France Soir et Libération depuis 2002

Libération : nouvel actionnaire, nouveau PDG

Le quotidien Libération a été fondé en 1973 par Serge July, avec le soutien de Jean-Paul Sartre. Après des premières années difficiles, le journal connaît des années fastes entre 1980 et 1990. La crise est récurrente depuis cette époque, mais atteint ces dernières années une ampleur inédite. Pour la première fois, Libération va accueillir un investisseur motivé non pas par des raisons politiques ou sentimentales vis-à-vis du quotidien, mais par des intérêts économiques. Ce basculement va se traduire par un changement de direction et par un rééquilibrage des pouvoirs au sein de l'entreprise, en faveur de l'actionnaire et au détriment des personnels.
 

2002

Les pertes d'exploitation du journal atteignent 1,7 millions d'euros en 2002, contre 7 millions d'euros en 2001, grâce à un plan drastique de réduction des coûts. En moyenne sur l'année, la diffusion France payée s'élève à 156 077 exemplaires par jour. Le 22 avril 2002, lendemain du premier tour de l'élection présidentielle marqué par la qualification de Jean-Marie Le Pen, le quotidien se vend à 701 000 exemplaires, confirmant sa position de premier titre de la presse quotidienne de gauche militante.
Les abonnements ont baissé de 3 % entre le premier trimestre 2001 et le premier trimestre 2002.
 

2003

Janvier

Serge July, PDG du journal, annonce son intention de rechercher de nouveaux partenaires industriels pour relancer le titre. Mais l'arrivée de nouveaux actionnaires est conditionnée à l'acceptation par le personnel, qui détient une minorité de blocage.

Mai

Le quotidien fête ses trente ans.

Septembre

Les ventes de l'été ont augmenté de 10 %.
L'entreprise publie ses résultats du premier semestre. Le résultat d'exploitation est tout juste à l'équilibre, pour la première fois depuis longtemps.

Octobre

Le quotidien lance sa nouvelle formule, davantage orientée magazine.
Serge July annonce que son journal a besoin de 25 millions d'euros pour son développement à moyen terme. De nouveaux actionnaires sont recherchés, les actionnaires actuels (en particulier Pathé et le fonds d'investissement 3i) ne souhaitant pas rallonger leur participation. Le développement de Libération passerait par le démarchage de nouveaux abonnés, par des opérations de croissance externe et par l'enrichissement de l'offre éditoriale avec la création de nouveaux suppléments.
La diffusion France payée pour l'année 2003 est en baisse, à 151 308 exemplaires.

2004

Mai

L'entreprise publie ses comptes. Elle enregistre son premier bénéfice net d'exploitation depuis 2000. Mais les dettes du groupe demeurent deux fois supérieures aux fonds propres.

Août

Dans un entretien accordé à un quotidien italien, l'homme d'affaires Vincent Bolloré déclare son intérêt pour Libération.

Décembre

C'est finalement avec le banquier Edouard de Rothschild que la direction de Libération ouvre des négociations exclusives en vue d'une augmentation de capital. L'ensemble des actionnaires (dont les personnels) ont autorisé le PDG du journal à entamer ces discussions. Pour obtenir l'aval des salariés, Edouard de Rothschild s'est engagé à maintenir leur minorité de blocage. L'homme d'affaires investirait 20 millions d'euros dans le capital, en détenant ainsi 37 %. Il accepte que ses droits de vote soient limités à 40 % même en cas d'augmentation de sa participation. Il garantirait par ailleurs la présence de Serge July jusqu'en 2012.
La diffusion du titre chute à 139 957 exemplaires par jour en moyenne sur l'année 2004.

2005

Janvier

Les syndicats de l'entreprise se mobilisent contre l'arrivée d'Edouard de Rothschild. Ils rejettent son plan d'économies et s'inquiètent de ses orientations politiques, contraires d'après eux à celles du quotidien de gauche. Mais le personnel vote finalement en faveur de l'arrivée de ce nouvel actionnaire.

Avril

Les négociations s'achèvent avec Edouard de Rothschild. Le conseil d'administration valide l'entrée de celui-ci au capital, avec 20 millions d'euros et 38,87 % des droits de vote. D'autres actionnaires, très minoritaires, investiront dans Libération. Le conseil d'administration est renouvelé. Le directeur général et co-gérant du journal, Evence-Charles Coppée, démissionne. Il estime sa mission accomplie.

