Question 1 : Comment devenons-nous des acteurs sociaux ?

Sommaire

La socialisation est un processus

Les membres d'une société apprennent les règles de leurs milieux sociaux et culturels. Ils intègrent progressivement les normes et les valeurs dominantes de la société et les adaptent à leur personnalité.Ces processus de transmission et d'apprentissage sont souvent différenciés selon l'âge, le sexe, l'origine, le groupe socioprofessionnel des parents, la religion, etc.

Cet apprentissage des normes, des comportements, des valeurs ou des croyances d'une société se fait tout au long de la vie.

La socialisation est un processus qui dure toute une vie. On distingue néanmoins deux grandes étapes d’intégration des normes et des valeurs.

1. La socialisation primaire est la socialisation se déroulant pendant l’enfance.Elle est essentiellement assurée par la famille, les groupes de pairs, l’école et les autres professionnels de l’enfance (assistantes maternelles, personnels des centres aérés, etc.).

2. La socialisation secondaire est la socialisation se déroulant pendant l’âge adulte.

L’entrée dans les premiers emplois, la participation à des stages de formation ou des activités syndicales, la mise en couple, l’installation dans un nouveau voisinage, la participation à la vie associative et/ou politique, l’arrivée des enfants, etc. renforcent, nuancent et/ou déstabilisent de habitudes et des schémas de pensée acquises dans l’enfance.

Les instances de socialisation (famille, école, travail, groupes de pairs, etc.) sont potentiellement plus nombreuses et plus diverses à mesure que l’âge des individus avance. Les effets de la socialisation primaire restent profondément ancrés dans les manières d’être (manière de parler, de se tenir, etc.) et de penser des individus (croyances religieuses, positions partisanes, etc.). Ils ont tendance à informer la façon dont la socialisation secondaire va se dérouler. D’où l’important des processus de socialisation qui ont lieu pendant l’enfance, notamment au sein de la famille.

On identifie des phénomènes de socialisation anticipatrice lors de l’incorporation, par avance, de normes et de valeurs, en vue de l'intégration dans un groupe social différent du sien. Par exemple, pour faciliter leur insertion professionnelle ou leurs engagements civiques (politiques, syndicales, associatifs, etc.), les individus intègrent les normes et les valeurs de leur groupe de référence, qui peuvent être différentes de celles de leur groupe d’appartenance.

Le rôle spécifique de la famille 

FamilleFamille Famille

Selon l’Insee, une famille est la partie d'un ménage comprenant au moins deux personnes et constituée soit d'un couple vivant au sein du ménage, avec le cas échéant son ou ses enfant(s) appartenant au même ménage, soit d'un adulte avec son ou ses enfant(s) appartenant au même ménage (famille monoparentale).

La famille transmet donc, de manière directe ou indirecte, de façon consciente et inconsciente, les éléments de la culture (normes, valeurs, codes symboliques) qui permettent aux enfants de s'intégrer dans la vie sociale.

La famille est d'abord le lieu de transmission d'une identité civile (nom(s) et prénom(s)). La famille transmet ensuite le langage, les normes de comportement et ces « techniques du corps » (Marcel Mauss) indispensables pour manger, faire sa toilette, se tenir avec les proches ou avec les étrangers, etc. Bref, elle impose ces normes et habitudes qui permettront à l'enfant de développer des relations sociales.

La famille peut aussi transmettre un patrimoine économique et financier, des positions dans l’espace social, un « carnet d'adresses », etc. Agent de socialisation, la famille est aussi au cœur des stratégies de reproduction sociale.

Toutefois, les jeunes ne sont pas uniquement en contact avec les membres des réseaux familiaux. Ils fréquentent d’autres personnes, d’autres lieux, d’autres institutions.

Le rôle spécifique de l’école 

L'école est une institution, soit un ensemble d'actes et d'idées ainsi qu’une organisation, qui s'imposent aux individus.

