2. Traitement de l’information : Qui sont les « chômeurs de longue durée » ?

Facile

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Document texte : Un repérage statistique difficile. – Le nom générique de « chômeurs de longue durée » regroupe à la fois des personnes dont la formation professionnelle est insuffisante, des personnes en difficulté d’insertion sociale du fait de troubles psychiques mais aussi des personnes ne trouvant plus de travail à cause de leur âge ou encore des personnes, souvent des femmes, qui veulent retrouver un emploi sans être pour autant en difficulté d’insertion. Il faut ajouter à cette liste, ceux qui, du fait de leur origine ethnique ou de leur lieu d’habitation sont systématiquement rejetés par les procédures de recrutement, même s’ils disposent d’une qualification suffisante. La catégorie statistique « chômeurs de longue durée » est repérée par des instances officielles (l’INSEE et Pôle Emploi) à partir d’un critère défini qui est la durée de leur inscription sur les registres du chômage. Les personnes qui ne sont pas inscrites, sont, de ce fait, impossibles à repérer. Mais cette inscription ne dit rien de leur situation à l’égard des offres d’emploi qui peuvent leur être faites, ni de leur capacité à occuper les emplois qui leur sont proposés (…).

Si un chômeur de longue durée n’est pas obligatoirement en difficulté d’insertion, il est clair que le risque d’exclusion est grand du simple fait de son inactivité. Une personne n’ayant pas exercé d’activité professionnelle pendant plus de deux ans risque de voir son patrimoine culturel, ses aptitudes professionnelles et sa spécialisation remis en cause par l’évolution des technologies ou par l’organisation des services. Mais elle peut combattre cette inactivité et le fait souvent, par l’exercice d’un bénévolat. Malheureusement, l’UNEDIC[1] ne reconnaît pas dans le bénévolat un effort pour retrouver un emploi. Or le fait d’exercer un engagement de bénévole est aujourd’hui l’un des meilleurs facteurs pour se mettre en situation de retrouver un emploi. Une personne sans travail depuis deux ans peut avoir suivi une formation, ce qui la fera sortir des statistiques sans que pour autant elle puisse être considérée en activité. (…)

Nous voudrions[2] que les critères de classement dans les divers dispositifs, et donc de traitement des situations soient fondés sur la compétence professionnelle probable. Il existe, aujourd’hui, plusieurs méthodes d’évaluation de ces compétences mises en œuvre à titre expérimental, mais il n’existe pas encore de modèle pouvant être mis en œuvre à grande échelle. Mais au-delà de la compétence professionnelle, il est indispensable de tenir compte de la situation sociale de la personne et de son antériorité. Dans les évaluations qui ont pu être faites de la situation des chômeurs de longue durée lors de leur accueil dans des entreprises d’insertion, il a été remarqué qu’il y avait trois critères discriminants permettant d’envisager plus ou moins rapidement une insertion durable en entreprise. Ces trois critères sont les suivants : la personne a-t-elle eu l’occasion ou non de suivre une formation continue ? A-t-elle été employée dans des métiers ou des professions qui ont connu une forte évolution pendant la période au cours de laquelle elle travaillait ? Enfin, le degré de spécialisation est à l’inverse un facteur négatif dans l’analyse des opportunités. Beaucoup de séniors qui n’ont connu qu’un seul métier sur des outils de production, eux-mêmes peu technologiques, auront de grandes difficultés à s’adapter à de nouveaux procès de production ou à de nouveaux modes d’organisation et à des outils qui nécessitent des connaissances nouvelles.

La situation particulière des personnes en difficulté d’insertion sociale et professionnelle. – Le premier obstacle est de reconnaître ces personnes. En effet, certaines d’entre elles échappent à la reconnaissance des structures associatives, administratives ou sociales car leurs difficultés d’insertion se caractérisent par une absence de vie sociale. Elles ne figurent pas toujours dans les statistiques du chômage. C’est par exemple le cas de titulaires du revenu de solidarité active, de jeunes de moins de 25 ans, de femmes au foyer qui cherchent un emploi après avoir élevé leurs enfants et qui tardent beaucoup à s’inscrire sur les registres du chômage. Elles pensent, grâce au développement des emplois de services à la personne, pouvoir se débrouiller seules. On retient en général trois critères pour reconnaître ces personnes : elles n’ont pas de liberté de choix, elles sont enfermées dans leur situation ce qui provoque des troubles psychiques, elles ne disposent pas d’un réseau social d’appui. Les personnes qui n’ont pas ou n’ont plus, ou n’ont jamais eu les moyens de faire des choix professionnels n’ont généralement pas reçu une éducation suffisante, maîtrisent mal notre langue, souffrent d’un déficit de lecture. Leur horizon de choix, à la fois dans l’emploi mais aussi dans leur vie quotidienne, en particulier dans l’accès au droit, est très limité. Ces personnes ont pu occuper des emplois mais n’ont pas pu les conserver pour des raisons diverses : faute des qualifications nécessaires aux évolutions de carrière, mais aussi parce que leur logement précaire les conduisait à d’incessants changements et ne leur permettait pas d’occuper un emploi durable. De nombreuses personnes en difficulté d’insertion souffrent de troubles psychiques plus ou moins graves qui les rendent inaptes à occuper un emploi durable. (…)

La simple perte d’un emploi peut conduire à la perte des repères traditionnels de la vie quotidienne et se traduire par des ruptures dans la vie familiale ou avec l’entourage qui a trop souvent tendance à considérer le chômeur comme un profiteur des indemnités. Les addictions qui se développement durant les périodes de chômage pour compenser les souffrances liées à la perte d’un emploi contribuent à l’isolement de ces personnes et inéluctablement à des incapacités de travail. La personne se retrouve seule pour faire face aux conséquences de ces accidents de la vie professionnelle qu’elle subit comme un échec personnel et une incapacité à s’assumer elle-même. L’absence de réseau est un facteur déterminant de fragilité sociale, tout particulièrement en matière de recherche d’emploi, lorsque la concurrence est vive sur les emplois disponibles.

François Soulage[3], « Surmonter le chômage de longue durée », Études, n° 4214, mars 2015, pages 31 à 42.


[1] UNEDIC : Union Nationale interprofessionnelle pour l'Emploi dans l'Industrie et le Commerce. Association chargée par délégation de service public de la gestion de l'assurance chômage en France, en coopération avec Pôle emploi.

[2] Le collectif « Alerte », lieu de réflexion et d'échanges inter-associatifs sur la pauvreté et l'exclusion et les meilleurs moyens de les combattre.

[3] Économiste, président du collectif Alerte, ancien président du Secours catholique (2008-2014).

 

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