Eurotunnel et le modèle économique de l'autoroute ferroviaire

Introduction

Le transport a un impact croissant sur l’environnement. Aujourd’hui, il est en France le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre avec 27,8%  des émissions nationales en 2012, contre 21% pour le secteur agricole, 17,7% pour les secteurs résidentiel et tertiaire, 17,6% pour le secteur de l’industrie manufacturière, 11,7% pour les industries de l’énergie, et 2,6% pour le secteur du traitement des déchets. Au sein des différents modes de transport, le train apparaît comme le mode de transport le moins polluant. C’est la raison pour laquelle le Grenelle de l’environnement et l’Engagement national pour le fret ferroviaire (prévision d’un investissement public global en faveur du fret ferroviaire de plus de 7 milliards d’euros d’ici 2020) ont mis l’accent sur les « autoroutes ferroviaires » pour rééquilibrer le transport de marchandises sur une longue distance en faveur du rail. Cette politique de développement durable est affirmée alors que le fret ferroviaire ne cesse de décliner depuis 1974. Comment expliquer ce déclin ? A quelles conditions le modèle de l’autoroute ferroviaire est-il viable ? Que nous enseigne le cas de l’entreprise Eurotunnel ?

I- Un succès à contre-courant

A- Une évolution inquiétante

Le transport de marchandises représente 10% des émissions mondiales de CO2. D’après les prévisions réalisées par le Forum International des Transports auprès de l’OCDE (organisation internationale comportant 54 pays membres dont la mission est de faire progresser l’analyse stratégique et la prospective pour tous les modes de transport), les volumes du fret international vont être multipliés par 4 d’ici 2050. Si actuellement 85% du trafic international est effectué par mer, le Forum estime que la part du transport routier passera de 6% à 10% sous l’effet du commerce infrarégional, notamment en Asie et en Afrique, où les réseaux ferroviaires sont peu développés. En effet, aux points d’origine et de destination, c’est-à-dire entre les ports et les lieux de production et de consommation des marchandises, le transport est généralement effectué par camions. Ce fret intérieur est assez polluant puisque s’il ne représente que 10% du fret mondial, il génère 30% des émissions de CO2 associées. Dans les pays plus développés, si les infrastructures de transport ferroviaire sont présentes, on observe cependant que le fret routier conserve une place significative. Le cas de la France est particulièrement emblématique à cet égard, puisqu’on note dans ce pays que le fret ferroviaire est en perte de vitesse depuis 1970. En 25 ans, de 1985 à 2009, ce trafic a baissé de 43% (de 56 à 32 milliards de tonnes kilomètres), alors que le fret routier augmentait de 123% sur la même période (de 128 à 285 milliards de tonnes kilomètres). Pour l’année 2013, 340 milliards de tonnes kilomètres ont été transportées sur le sol français, dont la plus grande partie par la route (289 milliards). Le transport ferroviaire conventionnel recule depuis le début des années 2000, même si on constate que le transport ferroviaire combiné (qui associe rail et route) progresse de 3,9% entre 2012 et 2013. Or, le bilan carbone du transport routier n’est pas bon. Mesuré en grammes de CO2 équivalent par tonne kilomètre, on calcule en effet que l’efficacité carbone de la route est de 66 grammes de CO2 équivalent par tonne kilomètre (meilleure toutefois que le transport aérien qui est de 548 grammes de CO2 équivalent par tonne kilomètre pour les transports long courrier et de 1040 grammes de CO2 équivalent par tonne kilomètre pour le court courrier), alors que cette efficacité est de 21 grammes de CO2 équivalent par tonne kilomètre pour le transport combiné et de 15 grammes de CO2 équivalent par tonne kilomètre pour le rail. Le transport maritime est lui aussi plus efficace que le transport routier (20 grammes de CO2 équivalent par tonne kilomètre), de même que le transport fluvial (34 grammes de CO2 équivalent par tonne kilomètre).