Ecole

En fonction de l’âge des élèves et de leur niveau, l’institution scolaire définit les normes et les valeurs, donc les contraintes, qui s'imposent à ses membres et, par ricochet, aux parents. La signature du règlement intérieur, dont le contenu ne se résume pas à l'énonciation de normes juridiques, par les parents et les enfants, illustre cette ambition.

Le système d'enseignement français est donc fondé sur de grands principes réaffirmés régulièrement, notamment les principes de liberté de l'enseignement, de gratuité, de neutralité, de laïcité, d’obligation scolaire et de liberté de l'enseignement.

Ces principes, comme la neutralité philosophique et politique, s’imposent aux élèves mais aussi aux professeurs et autres personnels éducatifs.

L’institution met aussi l’accent sur certaines normes et valeurs en fonction des souhaits du législateur. Ces dernières années, l’école a particulièrement accentuée la transmission de normes et de valeur visant à renforcer l'égalité entre les filles et les garçons, la prévention des comportements discriminatoires (lutte contre le racisme ou l’homophobie) ou la lutte contre le harcèlement, notamment via les réseaux sociaux numériques.

Le rôle spécifique des médias et des groupes des pairs dans le processus de socialisation des enfants et des jeunes

La famille et l’école ne sont les seuls lieux de transmission de normes et des valeurs d’une société. Le voisinage, les relations avec les pairs (amis, camarades de classe, etc.), les activités sportives ou musicales, les émissions de télévision, le temps passé sur les réseaux sociaux numériques participent au processus d’apprentissage, d’intériorisation voire d’inculcation des règles de vie en société. Par exemple, les comptines pour les enfants, les blagues pour les adolescents, les jeux quelle que soit l’âge sont souvent transmis entre pairs et de plus en plus via les sites web et les réseaux sociaux numériques.

La socialisation est donc processus collectif et dynamique. La socialisation est donc plurielle et les processus d’acculturation multiforme.

Le caractère différencié des processus de socialisation en fonction du milieu social

Les modes de vie ne sont pas homogènes : niveau de vie, taille et localisation des logements, alimentation et habillements, loisirs et vacances, etc. témoignent de l’hétérogénéité des conditions matérielles d’existence, des occupations et des préoccupations des groupes sociaux. Les individus grandissent, se mettent en couple, travaillent, ont des loisirs dans des espaces sociaux différents. On mesure souvent le milieu social d’un individu avec sa catégorie socioprofessionnelle (ou celle de ses parents). Les apprentissages (de normes, de valeurs, de pratiques, etc.) sont donc liés aux appartenances sociales. Les existences, donc les processus de socialisation sont donc « structurés » par l’origine sociale, voire pour certains de sociologues, les appartenances de classes sociales.

Ainsi, le groupe social d’appartenance influence les manières d’être, de parler, de faire mais aussi les choix individuels. On note ainsi que les pratiques sportives et les autres activités de loisirs (pratique d’un instrument de musique, etc.) sont souvent liés à l’origine sociale.

Le caractère différencié des processus de socialisation en fonction du genre

Pourquoi et comment une différence biologique (sexes différents) se transforme en différence sociale (rôle et statut sociaux différents) ?

Le genre est une notion utilisée dans les sciences sociales. Le concept renvoie à la dimension culturelle de l’appartenance sexuelle (par exemple la distribution du pouvoir et à la répartition des rôles entre les femmes et les hommes dans une société donnée), par opposition à la notion de « sexe », qui traduit une réalité biologique universelle.

Les études sociologiques démontrent qu’au-delà des consignes officielles qui prescrivent l’égalité et de la volonté des enseignants, les différences sexuées se transmettent toujours à l’école, notamment via les albums jeunesse à disposition des élèves dans les classes et les bibliothèques qui renforcent parfois les stéréotypes.

