De la production au PIB
Comment mesurer l'augmentation de la richesse produite ?
La mesure de l’activité économique nécessite d’évaluer aussi précisément que possible la production de richesses par les différents agents économiques d’un pays. L’accroissement des richesses produites constitue en effet un objectif prioritaire des politiques publiques.
En comptabilité nationale, l’agrégat le plus utilisé, le produit intérieur brut (PIB), est la somme des valeurs ajoutées de toutes les branches constituant l’économie nationale, représentant le résultat final de l’activité de production des unités productrices résidentes.
- Pourquoi la somme des valeurs ajoutées ?
La production d’un pays ne peut pas être calculée comme la somme des productions des agents, sous peine de comptabiliser deux fois les mêmes flux. En effet, les consommations intermédiaires, les biens et services utilisés pour produire, apparaitraient deux fois, dans la production de celui qui vend et dans la production de celui qui achète.
Si l’on s’intéresse à présent à la mesure de la richesse produite au niveau de la nation, il suffit d’ajouter l’ensemble des valeurs ajoutées créées par les résidents à l’intérieur du territoire national pour obtenir l’indicateur le plus fréquemment utilisé qu’est le PIB.
Si le PIB mesure la production d’une année dans un pays, soit la création de biens et services afin de satisfaire des besoins, cette définition implique que la production n’est pas seulement le fait des entreprises. Ainsi, certaines activités de service, telle que l’enseignement ou les services hospitaliers sont incluses dans la production : ces services produits par les administrations sont une production non marchande que la comptabilité nationale évalue à son coût de production. Le PIB réel (ou en volume) correspond à la valeur du PIB après avoir neutralisé l’inflation, ce qui correspond au PIB à prix constants. Les économistes distinguent également le PIB effectif et le PIB potentiel : le PIB potentiel est le PIB qui résulterait du plein emploi des ressources productives.
Ce niveau est lié à la quantité de facteurs de production disponibles et à l’efficacité de leur mise en œuvre, et ainsi au maximum de richesse que l’économie pourrait créer sans accélération de l’inflation. Ainsi, tant que le PIB effectif est inférieur au PIB potentiel, la stimulation de la demande globale permet d’améliorer la quantité de richesse créée sans accélération de l’inflation.
Par contre, lorsque la production, soutenue par une stimulation de la demande globale, s’élève au-dessus des capacités de production, l’inflation augmente. Ainsi, même si sa mesure pose des problèmes statistiques, si le PIB potentiel de l’économie est situé à un niveau bas, il s’avère difficile de stimuler la demande sans buter rapidement sur des contraintes d’offre
Les limites du PIB : vers de nouveaux indicateurs de bien-être ?
Le PIB est une construction statistique, son évolution est scrutée en tant qu’indicateur synthétique par les économistes et les décideurs politiques, mais il est toutefois un indicateur imparfait.
- En effet, le PIB sous-évalue certaines productions comme celles des administrations évaluées au coût de production et non au prix du marché (éducation, santé…)
- Le PIB ne rend pas compte de l’inégalité économique à l’intérieur du pays. En tant qu’indicateur comptable, il n’épuise pas la question de la mesure de la richesse puisque le PIB ne mesure en effet que le produit des activités génératrices de flux monétaires, sans considérer les externalités négatives créées, en particulier sur l’environnement.
- À l’inverse, les externalités positives générées par certaines activités, comme l’éducation, ne sont pas intégrées dans le calcul du PIB car ces phénomènes ne font pas l’objet d’une évaluation monétaire.
A noter : La croissance du PIB ne signifie pas forcément amélioration du niveau de vie (quantité de biens et services que peut se procurer une population) car il faut tenir compte de nombreux facteurs ; puisque le taux d’accroissement naturel de la population (taux de natalité – taux de mortalité) peut être plus élevé que celui de la production (dans ce cas le PIB /habitant peut diminuer), et le niveau des prix peut s’accroître plus vite que les revenus et entraîner une baisse du pouvoir d’achat.
Par ailleurs, le PIB/habitant traduit la richesse créée et donc les revenus perçus en moyenne par les habitants d’un pays : ce ne sont que des moyennes qui peuvent cacher de fortes inégalités et une dégradation du niveau de vie d’une partie de la population.