B- Les raisons du succès du transport routier

Si le transport routier s’est imposé au détriment du transport ferroviaire, c’est pour plusieurs raisons. Tout d’abord, c’est un moyen de transport direct, alors que le transport ferroviaire dépend souvent de la route pour la partie finale du transport. Le transport routier est ainsi un transport « door to door » qui offre une grande flexibilité tandis que le transport ferroviaire nécessite de gros volumes. Ensuite, le transport routier exige peu de manutention alors que les besoins en manutention sont élevés pour le rail avec des risques de rupture de charge (une rupture de charge est une étape pendant laquelle des marchandises transportées dans un premier véhicule sont transférées dans un second véhicule), notamment à cause du manque d’infrastructures. Enfin, les délais de transit sont plus courts pour la route que pour le rail.

Ceci dit, les avantages objectifs du transport ferroviaire sont indéniables et peuvent permettre à plus ou moins long terme d’inverser la tendance : les prix du rail sont souvent plus compétitifs, les infrastructures routières sont de plus en plus saturées, et le transport routier est quand même beaucoup plus polluant, ce qui explique les mesures politiques et légales incitatives en faveur de recherche d’alternatives à la route.

II- Les autoroutes ferroviaires  peuvent-elles sauver le transport ferroviaire ?

A- Quelques définitions

L’offre de transport ferroviaire tend désormais à se diversifier. Au mode traditionnel de transport par wagons spécialisés est venu s’ajouter le transport combiné rail/route dont le parcours principal s’effectue par rail et les parcours initiaux et terminaux par route. Selon la terminologie européenne, le transport combiné est un « transport intermodal » (acheminement d’une marchandise utilisant deux modes de transport ou plus dans la même unité de changement ou le même véhicule routier). Le transport combiné utilise des conteneurs et des « caisses mobiles » (ajustées aux dimensions des véhicules routiers, à la différence des conteneurs, qui sont des boîtes conçues pour le transport des marchandises, dont les dimensions sont standardisées). Les conteneurs et les caisses mobiles sont transbordés du véhicule routier vers le wagon par manutention verticale, nécessitant de ce fait des terminaux spécialement aménagés. Plus récemment, le ferroutage permet de transporter des camions complets (tracteurs et semi-remorques) sur des wagons dont le plan de chargement est surbaissé. La manutention est alors horizontale. Le service de ferroutage présente l’avantage de s’adresser à tout type de poids lourd, ce qui élargit considérablement la clientèle du transporteur. Quant à l’autoroute ferroviaire au sens strict du terme, c’est une variante du ferroutage où les semi-remorques sont acheminées sans leurs tracteurs. L’absence de chauffeur et de tracteur (30% de charge utile en moins) constitue un gain de productivité substantiel par rapport au système de la chaîne roulante que constitue le ferroutage. En pratique, le terme autoroute ferroviaire s’applique cependant aussi bien au transport accompagné (quand l’ensemble du poids lourd et du chauffeur monte sur le train) qu’au transport non accompagné (quand seule la semi-remorque monte sur le train).

La France a donné une préférence  à l’autoroute ferroviaire dans le cadre de  la priorité politique qu’elle accorde au report modal de la route sur le rail, en grande partie pour des raisons géographiques. En effet, la géographie fait du territoire national un espace de transit important vers les péninsules italienne et ibérique, le choix de l’autoroute ferroviaire se justifiant par le franchissement des montagnes des Alpes et des Pyrénées. Dès l’année 2000, le plan Gayssot avait comme ambition de mettre les camions sur les rails et de doubler la part du fret ferroviaire dans les 10 ans, puis de la tripler dans les 20 ans. Ce plan sera suivi du plan Véron qui prévoyait une recapitalisation de 800 millions d’euros sur 4 ans de Fret SNCF ‘sous la condition imposée par Bruxelles de l’ouverture effective du fret ferroviaire à la concurrence), puis de la création en 2007 par Fret SNCF d’un système de haut débit ferroviaire pour faire du fret ferroviaire un acteur majeur du développement durable en France et en Europe. Le dernier plan en date remonte à 2009 : il s’agit de l’Engagement national pour le fret ferroviaire qui correspond à un investissement public de plus de 7 milliards d’euros d’ici à 2020. Aujourd’hui, il existe actuellement quatre autoroutes ferroviaires, dont l’une en cours de développement (axe atlantique entre le pays basque, la région parisienne et le nord de la France). Si on laisse de côté le cas d’Eurotunnel qui sera discuté plus bas, deux autoroutes ferroviaires sont en fonctionnement depuis quelques années et peuvent faire l’objet d’une évaluation : l’autoroute ferroviaire alpine qui relie Aiton (près de Chambéry en France) et Orbassano (près de Turin, en Italie), qui offre un service de transport accompagné et non accompagné, et Lorry Rail qui est l’autoroute ferroviaire Perpignan-Bettembourg, mise en service en 2007 sur l’initiative d’acteurs privés, et fonctionnant également aussi bien en transport accompagné qu’en transport non accompagné.

