Baisse de la productivité en France : échec en « maths » ?

FocusCAE_091-2022  (cae-eco.fr)

Le niveau des Français en mathématiques ne cesse de se dégrader depuis 30 ans. La France fait maintenant partie des pays de l’OCDE dont le niveau en mathématiques est le plus faible. Cette baisse de niveau pose un problème économique d’importance car les différents travaux économétriques font état d’un lien négatif entre le niveau de compétences en mathématiques et la productivité du travail.
Dès lors, l’éducation apparaît comme un enjeu majeur pour la productivité dans les décennies à venir. Les réformes éducatives déjà mise en place dans certains pays étrangers peuvent servir d’inspiration pour les réformes à mener en France.

Mots-clés : Numératie, PISA, Productivité, Réformes éducatives.

Même Si l’enquête PISA comporte un certain nombre de biais, elle permet d’établir clairement que le niveau des élèves français en mathématiques présente une tendance générale à la baisse depuis 30 ans. Cette dégradation s’illustre par le recul du positionnement de la France vis-à-vis d’autres pays dans les classements internationaux. Le niveau français en mathématiques s’est considérablement réduit par rapport aux pays dont le système éducatif est proche du nôtre, et semble s’être aujourd’hui stabilisé, mais tout en bas du classement. Les pays en tête de ce classement sont systématiquement la Corée du Sud et le Japon. Ces résultats sont conformes à ceux des autres enquêtes disponibles sur le sujet, à savoir TIMSS (« Trends in International Mathematics and Science Study » de l’IEA- International Association for the Evaluation of Educational Achievment), PIAAC (« Programme International pour l’Evaluation des Compétences des Adultes »), CEDRE (« Cycle des Evaluations Disciplinaires Réalisées sur Echantillon » de la DEPP- Direction de l’Evaluation, de la Prospective et de la Performance ), et LEC (« Lire, Ecrire, Compter » de la DEPP également. A titre d’illustration, on observe que la France, encore en tête de classement pour l’enquête TIMSS qui concernait les élèves de 4ème nés en 1982, est passée au dernier rang dans l’enquête TIMSS Relative aux élèves de CM1 nés en 2009.

Position relative de la France dans les enquêtes internationales, par année de naissance des élèves

 

Quand on s’intéresse maintenant aux scores des différents groupes de la population afin de savoir si la dégradation est générale ou seulement centrée sur des sous-groupes particuliers, on observe dans un premier temps que la dégradation est générale tout au long de la distribution. Mais une observation plus fine révèle que les meilleurs élèves accusent une baisse de niveau légèrement inférieure à celle de l’ensemble de la distribution (avec même une hausse de niveau dans la récente enquête TIMSS CM1), tandis que les moins bons élèves connaissent une dégradation plus marquée que la moyenne. Le bas de la distribution a davantage subi la perte de compétences en mathématiques que le haut. Les résultats PISA confirment ce diagnostic. En 10ans d’écart, pour les élèves nés en 1985 et 1995, les résultats du décile supérieur sont relativement stables. Mais les résultats du décile inférieur connaissent une dégradation d’à peu près 20%.

Evolution du niveau moyen de compétences en mathématiques dans les évaluations, déciles supérieur et inférieur de la distribution des scores

 

Il y a différentes façons d’appréhender le lien entre degré de compétence en numératie (« capacité à utiliser, appliquer, interpréter et communiquer des informations et des idées mathématiques »). La première manière est de chercher à établir un lien entre les scores moyens de l’enquête PISA et la productivité du travail. En s’appuyant sur différents travaux ainsi que sur leurs propres recherches, les auteurs révèlent une corrélation positive : l’augmentation de l’écart-type des scores PISA se traduirait par une croissance du PIB par tête allant de 1,1 à 1,7 point de pourcentage. La deuxième manière est de partir de l’enquête PIAAC qui, plutôt que d’évaluer les compétences en mathématiques des élèves de 15 ans comme le fait PISA, s’intéresse aux travailleurs, de manière à identifier les problèmes potentiels liés au degré de formation de la force de travail. Là aussi, la conclusion qui semble se dégager est qu’il y a une relation croissante entre les scores PIAAC en numératie et la productivité, tant au niveau des pays que des secteurs d’activité. Les pays les plus développés (Norvège, Japon et Nouvelle-Zélande) obtiennent des scores moyens en numératie plus élevés et se démarquent par une productivité supérieure. Au niveau sectoriel, les secteurs de l’énergie, de la finance et des transports, concentrent des scores moyens en numératie plus élevés que ceux de l’agriculture, de la construction et du commerce, et présentent une productivité moyenne par travailleur plus élevée. Et la dernière manière est de s’appuyer sur des investigations menées au niveau individuel. Selon les estimations des auteurs de l’article, une augmentation de 25 points des scores en numératie se traduit par une augmentation des revenus horaires d’environ 1 ,3% (ce qui reflète une augmentation de la productivité si on admet que le salaire horaire est un bon indicateur de la productivité).

Dans ces conditions, si on peut raisonnablement penser d’une part qu’il y a un lien entre compétences en mathématiques et productivité et d’autre part que le niveau des français en mathématiques ne cesse de se dégrader, comment améliorer la situation française ?  Si on peut toujours s’inspirer des exemples des pays où les réformes conduites ont permis en peu de temps d’améliorer de manière conséquente les scores PISA (comme l’Allemagne et le Portugal), on peut également retenir trois axes de réformes fréquemment retenus. Le premier axe vise à améliorer le fonctionnement des composantes principales de l’école (taille des classes, temps d’apprentissage, qualité des enseignants). Si la réduction de la taille des classes ou l’augmentation des temps d’apprentissage ne semblent pas avoir d’effets significatifs, la qualité des enseignants est en revanche une variable importante pour améliorer l’efficacité des systèmes éducatifs. Le deuxième axe est de modifier les moyens dont bénéficient les élèves. A cet égard, le tutorat est un des outils les plus efficaces d’amélioration des compétences. De ce point de vue, la France accuse un certain retard, qu’il s’agisse du tutorat par les enseignants ou du tutorat par les pairs (mais il faut encore évaluer le dispositif « devoirs faits », développé à partir de 2018, et qui concerne désormais un grand nombre de collégiens. Le troisième axe rassemble les incitations à la production d’efforts de la part des élèves et des enseignants. L’idée est de récompenser les élèves ou les enseignants obtenant les meilleurs résultats au cours d’évaluations. Cela dit, il semble bien que ce type de réforme ne soit pas vraiment approprié afin d’améliorer le niveau de compétences des élèves français.

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