Septembre

Serge July annonce un plan de restructuration pour le mois de novembre. Les pertes d'exploitation pour l'année 2005 seraient de 6 à 7 millions d'euros. Serge July annonce que le quotidien doit s'orienter vers le « bi-média » et réaliser la complémentarité entre le web et le papier. 40 à 80 postes sur 330 pourraient être supprimés.

Novembre

Le personnel du quotidien se met en grève une journée au début du mois, puis quatre journées consécutives à la fin du mois, pour protester contre le plan de réduction des effectifs, portant sur 52 emplois.

Décembre

Le personnel vote une motion de défiance à l'encontre de la direction du quotidien, mais s'oppose quelques jours plus tard à un départ de Serge July.
La diffusion du titre chute à 136 921 exemplaires par jour en moyenne sur l'année 2005.

2006

Mai

Serge July annonce la création d'un supplément du week-end, Ecrans, censé rehausser de 7 % les ventes du samedi.
Les pertes sur le premier semestre s'élèveraient à 4,5 millions d'euros.

Juin

Un nouveau tour de table financier est en vue, portant sur 10 à 15 millions d'euros. Edouard de Rothschild, après avoir déclaré qu'il n'était pas intéressé par une augmentation de sa participation, décide finalement de prendre le pouvoir au sein du quotidien. Il obtient le départ de Serge July, fondateur du titre. Il pose également la question des pouvoirs de la société civile des personnels de Libération.
Une direction provisoire est nommée, en attendant l'arrivée d'un successeur à Serge July. Deux noms circulent : celui d'Edwy Plenel, ancien directeur de la rédaction du Monde, et celui de Laurent Joffrin, ancien directeur de la rédaction de Libération et actuellement en poste au Nouvel Observateur.
Les pertes du premier semestre s'élèvent finalement à près de 6 millions d'euros.

Septembre

Alors que Edouard de Rothschild n'a toujours pas trouvé la personne adéquate pour diriger le journal, il présente ses conditions pour réinvestir. Il demande en particulier que les droits de la Société Civile des Personnels de Libération (SCPL) en matière de désignation du PDG et de composition du capital soient remis en question. Son plan de relance prévoit par ailleurs la suppression de 100 postes et l'externalisation du site Internet (rentable).

Octobre

Le quotidien est placé en procédure de sauvegarde par le Tribunal de Commerce (les créances sont gelées pour une période donnée, ce qui redonne un peu de marge de manœuvre financière).
Edwy Plenel bâtit un contre-projet de relance avec certains salariés du quotidien, basé sur des départs volontaires, une réduction de la pagination et des réductions temporaires de salaires. Edouard de Rothschild désapprouve ce projet.

Novembre

Avant le conseil d'administration censé se prononcer sur le plan Plenel, Edouard de Rothschild parvient à convaincre Laurent Joffrin de porter son projet. Celui-ci démissionne du Nouvel Observateur et parvient à faire entériner le plan Rothschild par la SCPL. Laurent Joffrin devient PDG et, temporairement, directeur de la rédaction. 76 postes sont supprimés.

Décembre

Un premier vote a lieu sur la modification des statuts, limitant les pouvoirs de la SCPL. La majorité n'est pas atteinte.

2007

Janvier

Une majorité est cette fois atteinte sur la modification des statuts restreignant les pouvoirs de la SCPL. Les salariés perdent ainsi leur droit de veto. Libération, jusqu'alors SARL, devient une société anonyme avec un directoire et un conseil de surveillance. Cette modification est essentielle : les actionnaires d'une SA, contrairement aux associés d'une SARL, ne peuvent s'opposer à l'entrée d'un tiers dans le capital.
L'augmentation de capital de 15 millions d'euros est effective. Edouard de Rothschild injecte 5,8 millions d'euros supplémentaires, Carlo Caracciolo (fondateur du quotidien italien La Repubblica) 1,5 millions d'euros, Pathé (actionnaire historique de Libération) 1,2 millions d'euros. Certaines personnalités emblématiques (dont Pierre Bergé et Bernard-Henri Lévy) font leur entrée au capital. Edouard de Rothschild table sur un retour à l'équilibre en 2008.


