La finance durable. Le cas HSBC

Introduction

La transition énergétique est un volet essentiel des stratégies de développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique. Elle de définit comme les transformations des systèmes de production, de distribution et de consommation d’énergie effectuées sur un territoire dans la perspective de rendre celles-ci plus écologiques. La transition énergétique mondiale implique un transfert massif des investissements jusqu’ici orientés dans les secteurs industriels exploitant les énergies fossiles vers les énergies renouvelables ou l’efficacité énergétique.

Le défi est de taille puisque selon le World Energy Investment 2017, les investissements dans les énergies fossiles représentent encore 708 milliards de dollars en 2016, soit 42% de l’ensemble des investissements dans le secteur de l’énergie. Quant aux investissements dans les énergies renouvelables, ils sont à la même date de 242 milliards. Autrement dit, en 2016, chaque fois que l’économie mondiale investit 1 dollar dans les énergies renouvelables, elle continue d’investir par ailleurs 3 dollars dans les énergies fossiles. L’un des principaux défis à relever est d’utiliser les leviers de la finance pour accélérer la transition vers des investissements sobres en carbone. Etant donné que l’on peut considérer le climat comme un bien public mondial, l’action des organisations internationales et des pouvoirs publics est très importante en la matière.

Dès 2015, le G20 a reconnu le risque que les acteurs financiers font peser sur le changement climatique, et les recommandations de la Task Force on Climate Disclosure (TFCD)  de 2017 sont ambitieuses et exigeantes. En 2016, le G20 a aussi lancé des travaux sur l’alignement des systèmes financiers sur les objectifs de la transition carbone, poursuivis par la Commission européenne avec le Groupe d’Experts de Haut Niveau sur la Finance Durable (HLEG), et relayés particulièrement par quelques pays, dont la Chine et la France. Mais l’action des acteurs eux-mêmes de la finance est également très importante. Selon les promoteurs de la « finance verte », la création de nouveaux marchés et d’outils financiers verts vont permettre de relever le défi.

Dans ce cadre, et comme un certain nombre d’acteurs de la finance, le groupe HSBC a pris depuis un certain nombre d’années des initiatives qui ont pour objectif de financer le développement de la finance durable. HSBC Holdings plc, la maison-mère du groupe HSBC, a son siège à Londres. Le Groupe sert des clients dans le monde entier au travers de plus de 4400 implantations réparties dans 70 pays et territoires en Europe, Asie, Amérique du Nord et Amérique du Sud, au Moyen-Orient et Afrique du Nord. Avec 2557 milliards de dollars au 30 septembre 2016, HSBC est l’un des premiers groupes bancaires et se services financiers au monde. Pour ce qui concerne le territoire français, HSBC France a son siège à Paris. Avec près de 320 points de vente sur le territoire national et près de 9000 salariés, HSBC en France développe des activités de Banque de particuliers et de gestion de patrimoine, de Banque d’entreprises, de Banque de financement d’investissements et de marchés ainsi que de Banque privée.

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I- La finance verte : éléments de repérage

A- Définition

Les Green bonds, ou obligations vertes, fonctionnent comme des obligations classiques, c’est-à-dire qu’un acteur de marché (banque de développement, entreprise, Etat, collectivité territoriale,….) emprunte auprès d’investisseurs pour une plus ou moins longue durée contre le paiement d’un intérêt jusqu’à la date prévue pour le remboursement total de la somme empruntée. Comme pour toute obligation, le montant de l’intérêt à payer dépend du risque associé à l’emprunteur et à l’opération menée, risque qui peut être fixé par une agence de notation. Comme pour toute obligation également, entre la date d’émission et celle de son remboursement intégral, l’obligation verte est cotée et échangée sur le marché secondaire. La différence par rapport aux obligations classiques tient d’une part dans les engagements pris par l’émetteur sur l’usage des fonds récoltés qui doivent porter sur des projets ayant un impact favorable sur l’environnement, et d’autre part sur la publication chaque année d’un rapport rendant compte aux investisseurs de la vie de ces projets.

