Corrigé des épreuves du baccalauréat-Jour 1 : Dissertation

Modéré

Sujet : Comment l’action collective s’est-elle transformée dans les sociétés démocratiques ?

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Mai 1968 marque le début des transformations de l’action collective. La génération d’après-guerre se révolte contre la société patriarcale et très hiérarchisée du général de Gaulle. Les jeunes veulent plus de liberté, moins de contrainte et sont suivis par une grande partie de la population. L’objet de ces premières revendications n’est donc pas économique. L’action collective qui peut se définir comme l’action concertée d’un groupe en vue d’atteindre un objectif commun, s’est transformée tout au long de la 2°moitié du 20°siècle. En effet, dominait avant la 2°guerre mondiale, des acteurs traditionnels comme les partis politiques et les syndicats, ils portaient des objets essentiellement économiques avec des modes d’engagement conventionnels (militantisme, vote). Comment l’action concertée des individus a-t-elle évolué par ses objets, ses acteurs et ses répertoires ? Nous verrons dans une première partie la transformation des objets puis celle des acteurs et enfin celle des répertoires.

I-Les objets de l’action collective se sont transformés

A-un affaiblissement des objets liés au conflit du travail

A la fin des années 60, le niveau de vie a augmenté en France grâce aux Trente Glorieuses. Il y a donc moins de place pour les revendications économiques ou liés aux conflits du travail. En effet, une population qui n’a plus pour préoccupation de trouver de quoi manger et s’abriter tous les jours peut alors rechercher à l’accomplissement d’autres besoins (développement personnelle, égalité, liberté sexuelle, environnement, lutte contre les discriminations…). Ainsi, les conflits du travail n’occupent plus une place centrale même s’ils n’ont pas pour autant disparus. L’exemple du taux de syndicalisation est révélateur de la perte de vitesse des conflits du travail. En effet, en 2020 sur 100 salariés en France, 10 sont syndiqués contre 30 en 1945 selon la Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques, soit une baisse de 20 points de %.

Les revendications par rapport au travail n’ont pas pour autant disparu, elles se sont transformées. En effet, le nombre de journée de grève a diminué mais les revendications n’ont pas pour autant disparu, elles peuvent passer par des grèves perlées ou des grèves zèles (afin de ralentir le rythme de travail),  l’absentéisme ou recours aux prud’hommes pour régler les conflits. En effet, les motifs économiques représentent toujours ¼ des mouvements protestataires en France (gilets jaunes, contre la loi travail,…). Cette proportion est plus faible en Allemagne notamment grâce au rôle essentiel des syndicats dans les entreprises.

B-L’apparition de nouveaux objets de revendication

Les luttes minoritaires ont ainsi augmenté. Ce sont des mouvements sociaux portés par des populations en minorités, c’est-à-dire en position d’infériorité par rapport à l’ensemble de la population. Ces nouveaux mouvements sociaux (Touraine) ont une dimension globale, c’est-à-dire qu’elle ne concerne pas un seul pays mais plusieurs (mouvement altermondialiste par exemple : contre le modèle de mondialisation actuel) et n’ont pas forcément un adversaire bien identifié (ex : mouvement antiraciste ou féministe). Ces revendications sont dites post-matériaslites et sont particulièrement présentes chez les jeunes. Par exemple, le mouvement Black Lives Matter (document 2)  qui dénonce les violences et les inégalités présentes dans la société et dirigées vers les minorités raciales. L’action collective s’est donc transformée dans ses objets avec la perte d’influence des conflits du travail et l’apparition de nouveaux objets de revendication.

L’apparition de ces nouveaux objets s’est accompagnée de la perte d’influence de certains acteurs comme les partis politiques et les syndicats. Parallèlement, des acteurs moins institutionnalisés se sont fait une place dans le champ des revendications collectives.

II-Les acteurs de l’action collective se sont transformés

A-la perte d’influence des acteurs traditionnels

Les partis politiques ont moins d’influence dans la mobilisation collective même s’ils continuent de jouer un rôle essentiel. Ils remplissent en effet plusieurs rôles dans les démocraties représentatives et plus spécifiquement dans l’action collective. En effet, ils ont pour rôle de transformer les revendications en propositions politiques : élaboration des programmes, structuration des opinions, animation des débats, soutiens des électeurs dans leur manifestation, porte-parole de groupes défavorisés…Ils encouragent donc, soutiennent la mobilisation collective et se font les portes paroles des revendications. Cependant, les citoyens sont de plus en plus défiants vis-à-vis de ces partis notamment à cause des nombreux scandales qui les ont éclaboussés, de la volonté d’une démocratie plus directe…

Les syndicats subissent la même perte de vitesse que les partis politiques. Ils conservent tout de même un rôle important. Ils défendent les intérêts collectifs, malgré la diminution du nombre d’adhérents, il garde un rôle essentiel pour porter les revendications des travailleurs : ils organisent des journées de grève collective, des manifestations et donnent ainsi plus de poids aux revendications des salariés. Sans les syndicats, la mobilisation collective serait beaucoup moins importante car il faut pouvoir s’appuyer sur une structure organisée pour qu’une manifestation ait plus de chance d’aboutir (moyens matériels, réseau pour rencontrer les personnes qui ont le plus de chance de porter les revendications…). Le fait que les conflits du travail ne soient plus centraux dans les revendications a contribué à leur perte de vitesse. 