 

France Soir : de la mort clinique à la respiration artificielle

France Soir a été fondé en 1944 et rapidement pris en main par le journaliste Pierre Lazareff. Il fut longtemps le quotidien populaire de référence. Son tirage dépassera le million d'exemplaires quotidiens dans les années 1960. Depuis, il connaît un déclin constant. Il frôle la disparition en 2005, avant d'être repris par un homme d'affaires.

2002

France Soir est, au début de l'année 2002, détenu par Presse Alliance, elle-même propriété depuis 2000 de l'entreprise italienne Poligrafici Editoriale.

Janvier

Presse Alliance se scinde en deux entités, une éditoriale et l'autre pour l'imprimerie. Le quotidien baisse son prix de vente, réduit sa pagination et lance une édition dominicale pour enrayer l'érosion de ses ventes. Jean-Luc Leray est nommé directeur de la rédaction.

Février

Un accord est trouvé avec le quotidien gratuit Métro, qui sera fabriqué dans les imprimeries de France Soir.

Mai

La Socpresse, détentrice du Figaro, acquiert 1 % du capital de Poligrafici Editoriale, le groupe éditeur de France Soir. La Socpresse est l'héritière du groupe constitué par Robert Hersant, ancien détenteur de France Soir. Le holding HDP, qui détient notamment le quotidien italien Il Corriere della Serra, acquiert pour sa part 7 % du capital.

Juin

France Soir lance un supplément hebdomadaire parisien.
Septembre
Face au plan d'économies annoncé par la direction, le personnel se met en grève. Le quotidien ne paraît pas durant dix jours. Un nouveau projet est finalement présenté par la direction, qui prévoit la sauvegarde des effectifs. Le ministère de la Culture et de la Communication annonce le versement d'une aide de deux millions d'euros au titre.

Octobre

L'assemblée générale de Presse Alliance se réunit pour décider de l'avenir de France Soir, dont les pertes atteignent 1 million d'euros par mois. Les actionnaires décident d'une relance du quotidien, dont la responsabilité est confiée au journaliste et animateur Philippe Bouvard. Des négociations sont en cours avec le groupe de communication Publicis, appelé à investir dans le titre.
Fin 2002, la diffusion France payée atteint 77 413 exemplaires en moyenne par jour.

2003

Février

Le quotidien lance une nouvelle formule, baptisée France Soir +, avec une nouvelle maquette et un contenu réorienté vers l'actualité de la télévision.

Septembre

En réponse à des rumeurs parues dans la presse, la direction du quotidien précise que celui-ci n'est pas à vendre et ne sera pas transformé en quotidien gratuit.
André Bercoff devient directeur de la rédaction.
Fin 2003, la diffusion France payée atteint 70 380 exemplaires en moyenne par jour.

2004

Juillet

Le groupe Poligrafici Editoriale annonce la cession de 51 % du capital de Presse Alliance à la Financière Hoche, filiale du groupe VME Patrimoine présidé par Jean-Pierre Brunois pour 7 millions d'euros. Les syndicats du quotidien, déplorant le manque d'information entourant l'opération, déclenchent une procédure de droit d'alerte, qui leur permet d'avoir accès aux éléments essentiels de la cession.

Août

Jean-Pierre Brunois ne se présente pas au conseil d'administration censé agréer le changement d'actionnaire. La cession est donc annulée.
L'intersyndicale de France Soir adresse une lettre au Premier ministre, sollicitant son intervention pour trouver une solution préservant l'avenir du quotidien. Les pertes s'élèvent à 500 000 euros par mois.

Octobre

Poligrafici Editoriale annonce la cession de 70 % du capital de Presse Alliance à Raymond Lakah, par ailleurs président de la compagnie aérienne Air Horizon. Raymond Lakah reprend les dettes du journal et présente un plan de reprise. Valérie Lecasble devient directrice de la rédaction. La relance éditoriale du titre est préparée par Jean-François Kahn, fondateur de L'Evénement du jeudi puis de Marianne. Raymond Lakah prévoit de relancer Presse Alliance par la multiplication des titres, et notamment une édition internationale en anglais ainsi qu'un mensuel. Il veut gagner 25 000 exemplaires quotidiens de France Soir en 2005.