Le tout premier green bond a été émis par la Banque européenne d’investissement (BEI) en juillet 2007 sous le nom de « Climate Awareness Bond ». D’autres agences de développement, comme la Banque mondiale, puis des grandes entreprises du secteur de l’énergie, des collectivités locales, des Etats (Pologne, France, Fidji) ont suivi ensuite. De fait, le marché des greens bonds a connu une très forte croissance à partir de 2013. Depuis, un peu moins de 300 milliards de dollars d’obligations vertes ont été émises et, si l’on inclut les obligations non labellisées, l’ensemble des obligations vertes en circulation atteint 900 milliards de dollars, chiffre qui ne représente toutefois encore que 10% de l’ensemble du marché obligataire mondial (chiffres fournis par l’ONG britannique Climate Bonds Initiative). La France a été le premier pays imposant aux investisseurs institutionnels d’intégrer le risque climat et les dimensions environnementales et sociales dans leur communication politique (article 173 de la loi de Transition énergétique et écologique de 2015). C’est sans doute la raison pour laquelle la France est aujourd’hui le deuxième émetteur mondial de  green bonds, derrière la Chine. En janvier 2017, l’Etat français a émis un  green bond de 7milliards d’euros, le plus important réalisé à ce jour. Toujours pour l’année 2017, selon le rapport de l’Autorité des marchés financiers (AMF), 71% des fonds français fournissent aux investisseurs des informations sur des critères ESG ( environnementaux, sociaux et de gouvernance) qui sont les critères extra-financiers pris en compte dans la gestion socialement responsable, permettant de sélectionner les émetteurs ayant les meilleures pratiques au regard du développement durable.

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Comme il n’existe pas de définition réglementaire ou de standards précis en la matière, l’émetteur peut autodéclarer « verte » ou « climat » ses obligations, le risque étant alors d’assister au « Green washing » (ou éco-blanchiment) qui est une pratique consistant à se déclarer abusivement comme respectueux de l’environnement et du climat. C’est la raison pour laquelle de grands principes volontaires (les Green Bond Principles) ont été rédigés dès 2013 par quatre grandes banques internationales (Bank of America Merril Lynch, Citigroup, JP Morgan Chase, Crédit Agricole CIB) qui recommandent notamment des avis d’experts extérieurs, tels qu’une attribution de seconde opinion par des agences spécialisées (comme Vigeo Eiris). C’est la raison pour laquelle aussi la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD), groupe de travail sur le reporting financier des risques liés au climat, institué à l’aide du Conseil de stabilité financière (FSB), qui est l’instance internationale coordonnant l’action des régulateurs financiers au sein du G20. Juste après la COP 21, en décembre 2015, la Task Force a publié ses premières recommandations sur la bonne information à communiquer aux investisseurs, aux prêteurs et aux assureurs afin d’évaluer correctement les opportunités et les risques associés au climat, et ses recommandations finales ont été publiées en juin 2017. Par ailleurs, les grands principes pour l’Investissement socialement responsable (ISR) ont été définis par les Nations-Unies en 2006. L’ISR, que l’on peut considérer comme le précurseur de la finance verte, est une démarche consistant à intégrer de façon systématiquement vérifiable les critères ESG dans la sélection des sociétés de gestion de portefeuille, au-delà des seuls résultats économiques et financiers. En France, un label ISR a été créé en 2016, octroyé par     Afnor et EY France, et 119 fonds ont déjà été labellisés dans ce cadre (représentant environ selon Novethic 110 millions d’euros fin 2016).

Il existe différents types d’obligations relevant de la problématique du développement durable. Parmi celles-ci, on distingue les  Climate bonds (ou obligations climat) dans lesquels l’émetteur affiche que les projets financés ont un impact sur le réchauffement climatique (ce qui n’est pas le cas de tous les projets « green » qui peuvent porter par exemple sur la gestion de l’eau, comme les water bonds  aux Pays-Bas), les Social bonds qui sont des obligations thématiques finançant des projets à impact social sur la vie des communautés, par exemple facilitant l’accès à l’école, soutenant des campagnes de vaccination ou la création d’emplois, ou encore les « obligations durables » qui sont des obligations ayant des objectifs à la fois environnementaux et sociaux, comme celle de la région Ile-de-France en 2012 dont la moitié des fonds était consacrée au financement de projets environnementaux et l’autre moitié à des projets de développement économique, social et solidaire.

