RMI, l'état des lieux

Lelièvre Michèle ; Nauze-Fichet Emmanuelle

 

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L'ouvrage

A l'heure où le revenu minimum d'insertion (RMI) pourrait être remplacé par le revenu de solidarité active (RSA), l'ouvrage dirigé par Michèle Lelièvre et Emmanuelle Nauze-Fichet propose un bilan de cette institution vieille de vingt ans et décrit son évolution depuis l'adoption à l'unanimité en décembre 1988 par l'Assemblée nationale jusqu'à sa remise en cause récente, moins dans son principe que dans ses modalités d'application.

Lors de sa création, en effet, le RMI bénéficie d'un très large soutien de l'opinion publique et de la classe politique. Il s'inscrit alors dans un contexte de montée du chômage depuis le début des années 80 et d'apparition de nouvelles formes de pauvreté, décrites à travers des enquêtes sociologiques, des rapports publics et des articles de journaux. Le système français de protection sociale, avec pour principal pilier la Sécurité sociale, semble inadapté aux nouveaux enjeux. Le RMI rompt, à bien des égards, avec la tradition héritée de 1945. Le système n'est pas mutualiste, mais universel. Il constitue un droit, mais entraîne dès l'origine des devoirs, en particulier en matière de recherche d'emploi ou d'action d'insertion professionnelle. Le vote à l'Assemblée nationale donne lieu à plusieurs arbitrages essentiels. Le niveau jugé raisonnable, même s'il relève du domaine réglementaire et non législatif, est estimé à 2 000 francs, afin de ne pas télescoper le SMIC. La majorité, contre l'avis de l'opposition, choisit par ailleurs de développer une prestation nationale, gérée par les Caisses d'allocations familiales. Les moins de 25 ans sont exclus du système, les Pouvoirs publics comptant sur d'autres prestations (qui ont disparu depuis) ainsi que sur la solidarité familiale. Enfin, la question des devoirs fait l'objet de nombreux débats, le texte optant dès l'origine pour une obligation d'insertion. Le dispositif connaît, dès le début des années 90, des ajustements, notamment pour le mettre en cohérence avec d'autres minima sociaux. Il sera en fait constamment réformé, jusqu'à la décentralisation adoptée en 2003.
 

Panorama statistique

Outre ces rappels historiques et législatifs, l'ouvrage propose un panorama statistique utile du RMI. Au 31 décembre 2006, 1,5 million de foyers percevaient le RMI, doit 2,5 millions de personnes ou encore 4 % de la population française. Ce dernier filet de la protection sociale, qui intervient lorsque les droits au chômage sont épuisés ou non ouverts (trop courte période de travail) représente 1 % des dépenses de protection sociale et 0,5 point du PIB.
Le caractère universel de la prestation conduit à une très grande hétérogénéité des bénéficiaires. Les femmes sont plus nombreuses (52 %), sachant qu'elles sont aussi plus nombreuses parmi la population pauvre (54 %). En termes d'âge, la répartition est relativement équilibrée, avec toutefois un pic pour la tranche 30-39 ans (30 % des bénéficiaires). Les personnes seules représentent 57 % des allocataires. Un tiers des bénéficiaires n'a aucun diplôme, tandis que les diplômés du supérieur ne représentent que 12 % de l'ensemble. Les causes, enfin, sont largement liées au marché du travail : 24 % des bénéficiaires sont entrés dans le dispositif directement après la perte de leur emploi et 20 % à échéance de leurs indemnités chômage. Jean-Luc Outin, dans sa contribution, souligne l'ambigüité qui s'est progressivement développée autour du RMI : "Conçu d'abord comme un instrument de lutte contre la pauvreté, [le RMI] deviendrait une troisième composante de l'indemnisation du chômage. Dans ce cas, il se substituerait alors à l'indemnisation pour les chômeurs dont la référence de durée d'emploi est insuffisante pour accéder à une couverture assurancielle et servirait de relais à ceux qui ont une indemnisation de courte durée " (p. 109).
L'ouvrage propose en outre un bref tableau des conditions de vie des bénéficiaires du RMI. Il ressort de ces données relativement peu connues que le RMI ne conduit pas à une diminution forte du nombre de personnes pauvres en France, mais qu'il réduit en revanche assez sensiblement l'intensité de la pauvreté.
 