Femme

En famille, à l'école ou entre amis les stéréotypes (positifs ou négatifs) descriptifs (« les filles/garçons sont comme cela… ») ou prescriptifs (« les filles/garçons doivent faire cela … ») exercent des pressions normatives qui incitent les enfants puis les adolescents à se conformer, c'est-à-dire appliquer les normes exigées d’eux.

L’apprentissage de ces stéréotypes se déroule donc dès la socialisation primaire, notamment lorsque les parents traitent leurs enfants différemment selon qu’ils soient garçons ou filles (couleurs et formes des habits, choix des jouets, inscription dans les clubs de loisirs, etc.). Cette éducation différenciée des parents est alimentée et renforcée, par la multiplicité des canaux de socialisation.

Les jouets ou les pratiques sportives peuvent illustrer le caractère différencié des processus de socialisation en fonction du milieu social et en fonction du genre.

Les familles des classes moyennes et supérieures ont tendance à offrir des jouets éducatifs à leurs enfants, n’oubliant pas qu’ils sont aussi des outils de « stimulation intellectuelle » alors que les familles de milieux populaires valorisent les jeux éducatifs. Et, les jouets perçus comme masculins favorisent souvent la force, la mobilité et la manipulation et ceux perçus comme féminins l'intérêt porté à soi et aux autres, la séduction et de la maternité.

Documents et exercices 

Document 1. La socialisation est un processus

Facile

Comprendre les processus de socialisation

Margaret Mead (1901–1978) est une ethnologue américaine qui voulait déterminer à quels moments l’environnement culturel d’un enfant influait suffisamment sur sa conscience pour en faire un membre d’une société. Elle étudia donc l'adoption de gestes, l'attitude, la posture, les habitudes liées aux fonctions les plus simples du corps comme la parole ou la prise des repas. Elle se concentra aussi sur des points plus complexes, comme la compréhension de l’organisation familiale et sociale par les individus.

Ayant grandi dans un village de Papouasie Nouvelle-Guinée construit au-dessus de l'eau (fleuve Sepik), les enfants (cf. photo ci-dessous) ont appris très tôt les compétences physiques de base pour survivre : nager, conserver son équilibre et pagayer. Selon Margaret Mead, les aînés avaient peu d'exigences ou de restrictions à leur égard, à l'exception de celles qui concernaient leur survie physique et le respect des biens personnels d'autrui.

Les travaux de Margareth Mead font l’objet de nombreuses critiques, notamment elle minimisait ou ignorait les informations qui rendaient moins pertinentes ses analyses. Toutefois, son insistance pour séparer le sexe, fondé sur la biologie, du genre, construit socialement était novateur. Son questionnement au cœur des textes rassemblés dans Mœurs et sexualité en Océanie (1963) (La femme est-elle douce et maternelle par nature ? L'homme est-il universellement autoritaire et rude ?) a permis de renouveler la réflexion sur la manière dont les sociétés façonnent et normalisent la personnalité.

Questions: 

1. Que veut dire le terme « processus » ?

2. Dans ce village, que transmettent les parents à leurs enfants ?

3. Pourquoi Margaret Mead doit montrer à cet enfant comment porter une poupée ?

4. Montrez que Margaret Mead ne transmet pas seulement un jouet mais aussi des normes.

Document 2. Ne pas opposer normes et valeurs

Facile

Questions : 

1. (Photo n°1) Quels points communs et différences entre cette classe de 1880 et celles d’aujourd’hui ?

2. Bonnet d’âne : norme ou valeur ?

3. (Photo n°2) Montrez que les comportements des deux enfants sont liés à des valeurs

Document 3. L'école au XXIe siècle

Facile

 

Transmettre les savoirs fondamentaux

 

"Transmettre les savoirs fondamentaux" est l'une des priorités de l'année scolaire 2018-2019. À quelques jours de la rentrée, le ministre de l'Éducation nationale a souligné que l’École portait une politique de progrès social qui consiste à donner davantage à ceux qui ont besoin de plus.