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B- L’état du marché des Green bonds

Comme on l’a dit plus haut, le marché des obligations vertes a fortement progressé en quelques années, puisqu’il est passé de quelques centaines de millions d’euros en 2007 à 35,6 milliards d’euros en 2015, soit une croissance annuelle moyenne d’environ 50%. D’après une étude menée par le bureau East and Partners pour HSBC en juillet 2017, et selon la technique d’entretiens auprès des Directeurs financiers de 507 entreprises et de Responsables de la gestion de portefeuille et de la stratégie de 497 sociétés d’investissement dans le monde entier, il ressort clairement qu’il y a un appétit croissant des investisseurs pour les investissements verts, ce qui incite les entreprises à plus de transparence sur leur « stratégie durable ». En effet, si dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, les entreprises se sont concentrées sur la réduction de leurs émissions de CO2 en améliorant leur efficacité énergétique et en déployant des processus opérationnels plus durables, elles affichent aujourd’hui une forte appétence pour les investissements liés au climat et à l’impact sociétal.

Selon l’enquête HSBC, il apparaît dès maintenant qu’une entreprise interrogée sur deux (53%) a déjà mis en place une stratégie pour réduire son impact environnemental, et cet engagement augmente dans toutes les régions du monde. Au niveau de la planète, on observe que près du tiers des obligations prises en compte sont libellées en yuans, 26% en dollars et 20% en euros. Du point de vue de la répartition géographique par pays, ce sont les acteurs financiers chinois qui tirent le mieux leur épingle du jeu, devant les français et les américains. La France est ainsi le troisième émetteur de Green bonds, derrière la Chine et les Etats-Unis, et devant l’Allemagne. C’est en Asie que le taux de progression des entreprises ayant mis en place une stratégie de réduction de leur impact environnemental est le plus rapide (+18,1% entre 2016 et 2017). Par ailleurs, il apparaît aussi que 58% des entreprises de l’échantillon ont élaboré un plan d’investissement pour réduire leur utilisation de ressources naturelles, grâce à de nouveaux équipements ainsi qu’à des infrastructures bas carbone. Un autre élément fourni par l’enquête est que l’attrait des investisseurs pour l’investissement durable ne cesse de croître : plus des deux-tiers des investisseurs (68%) dans le monde ont l’intention d’augmenter leurs investissements verts pour accélérer la transition énergétique.

Si l’investissement progresse, c’est parce-que les entreprises sont encouragées par la valorisation de leurs projets par les investisseurs institutionnels (c’est en Europe que les attentes des investisseurs institutionnels sont les plus élevées) et par les avantages fiscaux. Cependant, malgré ces encouragements, les acteurs internationaux sont encore nombreux (79%) à penser qu’il existe des barrières qui les empêchent d’augmenter leurs investissements dans les Green bonds, barrières qui tiennent bien souvent à l’absence de recherches et d’analyses sur le sujet, ou à l’absence de standards en la matière.

Au total, on peut affirmer avec Daniel Klier, Directeur de la stratégie du groupe HSBC et Responsable de la Fiance Durable que « la transition vers l’économie verte est en marche », mais que pour augmenter encore les flux de capitaux vers les investissements bas carbone, il est nécessaire d’avoir « plus de fiabilité et une meilleure comparaison des données concernant les clients, et cette exigence ne fera que s’amplifier à mesure que le marché aura une meilleure compréhension de la façon d’utiliser ces indicateurs efficacement ».

C- Une illustration : les initiatives d’HSBC pour soutenir le développement durable

Le groupe HSBC a pris depuis un certain nombre d’années déjà une série d’initiatives pour développer la finance durable, qu’il s’agisse de rejoindre des organisations poursuivant les mêmes objectifs ou plus directement d’émettre des titres de finance verte.

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Dès 2007, le Groupe a créé un centre d’excellence pour le changement climatique qui a pour finalité de fournir aux investisseurs des études sur les conséquences, les risques et les possibilités associés au changement climatique. En 2014, HSBC a rejoint le « Climate Bond Principles » aux côtés d’autres institutions financières, dont la vocation est de réunir des professionnels autour des enjeux de ce marché, ceci étant valable aussi bien pour les émetteurs que pour les investisseurs. HSBC est également membre du « Climate Bond Initiative «, organisation internationale dont la vocation est de mobiliser le marché obligataire mondial pour apporter des solutions de financement à des projets visant à lutter contre le changement climatique.