Questionnements sur l'insertion

Cet aspect est au demeurant peu contesté. Les articles de RMI, l'état des lieux relatifs à l'opinion publique montrent que la pauvreté reste un souci constant dans la population française. Mais c'est bien plutôt le mécanisme aujourd'hui largement entré dans le vocabulaire courant de "trappe à pauvreté " qui fait l'objet d'interrogations nombreuses. Plusieurs éléments contenus dans cet ouvrage permettent d'alimenter une réflexion équilibrée sur le dispositif.
Tout d'abord, il n'apparaît pas, au regard des enquêtes sociologiques, que le comportement des allocataires eux-mêmes constitue un frein vers le retour à l'emploi. Beaucoup d'entre eux souhaitent en effet retrouver leur place sur le marché du travail, en particulier pour améliorer leur niveau de vie. Mais la structure de ce marché, qui connaît depuis plusieurs décennies un niveau de chômage élevé, ne permet pas à un grand nombre d'allocataires du RMI de s'éloigner durablement du rivage de la pauvreté. La forte présence des temps partiels, notamment, conduit à ce que plus de deux tiers des personnes sorties du dispositif récemment ne gagne pas plus de 1 000 euros, soit un écart relativement faible avec le RMI auquel s'ajoutent différents avantages et prestations qu'il est assez délicat d'évaluer, même si l'ouvrage propose une synthèse intéressante de l'imbrication des différents dispositifs publics d'aide.
En second lieu, il faut garder à l'esprit que, dès la création du RMI, cet écueil a été pris en compte. Non seulement le montant du RMI a été déterminé en fonction du SMIC, afin de ne pas en représenter une proportion trop importante, mais en plus deux mécanismes ont été développés. Le premier consiste à orienter les allocataires du RMI vers l'emploi par des actions d'insertion, le second à éviter les ruptures trop nettes et donc à prolonger une partie des indemnités durant les premiers temps du retour à l'emploi, afin que celui-ci soit assimilé à une véritable amélioration des conditions matérielles.
Le volet insertion du RMI a été constamment revu depuis 1988. Il s'appuie sur trois leviers principaux : la désignation d'une personne référente pour accompagner les allocataires vers l'emploi, la signature d'un contrat d'insertion et la mise en place d'actions d'insertion. Il ressort des différentes enquêtes auxquelles se réfère cet ouvrage que, si 77 % des allocataires bénéficient d'au moins l'un des trois dispositifs, ils ne sont que 20 % à être concernés par les trois. Le parcours d'insertion s'arrête dans bien des cas à la désignation d'un référent, sans que d'autres mesures leur aient été proposées. En outre, si ces mécanismes ont bien un effet positif sur le retour à l'emploi de leurs bénéficiaires, il faut souligner que les personnes qui en auraient le plus besoin ne sont pas celles à qui elles sont proposées en priorité. Les plus de 50 ans, ceux qui sont depuis plus de 5 ans dans le RMI ou encore ceux qui ont un faible niveau d'études bénéficient moins que les autres de ces aides à l'insertion professionnelle.

Par ailleurs, depuis 1988, les Pouvoirs publics ont fait évoluer les mécanismes incitant au retour à l'emploi. Depuis la création existe un volet «  intéressement " dans le RMI, qui permet durant une période relativement courte de continuer à percevoir une partie du RMI en complément d'un salaire. Par ailleurs, la prime pour l'emploi (PPE) créée en 2001 et revalorisée depuis, ainsi que la prime de retour à l'emploi (PRE), créée en 2005, contribuent à revaloriser les revenus du travail. La première est un impôt négatif, destiné aux travailleurs les moins rémunérés, tandis que la seconde se présente sous forme d'une prestation forfaitaire, de 1 000 euros, versée la première année de retour à l'emploi. Ces différents dispositifs sont destinés à lisser les effets de seuil. Ils reviennent en pratique à les retarder de quelques mois, mais ne répondent pas durablement à la question fondamentale de l'écart entre revenus du travail et revenus de la protection sociale.

L'ouvrage de la DREES propose donc une rétrospective de vingt années de RMI riches d'enseignements. Le RMI a ainsi été un dispositif utile pour limiter la grande pauvreté et garantir une ultime protection aux personnes sorties des dispositifs traditionnels de l'Etat-Providence. Mais en dépit de nombreux ajustements, il n'a pas totalement évité le piège de la trappe à pauvreté et n'a pas systématisé l'orientation vers l'insertion professionnelle des allocataires. Ces lacunes, mises en évidence par la recherche et la statistique, permettront de mieux préparer le revenu de solidarité active (RSA), appelé à remplacer dans les prochains mois de nombreux minima sociaux tout en favorisant un retour rapide vers le marché du travail.