C’est le sens du dédoublement de 4 700 classes supplémentaires en réseaux d’éducation prioritaire. Son objectif est de porter chacun au plus haut de son talent et de son mérite.

Cela passe notamment par l’enrichissement des enseignements au collège, le développement de l’éducation artistique, culturelle et sensorielle.

Ces transformations sont portées par un état d’esprit, celui de la confiance. Pour les professeurs, cela se traduit par de nouveaux outils, notamment les évaluations en CP, CE1 et 6e qui leur permettront d’adapter leurs pédagogies aux besoins de leurs élèves.

Un constat : les évaluations internationales et françaises montrent que les élèves ont une maîtrise insuffisante des savoirs fondamentaux. Ces difficultés concernent particulièrement les enfants issus de milieux défavorisés.

Un objectif : la maîtrise par tous les élèves des savoirs fondamentaux à la fin de l’école primaire car c’est la condition d’une scolarité réussie et de la formation d’un citoyen libre et responsable.

Une stratégie : donner la priorité à la maîtrise du français et des mathématiques, à la base de tous les apprentissages, par un enseignement rigoureux, explicite et progressif.

Des moyens : investir, clarifier les programmes d’enseignement, élaborer des repères annuels, renforcer le pilotage pédagogique, agir en faveur de la lecture.

Source : https://www.education.gouv.fr

Les valeurs de la République à l'école

 

Sans l’éducation, la transmission des valeurs de la République ne peut être assurée. L'École y contribue et se mobilise aux côtés de ses partenaires pour les valeurs de la République. Transmission des valeurs républicaines, laïcité, citoyenneté, culture de l’engagement et lutte contre toutes les formes de discrimination sont au centre de cette mobilisation.

 

Cette transmission passe par l’application stricte du règlement intérieur de l’établissement et par l’usage de la hiérarchie des sanctions.

 

L’amélioration du climat scolaire passe par la transmission des valeurs de la République, qui fondent la cohésion nationale.

Selon les termes même de la Constitution de la Ve République : "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale." Cette République a une langue, le français, un drapeau tricolore, un hymne national La Marseillaise, une devise : "Liberté, Égalité, Fraternité", un principe : "Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple."

 

Il est important d’expliquer en quoi concourir au bien commun nécessite d’inscrire sa liberté dans le cadre de la loi.

 

La laïcité est l’une des valeurs essentielles de la République. Elle est un principe protecteur des élèves. Le droit de penser et de croire librement pour chaque élève nécessite de prémunir les écoles, les collèges et les lycées de toute emprise politique, religieuse ou idéologique.

 

Source : https://www.education.gouv.fr

école

Questions : 

1. Que transmet l’école ?

2. Qu’est-ce que la socialisation ? Pourquoi l’école est un lieu de socialisation ?

3. Les normes et les valeurs transmises par l’école s’opposent-elles ou sont-elles complémentaires avec celles transmises par la famille ?

Document 4. La laïcité à l’école : norme ou valeur ?

Facile

Questions : 

1. La laïcité, principe de séparation de la société civile et de la société religieuse, est-elle une norme ou une valeur ?

2. Comment la laïcité se manifeste-t-elle dans les établissements publics français métropolitains ? Y a-t-il des exceptions ?

3. Pourquoi, selon vous, l’école publique interdit l’instruction religieuse, tout en permettant l’enseignement de l’histoire des religions ?

Document 5. L'obligation scolaire, l'école comme institution

Facile

Taux de scolarisation par âge en 2016, en %

Questions : 

1. Comment calcule-t-on un taux de scolarisation ?

2. Faites une phase avec les données pour les enfants de « 2 ans ».

3. Faites une phase avec les données pour « 6 ans ». Qu’est-ce qu’une institution ? Qu’en déduisez-vous sur l’institution scolaire ?

4. Commentez l’évolution du taux de scolarisation par âge en France.

école

Document 6. L'école, un lieu de socialisation universel ?