Décembre

Le directeur général de Presse Alliance Michel Godmer quitte ses fonctions.
Fin 2004, la diffusion France payée atteint 62 097 exemplaires en moyenne par jour.

2005

Janvier

La nouvelle formule de France Soir arrive dans les kiosques. La pagination est en hausse, le contenu est réorienté vers l'actualité sportive.

Mars

La version anglaise de France Soir sort.

Août

France Soir ne paraît plus dans le sud de la France, en raison d'un conflit avec l'imprimeur.

Septembre

Raymond Lakah quitte ses fonctions de PDG de France Soir. Il est remplacé par Jacques Lefranc. Celui-ci doit élaborer un plan de sauvegarde du quotidien.

Octobre

France Soir est placé en redressement judiciaire. Les repreneurs intéressés ont jusqu'au 30 décembre pour présenter leur offre de reprise.

Novembre

Raymond Lakah fait l'objet d'une instruction judiciaire pour les conditions de reprise de Air Horizons.
L'Etat accorde au quotidien 2,2 millions d'euros d'aides financières.

Décembre

Le tribunal de commerce s'intéresse de près à la gestion de Presse Alliance par Raymond Lakah. Le dossier est transmis à la brigade financière.
Raymond Lakah dépose un plan de continuation de France Soir, prévoyant 35 suppressions de postes et le passage de France Soir en gratuit. Les salariés sont hostiles à ce plan. Il y renonce finalement.
Fin décembre, trois offres ont été déposées : une par Georges Ghosn, qui avait cédé le titre à Poligrafici Editoriale, une par Jean-Pierre Brunois, qui avait failli acquérir le titre un an plus tôt, et une par Vincent Lalu, directeur des éditions La Vie du rail. Le tribunal diffère en janvier la date limite de remise des offres.
Fin 2005, la diffusion France payée atteint 50 633 exemplaires en moyenne par jour.

2006

Janvier

Une société luxembourgeoise ainsi qu'André Bercoff, toujours vice-président de Presse Alliance, préparent chacun une offre de reprise. La date limite est repoussée au mois de février.

Février

France Soir est le premier journal français à publier les caricatures de Mahomet, initialement publiées dans un quotidien danois et à l'origine d'une flambée d'indignations dans le monde musulman. Raymond Lakah limoge le directeur de la publication, Jacques Lefranc, qui est remplacé par Eric Fauveau. Celui-ci démissionne quelques jours plus tard et présente à son tour une offre de reprise.
Fin février, six offres ont été déposées. Vincent Lalu a finalement renoncé à présenter son offre, faute de financeurs. André Bercoff n'a finalement pas présenté de projet. Restent donc en lice Jean-Pierre Brunois, Eric Fauveau, Georges Ghosn et la société luxembourgeoise ICM, en association avec un groupe alimentaire. S'y ajoutent l'homme d'affaires franco-algérien Prosper Amouyal, ainsi que Euro Médias France. Cette dernière offre a été préparée avec le soutien de journalistes de renom, dont Paul Wermus et Gérard Carreyrou. La désignation du repreneur est attendue pour le 16 mars. Presse Alliance est autorisée à poursuivre la publication du quotidien jusqu'à cette date.

Mars

Début mars, Georges Ghosn retire son offre.
La veille de la décision du tribunal, Raymond Lakah cède Montaigne Presse, qui détient 70 % du capital de Presse Alliance, au milliardaire russo-israëlien Arcadi Gaydamak. Celui-ci fait l'objet d'un mandat d'arrêt international de la part de la justice française pour son rôle dans le trafic d'armes vers l'Angola. M. Gaydamak s'engage à éponger les dettes du journal, à conserver tous les salariés et à proposer un plan de relance, par le biais de ses avocats, au tribunal de commerce.
Le lendemain, Euro Médias France retire son offre. Il reste donc cinq candidats en lice. Le tribunal diffère sa décision au 29 mars, puis au 7 avril.
La diffusion du quotidien chute sous la barre des 40 000 exemplaires.