Au niveau de l’émission de titres, en 2015, HSBC France a émis son propre Green Bond d’un montant de 500 millions d’euros avec pour vocation de financer des projets éoliens et solaires liés aux « réseaux intelligents » ou au recyclage des déchets en Europe et en Afrique. Plus récemment, en 2017, HSBC a lancé deux stratégies « bas carbone », HSBC Gif Global Lower Carbon Equity et HSBC Gif Global Lower Carbon Bond.

 Le portefeuille HSBC Gif Global Lower Carbon Equity a deux objectifs. Le premier objectif est de chercher à réduire l’intensité carbone et d’accroître les performances du portefeuille d’actions. Pour y parvenir, le processus d’investissement identifie et classe les actions les plus attrayantes de l’univers d’investissement du fonds. L’empreinte carbone de toutes les actions du portefeuille est évaluée, dans la perspective de constituer un portefeuille maximisant la réduction de cette empreinte. Pour évaluer l’empreinte carbone et l’impact environnemental de chaque société entrant dans le portefeuille, HSBC se base sur une expertise, des recherches et des informations produites par un fournisseur de données financières bien établi. Le deuxième objectif est de constituer un large univers d’investissement, en investissant dans les marchés développés internationaux sur un éventail complet de capitalisations boursières. Le fonds investit principalement dans les marchés développés et au moins 90%  de ses actifs dans des actions de sociétés de toute taille. Ce fonds, comme tout fonds en actions, présente des risques de marché (la valeur des titres et le revenu en découlant peuvent baisser ou augmenter de manière quotidienne), mais aussi des risques de change (le fonds investit dans des titres libellés en dollars, mais aussi dans d’autres devises, de telle sorte que les fluctuations de change de ces devises par rapport au cours du dollar peuvent affecter la valeur des investissements), et des risques liés aux produits dérivés (le gérant peut avoir recours à des contrats à terme qui induisent des risques potentiellement plus importants que ceux des investissements traditionnels).

Le second fonds « bas carbone », HSBC Gif Global Lower Carbon Bond, investit dans un portefeuille d’obligations de sociétés. Comme le fonds en actions, ce fonds cherche à afficher une empreinte carbone plus faible que son indice de référence (Bloomberg Barclays Global Aggregate Corporate Diversified Hedged USD) grâce à une prise en compte de l’impact de chaque émetteur et de son secteur d’activité sur les émissions globales de gaz à effet de serre. D’un montant de 1 milliard de dollars (c’est la première fois qu’un emprunt de ce type émis par une entreprise privée atteint un volume qui lui confère le statut d’obligation de référence), le produit de l’emprunt servira à financer des entreprises et des projets reprenant à leur compte les objectifs du développement durable (ODD) des Nations-Unies. C’est ainsi que l’obligation durable de HSBC vise 7 ODD, et notamment les objectifs de bonne santé et de bien-être, d’une éducation de qualité, d’eau propre et d’assainissement, d’énergie propre et à un coût abordable, de mesures relatives à la lutte contre le changement climatique,…. Etant donné qu’il s’agit d’obligations, les risques du fonds ne sont pas les mêmes que ceux d’un placement en actions. Le risque de marché défini précédemment n’existe pas, mais on trouve quand même des risques liés aux fluctuations des taux d’intérêt, des risques liés aux marchés émergents (risque de perte plus élevé que sur les marchés des pays développés), et également des risques liés aux produits dérivés (HSBC peut avoir recours à des contrats à terme, mais aussi à des swaps ou à des contrats à terme de gré à gré à des fins de couverture), et bien sûr des risques de change dès lors qu’on opère en devises différentes.

II- Les perspectives de la finance verte

A- Des attentes fortes de la part des investisseurs

Pour mieux cerner les attentes des investisseurs, le centre de recherche Novethic a interrogé un panel représentatif d’une quinzaine d’entre eux qui comptent parmi les plus engagés dans la finance verte. Plusieurs conclusions se dégagent de cette étude publiée en septembre 2016.