Facile

Questions : 

1. Commentez la courbe « Afrique subsaharienne »

2. Cherchez : qu’est-ce que l’UNICEF ?

3. Qu’elle est la justification donnée par l’Unicef pour recueillir des dons pour l’installation de tentes scolaires ?

4. La socialisation scolaire est-elle un phénomène universel ? Les enfants qui ne vont pas à l’école sont-ils socialisés ?

Document 7. Une même expérience scolaire ? Le rôle du milieu social

Facile

La réussite au baccalauréat selon l'origine sociale, session 2017.

Admis en nombre et taux de réussite en %

Questions : 

1. Faites une phrase avec les deux premiers chiffres.

2. Faites une phrase avec la ligne « Employés ».

3. Que peut-on déduire de ce tableau ?

4. Pourquoi, selon vous, la DEPP a fait ressortir la catégorie socioprofessionnelle « professeurs et assimilés » parmi les cadres et professions intellectuelles supérieures ? (Utilisez le concept de socialisation dans votre réponse)

Document 8. Enseigne-t-on la différence des sexes ? Découvrir la notion de genre

Facile

Analyse de 492 albums de jeunesse

La prise en compte de la valorisation sociale classiquement accordée aux activités exercées accentue cette domination masculine quantitative. En effet, en cohérence avec leur surreprésentation dans les rôles secondaires, les personnages féminins sont surreprésentés dans des activités peu valorisées socialement. Ce qui est particulièrement notable pour les personnages adultes dont les activités sont plus aisément situables sur l’échelle générale des valeurs.

Sans surprise, ce sont les occupations répétitives du quotidien relevant de la sphère privée, telles que les activités ménagères ou de soins courants aux enfants, qui sont le plus souvent associées aux personnages féminins. Et lorsque ces derniers sont représentés dans l’exercice d’une activité professionnelle (ce qui arrive deux fois moins que pour les personnages masculins adultes), ils restent cantonnés dans des activités peu diversifiées, prolongeant leurs supposées qualités féminines naturelles de soin et de soucis d’autrui (le care). En regard, les activités exercées par les personnages adultes masculins relèvent davantage de la sphère publique.

Elles sont présentées plus variées, et supposent à la fois expertise et responsabilité sociale. En ce sens, ces albums contribuent à perpétuer et à légitimer cette valence différentielle des sexes qui « traduit la place différente qui est faite universellement aux deux sexes sur une table des valeurs et signe la dominance du principe masculin sur le principe féminin » (Françoise Héritier, 2002)

Questions : 

1. Selon vous, pourquoi les albums de jeunesse sont importants dans la socialisation primaire ?

2. Faites une phrase avec la première ligne du tableau.

3. Quelles sont les grandes oppositions qui sont repérées dans ce texte ?

4. Que signifie, selon vous, l’expression « valence différentielle des sexes » proposée par l’anthropologue Françoise Héritier (1933-2017) ?

5. Selon vous, pourquoi distingue-t-on le concept de « sexe » et de « genre » ?

Document 9. Le caractère différencié des processus de socialisation en fonction du milieu social : la fabrique des footballeurs

Facile

La fabrique des footballeurs

Le sociologue Julien Bertrand a mené l’enquête dans le centre de formation d’un grand club de football français. Son étude déconstruit l’image du talent sportif comme don, et celle du football comme voie privilégiée d’ascension sociale pour les jeunes issus des milieux populaires.

Le spectacle offert par la Coupe de Monde de football entretient l’idée, plus ou moins confuse, que le footballeur réalise sur le terrain un talent naturel dont le geste parfait veut être la plus belle incarnation. Mais la célébration du « génie » des idoles ne doit pas faire oublier qu’elles sont savamment produites – la grâce ne doit pas faire oublier que le football est un métier, dont l’apprentissage a ses règles et ses exigences. On ne naît pas footballeur, on le devient. Au football, l’accès à cette élite repose sur une socialisation longue et intensive, d’autant plus exigeante que derrière l’apparente facilité des gestes se cache un travail de longue haleine nécessitant un sens de l’effort et de la persévérance. (…)

Cette enquête, menée par le biais d’observations, d’entretiens (avec trente-trois apprentis) et d’une étude des dossiers scolaires, s’est déroulée dans l’un des grands clubs professionnels français, au sein duquel les apprentis connaissent un apprentissage sportif intensif (de quatre à sept entraînements hebdomadaires).