Avril

Les salariés du quotidien affichent leur préférence pour le projet de Arcadi Gaydamak. Mais le tribunal, faute de garanties suffisantes de la part de ce dernier, en décide autrement. Il confie le sort de France Soir à Jean-Pierre Brunois. Celui-ci s'est appuyé sur le journaliste sportif Olivier Rey, qui doit apporter 20 % des capitaux nécessaires à la relance. Les salariés de France Soir entament une grève illimitée contre un projet qui prévoit de ne garder que 51 personnes sur 112 pour faire un journal centré sur l'actualité people, le sport et les faits divers. Presse Alliance et son comité d'entreprise font appel de la décision du tribunal de commerce.
France Soir ne reparaîtra pas au mois d'avril.

Mai

Jean-Pierre Brunois, qui a longtemps cherché à contourner les grévistes pour faire paraître le titre, change de technique. Il rencontre les syndicats, propose de maintenir sept emplois de plus, revient sur sa décision de supprimer les pages politiques et culturelles et écarte Olivier Rey, très contesté par les personnels du quotidien. Il restera actionnaire, mais ne sera pas impliqué dans la rédaction.
La cour d'appel confirme la décision du tribunal de commerce nommant Jean-Pierre Brunois repreneur. Une reparution du quotidien est annoncée pour le mois de juin.
Raymond Lakah est mis en examen pour abus de biens sociaux dans le cadre de ses anciennes fonctions à France Soir.

Juin

Le 7 juin, France Soir nouvelle formule est de nouveau publié, après deux mois d'absence (neuf dans le sud de la France). L'objectif est modeste : atteindre 50 000 exemplaires en trois ans et l'équilibre financier en 2008.
 

Conclusion provisoire

Libération et France Soir ont donc tous les deux frôlé la disparition, avant de trouver une issue, dont les prochaines années diront si elle était pérenne.
Au-delà de toutes les différences qui séparent ces deux journaux, certaines similitudes sont riches d'enseignements pour mieux comprendre l'économie de la presse écrite. Voici trois conclusions, non exhaustives, découlant des événements récents ayant secoué ces deux journaux.

1/ La valeur symbolique d'un journal dépasse largement sa valeur économique. Ces deux entreprises n'auraient sans doute pas attiré autant d'investisseurs potentiels si elles n'avaient pas eu pour objet social de contribuer à la formation de l'opinion. L'exemple le plus frappant est sans aucun doute celui de l'entrée en lice de Gaydamak dans la reprise de France Soir : il n'en attendait assurément pas de gain financier, mais cherchait probablement à travers cet investissement à infléchir l'attitude de la France à son endroit.

2/ Pourtant, cette dimension tend à s'effacer progressivement, sous l'ampleur d'une crise d'une ampleur inédite, dont la durée laisse à penser qu'il s'agit plus d'un problème structurel que conjoncturel. Héritières de 1945, comme France Soir, ou de 1968, comme Libération, les entreprises de presse s'étaient constituées autour de principes non pas autogestionnaires, mais laissant un pouvoir aux salariés (et en particulier aux journalistes) nettement supérieur à celui des entreprises traditionnelles. L'exemple de Libération et dans une moindre mesure de France Soir est éloquent : les entreprises de presse retrouvent une certaine normalité économique, perdent une large part de leur pouvoir de décision et laissent plus de marge de manoeuvre à l'actionnaire de référence.

3/ Confrontés à une crise d'une ampleur inédite, sans doute plus structurelle que conjoncturelle, les entreprises de presse rentrent dans une certaine normalité économique. Leurs dirigeants semblent attendre de leur investissement une rentabilité à moyen terme, et non un quelconque gain en termes d'influence, de prestige ou de pouvoir. Cette attitude est assez nette pour Jean-Pierre Brunois, peut-être moins manifeste pour Edouard de Rothschild. Son plan de réformes pour Libération, orienté vers un retour à l'équilibre, ressemble toutefois davantage au redressement économique consécutif à la reprise d'une entreprise qu'à la recherche d'une influence politique ou intellectuelle (contrairement par exemple à l'exemple de l'industriel d'extrême droite François Coty, dans les années 30, qui avait racheté Le Figaro pour défendre ses idées politiques). Les entreprises de presse sont-elles en passe de devenir des entreprises comme les autres ?


Synthèse réalisée à partir des sites Internet (archives) du Monde et des Echos, ainsi que de Wikipedia (pour l'historique des journaux) et de l'OJD pour les chiffres de diffusion.
 

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