Comment l'Homme intègre-t-il les comportements attendus par la société ? N'est-ce que par la contrainte ? Sommes-nous tous égaux devant les normes et valeurs auxquelles nous sommes exposés, et suivant les modalités par lesquelles nous y sommes exposés ?
* La socialisation, mécanisme clé de la construction des identités Pour mieux comprendre ce en quoi il consiste, nous pouvons nous appuyer sur la définition qu’en donne Muriel Darmon (La socialisation, collection 128, Armand Colin, 2006) : « Ensemble des processus par lesquels l’individu est construit […] par la société globale et locale dans laquelle il vit, processus au cours desquels l’individu acquiert […] des façons de faire, de penser et d’être qui sont situées socialement ». C’est donc une action continue de la société ou d’une partie d’entre elle sur l’individu. Le phénomène de socialisation (ce pourquoi d’ailleurs on lui attache le suffixe « ation ») n’est jamais achevé. Il est toujours susceptible d’être approfondi, repris, voire même contrarié.
Que se transmet-il au cours de ce processus ? Des « façons de faire, de penser et d’être », à savoir, des normes et des valeurs. Les normes sont des règles ou usages, les valeurs sont des idéaux. « Situées socialement », ces pratiques et croyances sont légitimes au sein d’une groupe social donné, mais pas forcément pour la société dans sa globalité.
Par quels moyens dès lors l’individu est-il alors « construit […] par la société globale et locale dans laquelle il vit » ? Il semble évident que l’éducation, mécanisme explicitement conçu pour assurer la transmission des savoirs, savoir-faire et savoir-être par leurs détenteurs légitimes, tient une part importante. Cependant, on ne saurait résumer la socialisation à l’éducation : la socialisation englobe aussi tous les mécanismes d’influence, d’imitation (entre pairs par exemple). La socialisation peut donc être un phénomène tacite, sans véritable usage de contraintes. Si l’école est un lieu privilégié d’éducation, il s’y passe aussi des moments socialisateurs hors éducatifs (document 2).
Les activités socialisatrices auxquelles participel’individu" réussissent » parfois au point que le socialisé ne perçoit plus ses actions ou pensées comme provenant de l’extérieur, mais les incorpore, les fait siennes, les transforme en seconde nature (document 2). C’est pourquoi les individus ont tendance à ne plus voir la trace laissée sur eux par certaines instances de socialisation (notamment, celles qui fonctionnent le plus par suggestion et non par imposition explicite).
La socialisation contribue à l’intégration de l’individu en le familiarisant avec les rôles sociaux qu’il devra investir au long de sa vie. Ces rôles sociaux sont des ensembles de comportements attendus d’une personne occupant une position sociale particulière (homme, père, époux, salarié, militant…).
Par son action, la socialisation prépare l’individu à habiter ces rôles, mais aussi informe sur la manière dont il se les réappropriera.
*Un processus multiple, qui peut être parfois l’objet de contradiction
La socialisation est assurée par un ensemble de personnes, d’institutions, avec lesquelles l’individu se trouve en contact direct ou non : il s’agit des agents ou instances de socialisation. Ceux-ci sont très divers : en effet, un enfant est socialisé par sa famille (la socialisation familiale est même le cœur de la socialisation enfantine), l’école, ses groupes de pairs (c’est-à-dire, ses amis), mais aussi les médias (qui n’ont pourtant pas de contact direct avec le socialisé). Nous pourrions encore allonger la liste de ces groupes qui influent sur les comportements de l’enfant. La multiplication des instances auxquelles l’enfant est exposé peut aboutir à ce que celui-ci reçoive des messages contradictoires. En effet, il peut arriver que les normes et valeurs prônées par la famille ne correspondent que peu ou partiellement aux normes et valeurs incarnées par l’école. Les tensions entre les exigences contradictoires des différentes instances de socialisation auxquelles l’enfant ne peut échapper (puisqu’il n’a pas acquis l’autonomie de l’adulte) peuvent amener à des incompréhensions, des mal-être, des échecs (document 3)
*La socialisation est ainsi un processus différencié, qui peut être vecteur d’inégalités
Nous ne sommes pas tous égaux devant la cohérence et l’efficacité sociale des messages que les différentes instances de socialisation nous délivrent.
L’illustration par les milieux sociaux est flagrante. Dans les milieux de la haute bourgeoisie, tout est mis en place pour contrôler la fabrique par le groupe social de dirigeants issus du même sérail. La formation des couples y est même contrôlée.
D’autres études montre que la probabilité d’une carrière scolaire réussie et fortement corrélée au volume de capital culturel possédé par les parents (diplômes, ouvrages, sorties). La socialisation familiale entre ici en résonance avec les exigences scolaires (documents 4 et 5La socialisation a aussi des conséquences dans la construction des genres. En effet, dès le plus jeune âge, on apprend, de manière souvent insidieuse, comment être un garçon et comment être une fille, ce qui a des conséquences qui vont bien au-delà des jeux enfantins (document 6)