L’analyse de la genèse des parcours des jeunes apprentis montre que la carrière du footballeur n’a rien d’une « passion » spontanée. (…)

Premièrement, le développement de ces « talents » se réalise très souvent à l’intérieur de familles dans lesquelles l’initiation footballistique est d’autant plus précoce que ce sport y occupe une place conséquente. Sa pratique et son spectacle constituent souvent un trait significatif d’une précoce socialisation masculine portée par des pères « footeux » (deux tiers des pères ont joué en club) et dont les effets se lisent sur l’ensemble de la fratrie (neuf sur dix des frères des enquêtés pratiquent ou ont pratiqué ce sport). L’engagement de ces pères dans le jeu n’avait d’ailleurs souvent rien d’anecdotique puisqu’un tiers a pratiqué dans des championnats nationaux et près d’un quart a occupé des fonctions d’encadrement. Les footballeurs rejoignent ici d’autres métiers à carrière précoce dans lesquels l’initiation familiale joue souvent un rôle décisif (cela a été observé dans le domaine sportif chez les cyclistes et les athlètes ou dans le domaine musical chez les violonistes solistes ou les clarinettistes.

L’imprégnation précoce des jeunes par cette culture sportive s’opère, le plus souvent, à l’intérieur de familles appartenant aux milieux populaires. Plus de la moitié des apprentis rencontrés a un père ouvrier ou employé (environ 57 % sur 47 cas).

Les données sur le centre étudié, proches de celles produites par une enquête statistique menée au cours des années 1990, semblent situer le football parmi les sports où l’excellence est majoritairement l’affaire des classes populaires (avec le cyclisme ou la gymnastique par exemple), alors que la population des sportifs de haut niveau dans son ensemble est majoritairement issue de familles fortement dotées en ressources culturelles et économiques. Cependant, le lien entre professionnalisme et classes populaires est loin d’être univoque, et cela d’autant plus que l’institutionnalisation de la formation a toutes les chances d’élargir le recrutement social. C’est ce que laisse penser le fait que les fils des cadres et professions intellectuelles supérieures sont loin d’être exclus (presque un cinquième de la population) et que leur proportion s’est sensiblement accrue chez les footballeurs de métier entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990. Cette évolution rappelle, par ailleurs, que la relation entre les groupes sociaux et les formes de pratique sportive est l’objet de fluctuations historiques et n’a rien de « naturel ». (…)

Source : Julien Bertrand, « La fabrique des footballeurs », La Vie des idées, 30 juin 2010.

Questions : 

1. Expliquez la phrase « On ne naît pas footballeur, on le devient »

2. Selon vous, comment s’opère cette une « socialisation longue et intensive » ?

3. Quelle est la place de la famille dans « La fabrique des footballeurs » ?

4. Illustrez la place et le rôle de la famille dans d’autres pratiques sportives

5. Le footballeur se « fabrique » t-il essentiellement dans les milieux populaires ?

football

Document 10. Le caractère différencié des processus de socialisation en fonction du genre : être une femme dans le monde des hommes

Facile

ETRE UNE FEMME DANS LE MONDE DES HOMMES

Socialisation sportive et construction du genre (2005)

Auteur : Christine Mennesson

En faisant partager l'expérience singulière des footballeuses, boxeuses et femmes haltérophiles de haut niveau, Christine Mennesson analyse les conséquences de l'entrée de femmes dans des mondes traditionnellement réservés aux hommes.

