peut être amenée à le faire davantage si le contexte est plus favorable .Par ailleurs les faits peuvent être constatés par les services de police ou de justice ce qui selon les directives hiérarchiques données peut également modifier le comptage.

Pour analyser les chiffres et notamment établir des comparaisons dans le temps, se pose aussi le problème de leur temporalité: l'auteur rappelle qu'il existe une saisonalité de certains actes délinquants ( délinquance routière par exemple).

Enfin certaines mesures et méthodologie ont changé: c'est le cas de l 'INSEE en 2007 ou encore de l 'ONDRP en 2017.

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