B- Des expériences inabouties

L’autoroute ferroviaire alpine (AFA) est exploitée depuis 2003 par une sous-filiale de la SNCF et son homologue italien Trenitalia. Elle s’étend sur 175 kilomètres entre la vallée de la Maurienne et la banlieue de Turin, en empruntant le tunnel ferroviaire du Mont-Cenis. Le trajet est parcouru en une durée d’environ 3h45, et le service propose actuellement  quatre ou cinq allers et retours par jour. Cette autoroute a été développée sous le statut d’expérimentation par les Etats français et italien, avec l’appui de partenaires institutionnels et privés.

Les performances commerciales de l’autoroute alpine sont assez mauvaises, puisque le service est fortement tributaire des subventions publiques. En 2010, selon la Cour des Comptes, les subventions apportées par chacun des deux Etats sont de l’ordre de 6 à 7 millions d’euros, et de 5 millions d’euros en 2011. Les tarifs pratiqués peinent à rester compétitifs par rapport à ceux de la route, et le coût total de l’exploitation est supporté à 40% par les subventions.

Ces difficultés peuvent s’expliquer pour des raisons techniques et juridiques. Sur le plan juridique, le partage des responsabilités et des risques est assez complexe, puisque si  les locomotives sont gérées par la SNCF et Trenitalia, les terminaux et les wagons sont gérés par des exploitations indépendantes. Ce montage s’avère inutilement compliqué et réduit la productivité de l’ensemble du système d’exploitation, éclaté entre de multiples centres de responsabilité. Sur le plan technique, l’exploitation a été retardée par la réalisation d’importants travaux d’infrastructure, et notamment la mise en place du gabarit « B1 »  permettant de dégager un meilleur contour pour le passage des camions sur le trajet ferroviaire, qui n’a pas permis d’augmenter la clientèle avant 2011. Jusque là, les transporteurs routiers n’ont pas pu envoyer des camions de taille standardisée entre la France et l’Italie.

Quoiqu’il en soit, les chiffres du trafic ne sont pas mauvais, puisqu’au cours de l’année 2013, l’AFA a transporté 31616 semi-remorques, soit une augmentation de son activité de plus de 23% par rapport à 2012. Par ailleurs, dès décembre 2012, les deux chefs d’Etat français et italien ont acté le prolongement de l’AFA jusqu’à l’agglomération lyonnaise. La nouvelle liaison Lyon-Turin permettra la mise en place d’une autoroute ferroviaire de grande capacité, sur le modèle d’Eurotunnel, à même d’embarquer tous les types de camions sur les navettes ferroviaires. Quant au financement, grâce à l’accord de la Commission européenne de mai 2015, les deux Etas continueront à soutenir le service actuel jusqu’en 2018. Le budget italien pour 2016 prévoit les financements nécessaires jusqu’en 2018. Pour sa part, la France a préservé dans le budget de l’Etat les ressources prévues pour un tel soutien. Il  n’en demeure pas moins que la question d’une reprise du service par un acteur totalement extérieur demeure posée, qui assurerait l’exploitation du service à ses risques et périls.

L’autoroute ferroviaire Lorry Rail (Autoroute Perpignan-Bettembourg), conçue en 2004 à l’initiative de partenaires privés et soutenue par les pouvoirs publics, a été mise en service en 2007. Le service s’effectue entre Le Boulou (près de Perpignan, en France) et Bettembourg (au Luxembourg) sur une distance d’environ 1050 kilomètres. Le trajet est parcouru en environ 16h30, le départ s’effectuant dans la soirée et l’arrivée dans la matinée. Le service propose actuellement entre 3 et 4 allers et retours par jour, et permet le transport de semi-remorques, sans leur tracteur et sans leur chauffeur. Depuis juin 2009, un départ par sens est proposé tous les deux jours en « train mixte », combinant l’offre d’autoroute ferroviaire (accessible aux semi-remorques) et l’offre de transport combiné (accessible aux caisses mobiles, conteneurs et semi-remorques préhensiles par pinces). Les fréquences ont été progressivement augmentées, jusqu’à atteindre trois ou quatre départs par jour et par sens.