Elle cherche à identifier les conditions sociales qui qui permettent à des jeunes filles de faire le « choix » de pratique des activités dites masculines. Parmi les plus significatives, on peut relever l’appartenance aux milieux populaires, l’importance de la configuration familiale et du rôle des pères dans la construction d’un habitus sportif compétitif ainsi que la socialisation sportive précoce surtout pour les boxeuses et les footballeuses.

Boxeuses et footballeuses construisent et incorporent durant leur enfance une « contre-identité » de genre. Elles valorisent les activités avec les garçons et se distinguent du « féminin » qu’elles associent à la passivité et à l’inaction. Construisant un rapport au corps socialement considéré comme masculin, elles sont en conséquence considérées comme déviantes et souvent qualifiées de garçons manqués.

Toutefois, si elles doivent faire preuve de compétences dites « masculines », elles doivent se distinguer aussi du masculin pour éviter toute stigmatisation.

Prenant une distance avec les normes sexuées dominantes les sportives défendent le modèle de la femme active, l’autonomie et la valorisation de soi, et s’opposent à certains stéréotypes de l’éternel féminin symbolisé par la femme-objet. Tenant des discours globalement favorables à l’égalité entre les hommes et les femmes, elles ne s’identifient pas pour autant aux mouvements féministes.

En étudiant des carrières des sportives dans des activités qui ne leur sont a priori pas destinées, Christine Mennesson permet de réfléchir sur la construction sociale des genres. Elle met en évidence des formes contrastées de processus de construction du genre et la complexité des rapports sociaux de sexe et de leurs effets.

Questions : 

1. Pourquoi la sociologue évoque une « expérience singulière » ?

2. Quelles sont les conditions sociales qui favorisent l’entrée des femmes dans ces activités dites masculines selon la sociologue ?

3. Les stéréotypes sont-ils uniquement véhiculés par les garçons ?

4. Que veut dire l’expression « construction sociale des genres » ? Donnez un exemple

Document 11. Le caractère différencié des processus de socialisation en fonction du genre : les métiers du numérique

Facile

Un déploiement national des opérations Numériqu'elles, forum de sensibilisation des jeunes femmes aux métiers du numérique, est à l'étude.

Publié le 27/01/2019

Connaissez-vous la Britannique Ada Lovelace ? L'Américaine Grace Hopper ? La première imagine en 1843 le tout premier programme informatique, la seconde crée le langage COBOL en 1959. Mais 60 ans plus tard, les femmes ne représentent que 27% des salariés de l'informatique et du numérique, et 16% seulement des fonctions techniques. Alors que le secteur du numérique est le plus dynamique en termes d'emplois et de salaires, le féminiser devient une priorité des autorités publiques... et cela commence à l'école.

Numériqu'elles, une opération pilote de sensibilisation des collégiennes et lycéennes aux métiers du numérique est menée depuis 4 ans dans les Hauts-de-France, à Lille puis Amiens, à l'initiative d'entreprises comme IBM, de l'Académie de Lille, d'associations comme Femmes ingénieures. Euratechnologies organisera une 5e édition le 31 janvier. (…) Autant de rencontres qui aident à déconstruire l'image très masculine du secteur, avec la figure emblématique du "geek", la puissance des stéréotypes de genre, le sexisme virulent sur les réseaux sociaux... autant de facteurs qui peuvent dissuader les filles de s'orienter vers le numérique. De retour dans leur établissement, les participantes deviennent des "ambassadrices", chargées de partager, diffuser, leur prise de conscience. Une opération que le ministère de l'éducation nationale envisagerait de reproduire partout en France.

femme

Questions : 

1. Quelle est l’objet de l’association Numériqu'elles ?

2. Qu’est-ce qu’un stéréotype ? Connaissez-vous des stéréotypes attachés aux hommes ? Quel est le stéréotype pointé dans le document ?