Même si le marché des obligations vertes est en forte croissance, celui-ci reste encore trop restreint pour plusieurs raisons. En premier lieu, les marchés sont trop cloisonnés. Par exemple, les émissions chinoises, qui ont nourri environ la moitié du marché en 2016, sont majoritairement réservées aux investisseurs locaux. De même, les Green bonds émis par des collectivités américaines ont une attractivité limitée pour les Européens car leur fiscalité n’est avantageuse que pour les investisseurs basés aux Etats-Unis. La deuxième raison est que certains Green bonds sont de taille trop réduite pour accéder aux grands fonds. L’offre est insuffisante (de l’ordre de 100 milliards de dollars pour l’ensemble du monde, dont 70 milliards émis les années précédentes et 30 milliards pour l’année 2016), et beaucoup d’obligations vertes sont dans des portefeuilles qui tournent peu, et donc engendrent un manque de liquidité sur le marché secondaire. Enfin, si le marché des Green bonds est trop restreint, c’est également parce-que la moitié des encours émane de banques multilatérales et d’agences gouvernementales qui offrent des rendements trop faibles au regard des critères des investisseurs. Les entreprises industrielles ne représentent environ que 10 milliards de dollars d’émissions en 2016 (soit un tiers du total). Dans ce contexte, les investisseurs  ont du mal à être exigeants sur les caractéristiques environnementales des Green bonds. Les plus importants d’entre eux se voient contraints d’acheter ce qui existe.

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Dans ces conditions, l’élargissement du marché est donc une attente forte chez de nombreux investisseurs. Certains (51% du panel) souhaiteraient que les émetteurs se diversifient, en ciblant des thèmes spécifiques et encore émergents tels que l’eau, la préservation du territoire, ou encore la gestion des pollutions. D’autres (41% du panel) aimeraient que la qualité des émissions de titres s’améliore. Cela suppose que l’on puisse disposer d’indicateurs d’impact environnemental fiables, mais ceux-ci ne sont pas encore matures. En attendant, un investisseur sur deux fait de la mesure d’impact un objectif prioritaire et incontournable, et attend ces données de la part des émetteurs. Près de quatre investisseurs sur dix pensent aussi que des mesures fiscales ou une contrainte réglementaire favoriseraient la multiplication des émissions de Green bonds. Ils sont aussi favorables à des mesures de labellisation, qui offrent plus de lisibilité au marché. Il est vrai qu’en l’état actuel des choses, les chiffres de la Climate Bonds Initiative (CBI) montrent qu’au-delà du marché des Green bonds, près de 600 milliards d’obligations émanent de  sociétés dont l’activité peut être qualifiée de verte, mais qui ne flèchent pas leurs obligations en tant que Green bonds. Cela montre qu’un fléchage vert des émissions obligataires peut contribuer grandement à la diversification et l’extension de l’offre attendue par les investisseurs, même s’il est vrai que ce fléchage constitue un engagement et un effort supplémentaire de la part des émetteurs.

B- Mais une absence de définition légale

A ce jour, il n’existe pas de définition standard de ce qu’est une obligation verte, et de ce qu’elle peut financer ou ne pas financer. En l’absence de critères universellement acceptés et contraignants permettant de distinguer les projets compatibles avec l’environnement ou le climat de ceux qui ne le sont pas, seules des recommandations non contraignants existent, les Green Bond Principles (GBP) pour les obligations vertes, et les Climate Bond Standards (CBS) pour les obligations climat, dans le cadre de la Climate Bond Initiative (CBI). Les GBP sont une initiative soutenue par 150 membres (dont BNP Paribas, Société Générale, HSBC,….), dont l’influence est très importante puisque, encore aujourd’hui, à peu près la moitié des obligations vertes qui ont vu le jour sont émises par des membres de cet organisme. Les CBS, s’ils restent dans le cadre d’un dispositif volontaire et non contraignant, excluent certains secteurs comme les énergies fossiles, les grands barrages, ou encore la capture et le stockage du carbone. En dehors de ces deux institutions, les obligations vertes sont également susceptibles d’être évaluées par les agences de notation. C’est ainsi que Moody’s a été la première agence à s’être emparée du sujet des obligations vertes, mettant sur pied une méthodologie spécifique pour les évaluer, sur une échelle allant de CB1 (excellent) à CB5 (mauvais), en fonction de la capacité de l’émetteur à rembourser sa dette obligataire.