Utilisant le réseau ferroviaire existant, l’autoroute ferroviaire Perpignan-Luxembourg a dû se plier à un système plus conçu pour le transport des voyageurs que pour le transport des marchandises, et les tâtonnements successifs liés à la méconnaissance initiale du parc des camions (apparition de véhicules de plus en plus hauts)ont limité les parts de marché, et donc eu un impact négatif sur les résultats d’exploitation les premières années. Dès le départ, un recadrage commercial a dû être opéré : les tarifs trop élevés dissuadaient les clients potentiels. Ensuite, et malgré l’augmentation du trafic signalée plus haut (24500 camions transportés en 2010, 36500 en 2011), le résultat demeure déficitaire : 3,45 millions d’euros en 2011. Aujourd’hui encore, en dépit de multiples concours financiers publics (aménagement d’infrastructures, aides au démarrage, avances remboursables, soutien public sur les prix), le service n’a pas encore fait la démonstration de son efficacité, et surtout de sa rentabilité, puisque l’équilibre financier n’est toujours pas atteint.

III- Eurotunnel : l’histoire de la construction d’une réussite

A- Présentation de l’entreprise et repères historiques

Eurotunnel  Le Shuttle est un service de ferroutage (donc de transport combiné accompagné consistant à charger des camions complets sur un train) exploité par la société privée Eurotunnel dans le tunnel sous la Manche. Ce service fonctionne entre les terminaux de Calais/Coquelles (France) et Folkestone (Angleterre) et comporte deux types de navettes, à savoir des navettes transportant des camions, et des navettes transportant des voitures et des autocars. Le parc comporte 15 navettes de 800 mètres de long, et Eurotunnel a étendu ce parc en 2015 avec la commande de trois nouvelles navettes pour les camions qui seront livrées en 2016-2017. Les navettes sont en concurrence avec les ferries, et aussi avec les trains de marchandises SNCF transitant dans le tunnel (navettes camions), ainsi qu’avec le service Eurostar (navettes passagers).

L’histoire d’Eurotunnel est déjà une vieille histoire. C’est en effet en 1802 que l’ingénieur des mines Albert Mathieu-Favier a soumis au Premier Consul Napoléon Bonaparte un projet de tunnel emprunté par des diligences et éclairé par des bacs à huile. Il faudra cependant attendre le milieu du XXème siècle pour que la construction européenne relance le projet. En 1973, les premiers travaux du tunnel ferroviaire commencent, avec le soutien des deux Etats, bientôt abandonnés par la Grande-Bretagne en 1975. C’est le sommet franco-britannique du 10 septembre 1981 qui relance le dossier. Le 20 janvier 1986, les deux dirigeants de l’époque (François Mitterrand et Margaret Thatcher) valident le projet porté par une entité baptisée Eurotunnel regroupant des entreprises françaises et britanniques de génie civil et par des banques ; cette entité est chargée de réaliser un ouvrage composé de deux tunnels ferroviaires et d’une galerie de service, où circulent des TGV et des trains de fret, moyennant un péage. A l’issue de cette validation est signé le 12 février 1986 le traité de Cantorbéry  qui prévoit la construction et l’exploitation du lien fixe par une société privée, Eurotunnel, qui pourra exploiter en propre des navettes conçues pour acheminer des voitures et des poids lourds entre Coquelles et Folkestone.

L’étape de la réalisation du chantier sera ensuite une étape difficile, marquée notamment par la multiplication des exigences de la Commission intergouvernementale chargée de superviser le projet pour le compte des Etats, et qui va multiplier les exigences afin de protéger l’ouvrage d’une foule de risques : séismes, attentats, intrusion d’animaux, ….. Tout cela conduit à une explosion de la facture à plus de 15 milliards d’euros (alors que le budget initial se limitait à 4,6 milliards d’euros).

