L'industrie automobile américaine : la fin d'un symbole ?

Le marché automobile mondial en situation structurelle de surcapacité

L’industrie automobile mondiale a vu ses capacités de production s’accroître dans des proportions considérables au cours de la dernière décennie. La branche automobile est encore relativement peu concentrée. Elle compte une cinquantaine de producteurs importants. Seuls 17 d’entre eux produisent annuellement plus d’un million de véhicules et les 10 plus grands couvrent 70 % du marché mondial. Les surcapacités sont surtout liées à l’essor récent dans les pays émergents (Chine, Inde, Brésil). Par exemple, en 2000, la Chine avait produit 600 000 véhicules. Elle en a produit 6,4 millions en 2007.

Avec le retournement de la demande en 2008, ces surcapacités se sont aggravées, et le plongeon des ventes sur les premiers mois de 2009 laisse augurer inéluctablement la fermeture des sites les moins rentables, notamment dans les pays du Nord.

Source : JD Power / Merryl Lynch

L’industrie automobile américaine durement secouée par la crise

Le marché intérieur aux Etats-Unis est, et sera pour quelques années encore, le premier marché automobile dans le monde avec un peu plus de 12,5 millions de véhicules particuliers neufs vendus en 2008 (contre 15,5 millions en 2007). Les parts de marchés cumulées des 3 « Big Three » au mois de mars 2009 se montent à 45 % environ, en recul constant depuis quelques années au profit notamment de Toyota, Honda et Nissan. La demande de véhicules avait déjà reculé de manière importante en 2008, la baisse atteignant – 30 % pour Chrysler, -23 % pour General Motors, - 20 % pour Ford et – 16 % pour Toyota.

Malgré des propositions de rabais « historiques » aux acheteurs, le marché a continué de baisser fortement sur les trois premiers mois de 2009, ce qui pose désormais la question de la viabilité à long terme de certains sites de production voire de certaines firmes.

Un modèle industriel inadapté aux enjeux du futur

Au-delà des difficultés conjoncturelles liées à la contraction de la demande engendrée par la récession, les analystes s’accordent à dresser un diagnostic sévère sur l’imprévision des dirigeants de ces grandes firmes.

Michel Drancourt 1 souligne à propos de General Motors : « La direction […] a agi comme si demain devait ressembler à hier ». La culture d’entreprise n’a pas su évoluer, à la fois en termes de perception des tendances du marché et en termes d’organisation industrielle.

Les nouvelles aspirations environnementales s’accordent, par exemple, de plus en plus difficilement avec la production de 4X4 gourmands, gros producteurs de CO 2 .

Sur le plan de la gestion des ressources humaines, malgré de nombreuses réductions d’effectifs, la branche est financièrement pénalisée par la prise en charge, négociée avec le puissant syndicat UAW (United Auto Workers), de la couverture santé des ouvriers retraités, désormais plus nombreux que les actifs.

Le plan de la dernière chance ? 

Si Ford a renoncé à demander l’aide du gouvernement fédéral et semble devoir surmonter seul la tourmente actuelle, Chrysler et General Motors ont, eux, reçu des aides massives d’urgence qui leur ont évité, jusqu’à présent les procédures de faillite. La nouvelle administration américaine a cependant posé des conditions draconiennes à toute intervention supplémentaire.

Le sort de Chrysler est désormais scellé. Le plan proposé par l’Administration fédérale prévoyait une restructuration de la dette obligataire de l’entreprise, les créanciers acceptant de n’être indemnisés qu’à hauteur de 33 % du montant de leurs créances. Ce dernier point a été refusé par quelques créanciers récalcitrants. Dans ces conditions, l’entreprise a été placée « sous la protection de la loi sur les faillites ». Une solution industrielle est en voie de conclusion avec l’italien Fiat. Cette solution a été rendue possible par l’accord conclu avec le syndicat UAW sur des modifications de la convention collective et des avantages sociaux des salariés, en échange d’une participation majoritaire du syndicat dans le capital du nouveau groupe, alors que Fiat en contrôlerait 20 %.L’Etat fédéral injecterait 8 milliards de dollars contre une prise de participation dans le capital du nouveau groupe.

Avec une date butoir au 1er juin, General Motors négocie actuellement une restructuration d’une partie de sa dette (27 Milliards de dollars) fondée sur le même principe : les créanciers seraient indemnisés pour 38 % du montant de leurs créances et l’Etat fédéral convertirait la moitié de ses créances en actions du groupe. Enfin UAW reprendrait la gestion de la couverture santé des retraités en échange du contrôle d’une partie du capital. L’Etat fédéral et UAW devraient contrôler 89 % du capital, les créanciers 10 %, et les actuels actionnaires ne représentant plus que 1 %. Opel, la filiale allemande de General Motors, pourrait être vendue à Fiat.

Les conséquences industrielles de ces plans sont encore imprécises mais devraient se traduire par la fermeture de plusieurs dizaines de sites de production et de concessions commerciales sur le territoire américain et à l’étranger.

Note

  1. Voir l’article de Michel Drancourt dans la revue Futuribles n° 351  Avril 2009.

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