Enfin, le PIB ne tient pas compte de l’économie souterraine, comprenant le travail au noir, les activités illicites, les activités non déclarées qui peuvent atteindre un niveau important dans certaines économies.
Le PIB n’intègre pas le travail domestique qui se fait de façon informelle mais de façon légale et visible et peut représenter un temps d’activité important.
Un certain nombre d’indicateurs ont ainsi cherché à mieux mesurer le progrès économique et social: le plus célèbre est l’indice de développement humain, calculé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), qui offre une analyse mondiale régulièrement mise à jour.
L’IDH est compris entre 0 et 1 (plus le chiffre est élevé, plus le développement est grand) et intègre dans son calcul la valeur de l’espérance de vie à la naissance, le revenu national brut (RNB) par habitant en parité de pouvoir d’achat, et la durée de la scolarisation.
Du PIB à la croissance économique
La croissance peut se définir, selon l’économiste François Perroux (1903-1987), comme «l’augmentation soutenue, pendant une ou plusieurs périodes longues, d’un indicateur de dimension : pour une nation, le produit global en termes réels ».
Cet indicateur est généralement le PIB en volume, ou le PIB/tête. Pour produire davantage, il est possible d’utiliser davantage de capital physique grâce à l’investissement qui permet d’enclencher le processus d’accumulation du capital, et d’accroître la quantité annuelle de travail, celle-ci étant égale au niveau de l’emploi (nombre d’actifs) multiplié par la durée annuelle du travail par actif. Selon les économistes, sur la période 1996-2002, la variation de la quantité de travail et de capital explique 60% de la croissance de l’Europe des 15.
Il existe donc un résidu qui explique les 40% restants, c’est-à-dire le progrès technique qui autorise une hausse de la productivité globale des facteurs (PGF) qui mesure l’efficacité conjointe des facteurs travail et capital.
Une partie de la croissance économique ne provient ainsi pas d’une hausse de la quantité de facteurs, mais de l’amélioration de leur utilisation et on parle de croissance intensive.
L’origine du progrès technique se trouve dans la capacité d’innovation de l’économie, la mobilisation du capital humain et l’accumulation du capital technologique. Selon l’économiste autrichien Joseph Schumpeter (1883-1950), les fluctuations économiques sont inhérentes au capitalisme: en effet, le processus d’apparition du progrès technique et des innovations technologiques est source de croissance, mais la croissance est un phénomène irrégulier dans le temps, ce qui explique les fluctuations de l’activité économique, et le mécanisme de « destruction créatrice », « qui révolutionne incessamment de l’intérieur la structure économique, en détruisant continuellement ses éléments vieillis et en créant continuellement des éléments neufs» selon Joseph Schumpeter, est lié à la concurrence comme processus dynamique.
Le rôle des institutions et des politiques publiques
L’action de l’État vise aussi à augmenter la croissance de l’économie sur le long terme: l’État peut en effet, par son action, encourager l’innovation et favoriser ainsi le progrès technique, notamment par le soutien public à la recherche et à l’éducation, mais aussi par l’amélioration de la qualité des infrastructures (réseaux de transports notamment). Les théories modernes de la croissance, dites théories de la «croissance endogène» insistent sur le fait que le progrès technique «ne tombe pas du ciel» et que les structures de l’économie et l’action de l’État sont plus ou moins propices à son développement: la croissance est un phénomène autoentretenu permis par les comportements des agents économiques qui accumulent du capital physique, de la technologie, du capital humain et du capital public.
L’État joue un rôle majeur dans la définition des «règles du jeu» des échanges (que Douglass C. North appelle les institutions de la croissance) dans le cadre de l’économie de marché.
En effet, l’État définit et garantit le respect des droits de propriétés (notamment ceux de la propriété intellectuelle à travers les brevets), et est aussi à l’origine du droit du travail ou du droit commercial.
Certaines institutions sont alors plus ou moins favorables à la croissance: un pays dans lequel les droits de propriété seraient mal définis découragerait l’investissement car les investisseurs n’auraient pas de garantie de pouvoir tirer profit de leur action.
D’autres institutions peuvent jouer sur la croissance, comme les dispositifs fiscaux, les règles du fonctionnement du marché du travail ou bien la politique de la concurrence.