C’est finalement le 6 mai 1994 que le tunnel est inauguré par Elisabeth II et le président Mitterrand. Dès la mise en service, on se rend compte que le tunnel ne pourra pas faire face au calendrier de remboursement de la dette, et un premier plan de restructuration financière est élaboré en 1997, qui porte essentiellement sur un rééchelonnement du remboursement. Ce plan, qui n’assainissait pas vraiment le bilan de l’entreprise, ne suffit pas, et en 2004 un petit nombre d’actionnaires renverse le conseil d’administration. Après une année de désorganisation arrive à la tête de l’entreprise Jacques Gournon qui impose un nouveau cadre de négociation, consistant à déterminer d’abord le montant de la dette maximale supportée par l’entreprise (divisée en l’occurrence par deux), puis à exiger des créanciers qu’ils s’accordent sur les abandons de créances nécessaires. Depuis le deuxième plan de restructuration financière de 2007, l’entreprise va de mieux en mieux. En 2015, le chiffre d’affaires est de 1,222 milliard d’euros, l’EBITDA ( Earning Before Interest, Taxes, Depreciation and Amortization, c’est-à dire les revenus d’une entreprise avant soustraction des intérêts, impôts, dotations aux amortissements et provisions sur immobilisations, indicateur crée aux Etats-Unis proche de l’Excédent Brut d’Exploitation français) est de 542 millions d’euros, en progression de 67% depuis 2007, le bénéfice consolidé du groupe est de 100 millions d’euros, en progression aussi de 26 millions d’euros par rapport à 2014, et le dividende proposé aux actionnaire augmente de 22% par rapport à l’année précédente. Sur le plan de la fréquentation, le groupe Eurotunnel est devenu aujourd’hui un acteur majeur du transport en Europe, avec 2,5 millions de voitures qui empruntent cette autoroute ferroviaire, 1,5 million de camions, et 21 millions de personnes. 

B- Un bilan très positif du transport de marchandises

Europorte a été créée en 2004 par le groupe Eurotunnel, et constitue la première entreprise privée à obtenir une licence ferroviaire française. L’activité d’Europorte en France se répartit en quatre métiers qui sont la traction de trains de marchandises, la gestion d’infrastructures ferroviaires (Socorail, filiale à 100% d’Europorte, assure la maintenance et la gestion du réseau ferroviaire de sept grands ports français), l’activité de prestataire logistique sur installations terminales branchées (services de manutention ferroviaire et logistique), et celle de commissionnaire de transport (Bourgogne Fret Service a été créé en 2012 par Europorte pour proposer des solutions de transport aux entreprises de l’agroalimentaire, du bois et de la métallurgie). Par ailleurs, Europorte est présente au Royaume-Uni par l’intermédiaire de GB Rail reight, filiale à 100% du groupe Eurotunnel, actuellement troisième opérateur de fret ferroviaire dans ce pays, et dont l’objectif est de dépasser les 20% de parts de marché dès 2016.

 Si on se limite au bilan des navettes camions, on peut dire que celui-ci est très positif. Malgré les importants retards et les annulations provoqués par la crise migratoire dans le Calaisis, l’année 2015 se termine par une croissance du trafic de 3% et une part de marché annuelle de 37,3%. Avec plus de 1,48 million de camions transportés, les navettes camions battent le précédent record de 2012. Cette réussite s’explique en partie par la croissance britannique et le redémarrage des économies continentales, mais aussi par l’adaptation des opérations de chargement des navettes et la mise en œuvre d’une nouvelle politique tarifaire, avec des prix modulables en fonction de la demande et des capacités disponibles, permettant d’optimiser les flux de camions tout au long de la semaine, en maintenant une haute qualité de service les jours de pointe. Elle s’explique aussi par l’atout concurrentiel majeur des navettes qui est la réalisation du service le plus rapide pour traverser le Détroit : 90 minutes d’autoroute à autoroute, en moyenne.

Les perspectives de développement du trafic sont également excellentes. Les travaux réalisés en 2015 sur la fluidité des terminaux à Coquelles et Folkestone ont déjà permis d’accroître de 38% le nombre de poids lourds qui peuvent être reçus dans des conditions de confort et de sécurité. Par ailleurs, l’arrivée des trois nouvelles navettes camions en 2016 permettra d’augmenter l’offre du service Camions de 20%, tout en mettant aussi en œuvre un programme de maintenance visant à améliorer l’entretien du matériel roulant.