B-L’émergence de nouveaux acteurs moins institutionnalisés

Les citoyens sont en demande de plus de démocraties directes et à ce titre, les groupements de citoyens répondent à cette demande. Les exemples de mouvements et groupements citoyens sont multiples : les gilets jaunes, Nuit Debout (contre la loi travail),…. Ils ne sont portés par aucune organisation structurée. Leur but est de permettre l’expression des citoyens. Ces mouvements fonctionnent selon les principes de la démocratie directe (pas de chef ni représentants, prise de décision en Assemblée Générale). Ils sont de plus en plus nombreux car il y a une crise de la démocratie des partis et donc de la démocratie représentative. Les partis ont une image assez négative auprès des citoyens à cause des multiples scandales, du manque de proximité avec les citoyens… Ces derniers cherchent donc des moyens pour exprimer directement leur opinion.

Ces nouveaux acteurs ont contribué à l’usage de répertoires différents et moins conventionnels. Les répertoires de l’action collective peuvent être définis comme les modes d’action politique disponibles dans une société à un moment donné de son histoire

III-Ces nouveaux acteurs ont recours à des répertoires différents

A-Le déclin des formes conventionnelles de répertoire

Les formes classiques comme le vote ou le militantisme sont en déclins. Comme le montre le document 3, sur 100 citoyens interrogés par le CEVIPOF en 2019, 55 considèrent que le vote permet d’exercer le plus d’influence sur les décisions prises en France contre 67 en 2010, soit une baisse de 22 points de pourcentage. Cela est lié à la perte d’influence des partis politiques mais aussi à la mondialisation qui donne moins de leviers d’action aux pouvoirs nationaux pour répondre aux revendications des citoyens. La baisse du militantisme peut être mise en lien avec la montée de l’individualisme. Militer demande beaucoup d’investissement de la part des citoyens et nécessite donc un sens de la chose publique et du collectif. Or l’individu se détache de ses groupes d’appartenance et y compris de l’attachement traditionnel à un parti politique.

B-La montée en puissance de nouvelles formes de répertoire

               Le répertoire utilisé depuis les années 1980 est selon Charles Tilly le répertoire transnational solidariste. C’est l’apparition d’une dimension internationale des actions (mouvement altermondialiste, Greenpeace). L’action est plus souvent organisée en réseau plutôt que d’une manière hiérarchique avec l’utilisation des nouvelles technologies, il y a une défiance vis-à-vis de la démocratie représentative avec une exigence de transparence plus forte. La contestation est de plus en plus théorique, la parole de l’export est devenue de plus en plus importante. Les acteurs cherchent aussi les émotions du public et la mobilisation de l’opinion publique avec le recours aux médias. Par exemple les mouvements des Indignés, les ZAD, occupy wallstreet sont caractéristiques de l’utilisation de ces répertoires.

Ce changement est lié à la mondialisation de l’économie, il y a donc une volonté d’agir sur la régulation politique à l’échelle de la planète. Le développement des nouvelles technologies a bouleversé et multiplié les modes d’action (pétition en ligne, témoignage, action choque diffusée sur les réseaux). La montée de l’individualisme (rejet des contraintes institutionnelles, de l’appartenance à la communauté, les citoyens sont autonomes dans leur participation, ils sont beaucoup plus volatiles et ne participent que d’une manière ponctuelle et éphémère). C’est donc une implication plus spontanée des individus à la vie publique.

 

Ainsi, l’action collective s’est transformée depuis la deuxième moitié du 20°siècle. L’apparition de nouveaux objets sont portés par des acteurs moins institutionnalisés qui utilisent des modes de revendications moins conventionnels. Pourtant, les objets traditionnels n’ont pas disparu même si les acteurs qui avaient l’habitude de les porter perdent petit à petit de l’influence dans la sphère politique. Le répertoire national autonome, pendant longtemps dominant avec la centralisation de l’Etat est considéré par les citoyens et particulièrement par les jeunes comme étant moins efficace. Pourtant, il reste essentiel pour les revendications concernant les conflits du travail. L’action collective s’est donc transformée mais ne s’est pas radicalement modifiée. La question de la défense de l’environnement plus particulièrement pose de nombreuses questions aux acteurs collectifs. Comment contribuent-ils à transformer l’action collective pour faire aboutir les revendications liées à la préservation de l’environnement ?

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