Si on laisse de côté l’évaluation des agences de notation, toujours soupçonnées, et souvent à tort, de ne pas être tout à fait indépendantes, les deux dispositifs de certification, GBP et CBS, présentent l’inconvénient de penser qu’il est possible ce certifier une obligation sans tenir compte de la structure qui l’émet. Or, pour éviter que l’obligation verte ne soit qu’une opération de communication dans un ensemble d’activités non soutenables, il semble légitime d’exiger que la structure émettrice suive également une stratégie soutenable. On peut illustrer cela à partir de deux exemples.

Le premier exemple est celui de Repsol, multinationale espagnole opérant dans plus de 30 pays, qui a émis une obligation verte d’un montant de 500 millions d’euros, dont l’échéance se situe en 2022. Avec ces investissements, Repsol prévoit de financer des opérations dans l’efficacité de ses raffineries et usines chimiques en Espagne et au Portugal, permettant d’éviter de relâcher 1,2 million de tonnes de CO2  dans l’atmosphère d’ici 2020. Mais il n’en demeure pas moins que cet investissement est susceptible d’un « effet-rebond » : si l’amélioration de l’efficacité énergétique ne s’accompagne pas de restrictions de la production, cela peut conduire à une augmentation de la production totale, et par là-même à un accroissement des Gaz à effet de serre (GES) émis.

Le deuxième exemple est celui du gouvernement polonais. La Pologne est le premier Etat à émettre une obligation verte souveraine, qui a permis de récolter 750 millions d’euros pour financer la production d’énergies renouvelables, la rénovation d’infrastructures ferroviaires, la conservation et la restauration d’habitats naturels, ainsi que des programmes éducatifs sur l’environnement. Si les analystes financiers se sont montrés convaincus par le projet et les annonces du gouvernement polonais, il n’en reste pas moins que ce même gouvernement défend par ailleurs un système énergétique reposant principalement sur le charbon, entravant l’ambition de l’Union européenne en matière climatique en niant l’existence d’un impératif lié au réchauffement de la planète dans les négociations internationales.

C- D’où des initiatives pour clarifier le marché

Les limites et le manque de cohérence des dispositifs de certification des obligations vertes sont reconnues par tous, aussi bien par les Etats et les organisations internationales que par les acteurs du marché.

Du côté des Etats et des organisations internationales, les engagements n’ont pas été toujours suivis d’actes. En 2009, la COP 15 de Copenhague avait réussi à fixer la limite du réchauffement climatique à 2°C et proposé de mettre en place une aide de 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 pour soutenir les politiques climatiques des pays les plus pauvres de la planète. 5 ans plus tard, les fonds mobilisés atteignaient seulement 62 milliards de dollars selon l’OCDE. En 2010, à Cancun, l’idée d’un Fonds vert pour aider les pays en développement a émergé, mais les sources de financement n’ont pas été définies. Il faut attendre 2015, au moment de la COP 21, pour voir apparaître la « Déclaration de Paris sur les obligations vertes », qui réclame un standard mondial, et donc la nécessité pour les gouvernements nationaux de mettre en place de façon concertée des régulations et des mécanismes afin de soutenir le développement de ce marché. Dans son rapport publié au printemps 2017, l’OCDE préconise, pour éviter le Greenwashing, une plus grande transparence des mécanismes de certification des obligations vertes. Selon cette organisation, il est nécessaire de définir des standards verts, mais suffisamment souples pour que les règles émises n’entravent pas le développement du marché. Il faut donc trouver un équilibre entre l’exigence de régulation et le coût de cette régulation par le marché. Quant à l’Union européenne, elle a formé récemment un groupe d’experts pour établir une liste de recommandations sur la finance soutenable. Ce groupe d’experts, composé de représentants de banques et de fonds d’investissement, a remis un rapport en juillet 2017 recommandant d’introduire un standard européen officiel, en s’appuyant sur les Green Bond Principles « existants et largement acceptés ». A ce stade, aussi bien du côté de l’OCDE que de l’Union européenne, on n’envisage donc pas d’introduire une réglementation très contraignante des Green bonds, qui présenterait l’inconvénient majeur d’entraver le développement de ce marché d’avenir.