 

Conclusion

Face à une demande de transport en forte croissance, aux tensions récurrentes sur les prix de l’énergie, et à des exigences environnementales de plus en plus fortes, le report des véhicules de la route vers le rail apparaît très souhaitable. Les résultats espérés sont importants en termes de prise en charge des « externalités négatives », puisqu’on en attend une baisse des encombrements, une réduction de la consommation d’énergie, et évidemment une diminution de la pollution et de l’émission de gaz à effet de serre.  Néanmoins, le succès des autoroutes ferroviaires est lié à des conditions industrielles, économiques et environnementales qui ne sont pas réunies aujourd’hui.

Sur le plan industriel, les autoroutes ferroviaires au sens strict (voir plus haut la définition) ne répondent pas pleinement aux attentes des acteurs du marché, contrairement aux autres modalités de transport ferroviaire comme le transport combiné ou le ferroutage. Cette insatisfaction s’explique par la technologie du wagon surbaissé, par les contraintes d’exploitation (immobilisation de semi-remorques), et par les investissements nécessaires sur l’infrastructure (mise au gabarit de nombreux ouvrages) qui renchérissent le coût des services. Au niveau économique, en dépit d’un fort soutien public, l’autoroute ferroviaire demeure déficitaire parce qu’elle souffre d’un manque de compétitivité par rapport au transport routier, ce problème de compétitivité s’expliquant lui-même par des coûts de production trop élevés (liés bien sûr au modèle industriel que l’on vient d’évoquer). Enfin, sur l’aspect environnemental, puisque les deux autoroutes ferroviaires françaises ne représentent que quelques pour cent des trafics routiers de marchandises, elles ont un impact limité sur la réduction des gaz à effet de serre. Par exemple, pour l’année 2010, le Commissariat général au développement durable estime que ces deux autoroutes n’ont permis d’économiser que 30000 tonnes de CO2, soit seulement l’équivalent des émissions de CO2 produites en deux heures de transport routier.

Si l’exemple d’Eurotunnel n’est pas immédiatement transférable aux autres modèles d’autoroute ferroviaire (au sens large), ne serait-ce qu’à cause du service proposé du ferroutage qui élargit le marché, et aussi à cause de la contrainte physique (la mer) qui crée de fait les conditions d’un important transfert de la route vers le rail, il n’en demeure pas moins qu’Eurotunnel montre que le succès d’un service d’autoroute ferroviaire implique que certaines conditions soient réunies : un système de navettes avec des départs fréquents, un mode de transport qui limite les temps de chargement et de déchargement, un temps de trajet assuré, des coûts de transport qui soient compétitifs, et des aménagements du réseau ferré permettant d’accueillir tous les poids lourds susceptibles d’être transportés. En réunissant ces conditions, Eurotunnel apporte la démonstration que l’on peut combiner l’efficacité d’une entreprise privée et la mission de service public, et donc remplir cette mission sans alourdir la charge financière pour le budget de l’Etat. 

 

© Image Viktor Kiryanov

 

Eurotunnel et le modèle économique de l'autoroute ferroviaire

EXPLOITATION PEDAGOGIQUE ( Sandrine VERDIERE)

Les exercices qui suivent peuvent être menés en Terminale sur le thème de l’économie du développement durable et en Première sur le thème de la production et des rapports sociaux  dans l’entreprise.

I/ Questionnaire à choix multiples

1) Eurotunnel est le nom :

  1. Du tunnel sous la Manche
  2. De la société qui assure le transport transmanche
  3. Des trains qui circulent dans le tunnel transmanche.

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2. Eurotunnel est une entreprise :

  1. Publique à capitaux anglais et français
  2. Privée à capitaux anglais et français
  3. Privée cotée en Bourse.

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3. La circulation des TGV Eurostar rapporte des bénéfices à Eurotunnel

  1. Vrai
  2. Faux

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4. Le "Brexit", sortie (éventuelle) de la Grande-Bretagne de l'Union européenne :

a. constitue une menace pour Eurotunnel
b. peut constituer une opportunité pour Eurotunnel
c. n'aura aucun effet pour Eurotunnel

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5. Une autoroute ferroviaire correspond à un train intermodal dédié au seul transport de poids lourds  :

a. Vrai
b.Faux

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6. La plupart des autoroutes ferroviaires présentes en France sont bénéficiaires :

a. Vrai
b. Faux

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7. Le transport représente :

a. plus du quart des émissions de gaz à effet de serre en france
b. 10% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde

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8. Le transport ferroviaire est en hausse car il constitue l'un des moyens les moins polluants d'acheminer des marchandises et de voyage des personnes :

a. Vrai
b. Faux

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II / Activités

Travaux dirigés - Classe de Première : savoir lire les documents comptables et sociaux fournis par une entreprise.