3. Pourquoi « féminiser » un secteur d’activité ?

Document 12. Le rôle de la famille et des réseaux sociaux : la socialisation politique à l’heure d’Internet

Facile

La famille est-elle encore le lieu privilégié de la transmission politique ?

Aujourd’hui encore, les études montrent que deux tiers des Français se situent dans la continuité des choix politiques de leurs parents. Mais il faut distinguer ce phénomène du vote lui-même car les camps traditionnels gauche-droite sont traversés de nombreux courants. La question des extrêmes travaille, par exemple, ces identifications primaires, y compris chez les jeunes. Et puis, on peut aussi ne pas voter.

La multiplication des moyens d’information et l’émergence du numérique ont-elles altéré cette transmission ?

Altéré, non, mais brouillé, c’est certain. Les jeunes sont soumis à une offre incessante qui se confronte aux valeurs forgées par l’expérience familiale. Mais les réseaux sociaux, très prisés des enfants et des adolescents, n’invalident pas l’influence de la transmission familiale. Contrairement à ce que l’on croit, le premier vecteur d’information politique des jeunes reste la télévision. Enfin, n’oublions pas qu’on s’informe toujours auprès de sources cohérentes avec ses idées, y compris sur Internet.

Les cas de rupture idéologique entre parents et enfants sont donc assez rares ?

Oui. D’une génération à l’autre, entre parents et enfants, la filiation politique, mesurée à partir du repérage élémentaire gauche-droite ou ni gauche ni droite, l’emporte sur les ruptures. Ces cas sont minoritaires. Les jeunes qui affirment être d’un bord différent de celui deux leurs deux parents représentent entre 10% et 12% des cas. Mais ces témoignages retiennent davantage l’attention car ils invitent à des questionnements.

Source : Entretien avec Anne Muxel, spécialiste de la socialisation politique. Le Monde, dimanche 19 et lundi 20 mai 2019.

Questions :

1. Les choix politiques peuvent-ils être confondus avec le vote ?

2. Comment mesure-t-on la filiation politique ? Est-ce toujours pertinent ?

3. Internet bouleverse-t-il la socialisation politique ?

4. Selon vous, peut-on parler de socialisation familiale pour le vote ?

Exercice 1. Qu’est-ce que l’école pour un sociologue ?

Facile

Questions : 

1. Définissez une norme

2. Donnez un exemple de norme transmise à l’école maternelle

3. Selon vous, qu’est-ce que l’école pour un sociologue ?

Exercice 2. Évolutions des normes : la socialisation et l’âge

Modéré

Usage de l'internet pour les loisirs selon l'âge en 2018

(en %)

Champ : France, ensemble des particuliers.

Source : Eurostat

Questions 

1. Faites une phrase avec le chiffre « 64 »

2. Qu’est-ce qu’une génération ? Illustrer une différence de pratique entre génération à l’aide de ce tableau.

3. Comment expliquer les différences de lecture des journaux entre les 16-24 ans et les 65-74 ans ?

Exercice 3. Replacer les termes suivants dans le texte.

Difficile

Insertion professionnelle - socialisation anticipatrice - groupe d’appartenance - groupe de référence

Attention : un terme est utilisé deux fois

Observant des étudiants en médecine, le sociologie américain Robert K. Merton (1910-2003) avait noté (The Student Physician, Harvard, Harvard University Press, 1957) que, désireux d’intégrer le monde professionnel des médecins, de nombreux étudiants se détachent de leur ……………. ………………. et adoptent les codes des professionnels qu’ils aspirent à devenir. Il identifie alors des phénomènes de ……………. ………………., soit l’incorporation par avance de normes et de valeurs, en vue de l'intégration dans un groupe social différent du sien.

Pour faciliter son ……………. ………………. ou ses engagements civiques (politiques, syndicales, associatifs, etc.), les individus intègrent les normes et les valeurs de leur ……………. ………………., qui peuvent être différentes de celles de leur ……………. ………………..

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