 

Les auteurs

Michèle Lelièvre et Emmanuelle Nauze-Fichet sont respectivement responsable-adjoint et responsable du bureau "Lutte contre l'exclusion " de la DREES.

Contributeurs : Marie Anguis, Cyprien Avenel, Sophie Cazain, Laurent Cytermann, Thomas Deroyon, Cécile Dindar, Michel Dollé, Stéphane Donné, Marie-Thérèse Espinasse, Bertrand Fragonard (préface), Marie Hennion, Gautier Maigne, Benoît Mirouse, Jean-Luc Outin, Anne Pla, Julien Pouget, Layla Ricroch, Olivia Sautory et Michel Thierry.

 

Table des matières

Présentation
Préface,
par Bertrand Fragonard
Introduction générale, par Michèle Lelièvre et Emmanuelle Nauze-Fichet

I / Cadrage historique et législatif - 1. Les grandes étapes de l'histoire du RMI, par Laurent Cytermann et Cécile Dindar - 2. Le dispositif du RMI

II / Les bénéficiaires du RMI et leurs conditions de vie Introduction -

1. Les bénéficiaires du RMI : des profils et des parcours passés très divers, par Marie Anguis 

2. Les effectifs du RMI: tendances d'évolution et répartitions territoriales, par Sophie Cazain, Stéphane Donné, Marie Hennion et Emmanuelle Nauze-Fichet 

3. Le RMI et l'indemnisation du chômage, par Jean-Luc Outin 

4. Le niveau de vie des bénéficiaires du RMI, par Benoît Mirouse et Julien Pouget 

5. Les conditions de vie des allocataires du RMI, par Anne Pla

III / L'accompagnement vers l'insertion et le retour à l'emploi Introduction -

1. Sortie du RMI et accès à l'emploi, par Anne Pla -

2. L'influence des incitations financières sur le retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI, par Thomas Deroyon, Marie Hennion, Gautier Maigne et Layla Ricroch 

3. L'accompagnement des allocataires du RMI dans leur parcours d'insertion, par Anne Pla 

4. Insertion ou contrepartie: le RMI et la justice sociale, par Michel Dollé

IV. La mise en place de la décentralisation du RMI 

Introduction 

1. L'organisation du RMI dans le cadre de la décentralisation, par Cyprien Avenel, Stéphane Donné et Olivia Sautory 

2. Orientations récentes des politiques d'insertion des conseils généraux, par Olivia Sautory 

3. La décentralisation du RMI : responsabiliser les départements, mais pas seulement les départements, par Michel Thierry

V / Les opinions sur le dispositif -

1. Les opinions des Français sur la pauvreté et le RMI, par Marie-Thérèse Espinasse et Olivia Sautory 

2. Regards des bénéficiaires de minima sociaux sur le travail, le chômage et les allocations,par Emmanuelle Nauze-Fichet

Conclusion

 

Quatrième de couverture

En 1988, la création du revenu minimum d'insertion (RMI) a marqué un réel tournant dans l'évolution du système français de protection sociale. Dernier filet de sécurité pour assurer un revenu minimum aux personnes les plus démunies et jusqu'alors exclues du système, il a constitué une véritable innovation en organisant, parallèlement au versement d'une allocation, l'insertion des personnes concernées. Il est entré en 2008 dans sa vingtième année, avec la perspective de mise en place d'un revenu de solidarité active (RSA) à l'horizon 2009 : celui-ci peut ouvrir à des changements majeurs s'incarnant dans une réforme globale des minima sociaux et des politiques d'insertion qui les accompagnent.
S'appuyant sur les dernières enquêtes statistiques et données administratives disponibles, cet ouvrage apporte des éclairages sur les publics bénéficiaires du RMI. Il permet de faire le point sur différents aspects au cœur des débats qui entourent la préparation du RSA : niveaux de vie et conditions de vie des bénéficiaires du RMI, parcours des populations concernées, efficacité des dispositifs mis en place pour permettre leur insertion sociale et professionnelle, résultats de la décentralisation du dispositif depuis 2004.
Cet ouvrage est coordonné par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), qui a lancé plusieurs enquêtes statistiques sur le sujet et participe à l'évaluation et au suivi des statistiques des effets de la décentralisation.

 

 

 

 

 

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