Objectifs :

  • Savoir distinguer les différents acteurs de l’entreprise et leur rôle
  • Savoir interpréter certains ratios comptables
  • Comprendre la signification de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise

Exercice 1 - Décrire le Conseil d'Administration

Rendez-vous sur internet et téléchargez : http://www.eurotunnelgroup.com/uploadedFiles/assets-fr/Actionnaires-Investisseurs/Publications/Rapports-Activites/RA-RSE-2015-FR-GroupeEurotunnel.pdf

  • pages 2 à 4
  1. Qui est le P-DG du groupe Eurotunnel actuellement ?
  2. Comment est composé le Conseil d’Administration de l’entreprise ? Le Comité exécutif
  3. En déduire : distinguez un actionnaire d'un dirigeant
  4. Que signifie le code Afep/Medef ?
  5. Quelle est la place des femmes dans le CA d'Eurotunnel ? L'entreprise respecte-t-elle la loi Copé-Zimmermann votée en 2011 (faire une recherche) ?
  6. A qui est destiné ce document selon vous ?

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Exercice 2 - Comprendre le compte de résultat

--> A l'aide du même document pdf : page 3, 30-31

7. Complétez le tableau suivant :

8. Rappelez succinctement la différence entre chiffre d’affaires (CA), excédent brut d’exploitation (EBE) et bénéfice d’une entreprise. Puis calculez la part de l’EBE et du bénéfice dans le CA.

9. Quel est l'enjeu de la distribution des dividentes aux actionnaires par l'entreprise ?

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Exercice 3 - Décripter les indicateurs de la RSE

--> A l’aide de ce document et du rapport d’activités précédemment téléchargé (pages 32 ; XIV, XV, XVI), vous montrerez qu’Eurotunnel a intégré la RSE dans sa stratégie.

Document - La responsabilité sociale des entreprises est selon la Commission européenne un « concept dans lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales, et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes sur une base volontaire ». Outre l’interaction avec les parties prenantes (employés, clients, collectivités territoriales, ONG, …), l’adjectif « volontaire » est central dans cette définition : l’entreprise socialement responsable émet moins de CO2 ou embauche un handicapé non pas parce qu’elle y est contrainte par une exigence édictée par l’Etat ou incitée par une subvention ou une taxe, mais qu’elle considère qu’il est de son devoir sociétal de bien se comporter.

Jean TIROLE, Economie du bien commun, PUF, mai 2016.

10.  Quels sont les trois grands domaines dans lesquels se décline la Responsabilité Sociale d’une entreprise (RSE) ?

11. Quels indicateurs positifs avance le groupe pour illuster les conditions de travail de ses salariés en 2015 ?

12. Quels indicaeurs nuances ce bilan ?

13. Citez deux mesures correspondant à la responsabilité sociétable que le groupe a mises en place.

14. Un transport à bas carbone : c’est ce que revendique le groupe Eurotunnel avec l’autoroute ferroviaire. Quels indicateurs le montrent (page XVI) ? Vous effectuerez quelques calculs de taux de variation.

Eurotunnel et le modèle économique de l'autoroute ferroviaire

Etude de document (EC2) - Classe de Terminale (et Première)

Vous présenterez le document puis vous décrirez les évolutions essentielles qu’il met en évidence.

Eurotunnel et le modèle économique de l'autoroute ferroviaire

Raisonnement s’appuyant sur un dossier documentaire (EC3) - Classe de Terminale 

Sujet -

A partir de l’étude de cas portant sur le groupe Eurotunnel et des documents qui suivent, vous montrerez que les autoroutes ferroviaires peuvent être un mode de transport compatible avec la préservation de l’environnement.

Document 2. Extrait du rapport d'activités 2015 du groupe Eurotunnel                                                 

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