Du côté des acteurs de marché, le tournant de la mobilisation se situe également en 2015, avec la déclaration sur le changement climatique des acteurs de la place financière de Paris (Association Française de l’Assurance, Association Française de la Gestion financière, Fédération Bancaire Française) qui demandent aux régulateurs de créer un cadre incitatif pour développer les investissements verts des entreprises et des particuliers, en soulignant leur rôle pour répondre aux défis du changement climatique, que ce soit en tant que prêteur, gérant de patrimoine, investisseur ou assureur. L’ORSE (Observatoire de la Responsabilité Sociétale des Entreprises), dans sa publication « Mieux financer et mieux assurer pour répondre aux enjeux climatiques », a recensé les solutions que les acteurs de la finance encouragent dès maintenant, sur les quatre marchés principaux que sont les entreprises, les investisseurs institutionnels, les particuliers, et les organismes publics, à savoir les villes, collectivités locales et Etats.

Sur le marché des entreprises, il s’agit d’aider celles-ci à gérer la transition énergétique en mettant en place des outils de sélection ou d’analyse des projets, en soutenant les énergies alternatives (réduction de l’aide apportée au secteur des énergies fossiles, et développement en parallèle de l’aide aux énergies renouvelables), et en proposant des solutions d’assurance adaptées pour limiter les effets du changement climatique.

Sur le marché des investisseurs institutionnels, les sociétés de gestion auxquelles les institutions délèguent le soin de faire prospérer leurs actifs assurent le dialogue avec les entreprises, en menant des politiques d’engagement actionnarial dans lesquelles les investisseurs exigent des entreprises ciblées qu’elles améliorent leurs pratiques ESG (Environnementales, Sociales et de Gouvernance). Les investisseurs institutionnels  peuvent aussi opter pour des Fonds développement durable, ISR, « low carbon », et d’engager également dans des programmes de reforestation ou de préservation de la biodiversité.

Sur le marché des particuliers, les acteurs de la finance apportent des solutions pour décarboner les modes de vie (prêts « verts » pour le financement de travaux de rénovation énergétique ou des solutions de « mobilité verte », micro-crédit habitat pour financer les travaux d’économie d’énergie en faveur des personnes les plus fragilisées,…), et orienter l’épargne vers des investissements bas carbone ( par exemple les livrets et dépôts à terme qui aident des initiatives locales ou innovantes, ou encore les fonds labellisés Transition Energétique et Climatique).

Enfin, sur le marché des villes, collectivités locales et Etats, les banques et assurances peuvent accompagner la transition énergétique des territoires en finançant par exemple des projets de réhabilitation thermique des parcs de logement ou des infrastructures et des projets de mobilité durable (bornes de recharge pour les véhicules électriques, transports en commun non polluants, etc.).

Conclusion

Aujourd’hui, il semble bien établi que le changement climatique est une menace urgente et irréversible pour toutes les sociétés humaines. Il est également bien établi que le secteur financier a un rôle important pour combattre cette menace, notamment par la promotion d’obligations vertes qui génèrent de nouveaux financements et des instruments efficaces pour financer la transition énergétique et la lutte contre les dérèglements climatiques. D’importants mouvements de capitaux sont nécessaires pour financer les technologies et les infrastructures plus efficaces et moins émettrices de carbone. Certes, il est nécessaire que les pouvoirs publics s’engagent pour réguler le marché, en mettant en œuvre des standards garantis, et des mesures de vérification des projets financiers et de sanction, pouvant éventuellement conduire à la dé-certification de l’obligation émise par l’entreprise ou l’Etat qui ne s’engage manifestement pas à opérer une transition complète de ses activités.

Mais il est aussi nécessaire que l’engagement vienne des institutions financières elles-mêmes. HSBC a été ainsi une des premières institutions financières à faire de la lutte contre le changement climatique une priorité et pour s’établir en tant que leader en matière de finance verte et durable. Le groupe HSBC a ainsi créé une structure mondiale pour piloter les activités de finance durable de son vaste réseau international. Ses équipes mondiales sont soutenues par cinq plateformes régionales de finance durable à Londres, Paris, Hong-Kong, New-York et Toronto. Pour prolonger cette activité novatrice, HSBC  crée actuellement un Centre de finance durable, dirigé par Zoé Knight, qui aura pour mission de contribuer activement à la réflexion et aux innovations de tout le secteur financier sur les meilleures façons de libérer les flux de capitaux pour relever les grands défis mondiaux liés au développement durable.

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