Le contrat de travail

Centre d'études de l'emploi

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L'ouvrage

Pour point de départ, cet ouvrage collectif rédigé par des économistes, des chercheurs et des praticiens du management, des juristes et des sociologues, retient les propositions récentes de réforme du contrat de travail, en particulier la création d'un contrat de travail unique. Il s'attache à dresser un état des lieux tout à la fois des pratiques et de l'esprit réglementaire pour ce qui concerne le contrat de travail, avant d'ouvrir la discussion sur son éventuelle réforme.

Matière politiquement sensible, le contrat de travail a fait l'objet de tellement d'aménagements et d'innovation qu'il semble en mutation permanente. Le texte d'Evelyne Serverin atteste bien de ce mouvement perpétuel. Créé au 19ème siècle sur le fondement du code civil, le contrat de travail a connu de multiples réformes. Parmi les plus importantes, il faut citer la création du contrat à durée déterminée, inscrit par la loi en 1972 mais en réalité instauré dès la fin des années 60 par un accord entre la CGT et Manpower, ainsi que l'alourdissement progressif des procédures de licenciement, au fur et à mesure de la montée du chômage. Outre le CDI et le CDD, plusieurs contrats spécifiques ont été créés, afin notamment de favoriser l'insertion professionnelle des publics en difficulté.

En agents économiques rationnels, les entreprises ont appris à évoluer dans cet univers complexe et très réglementé. L'ouvrage attire l'attention sur la montée, ces dernières années, des licenciements pour motif personnel, soumis à une procédure bien plus légère que le licenciement pour motif économique. De plus, s'il représente dans le stock des contrats de travail une part relativement modérée, le CDD constitue une part significative des nouvelles embauches dans les entreprises.

Ce rapide panorama, assis sur des données statistiques et des analyses économétriques citées dans l'ouvrage, doit désormais faire l'objet d'une analyse économique approfondie. En premier lieu, et sans guère de contestation possible, il apparaît que la législation protectrice en matière de licenciements n'a pas véritablement atteint son but. Ne portant que sur le CDI, puisque le CDD s'éteint de lui-même sans qu'il soit nécessaire d'engager une quelconque démarche, la procédure prévue poursuit plusieurs objectifs. Elle vise tout d'abord à respecter le principe du contradictoire et à permettre au salarié de répondre aux arguments de l'employeur. Ce point-là, prévu dans les conventions internationales, ne peut être mis en question, puisqu'il résulte de la transcription dans la relation de travail des fondements de l'Etat de droit. Mais la procédure de licenciement pour motif économique a également poursuivi, jusqu'à une période récente, l'objectif de limiter les possibilités de rupture du contrat de travail. Comme le rappellent quelques encadrés très pédagogiques dans cet ouvrage, les dispositions législatives ont été largement complétées par une jurisprudence abondante, qui n'autorise que dans certains cas très précis un licenciement pour motif économique. Toutefois, cette procédure relativement contraignante (dont le poids exact est expliqué en fonction de la taille de l'entreprise et du nombre de licenciements dans l'article de Myriam Bobbio) a été contournée par les entreprises. Le CDD est en effet en partie utilisé pour les situations d'incertitude économique, afin de valider la pérennité de l'emploi créé et l'aptitude du salarié à occuper ce poste. De plus, le recours à la sous-traitance s'est fortement accru ces dernières années, ce qui permet aux entreprises de bénéficier des mêmes ressources sans recourir à une relation de travail. Les dernières réformes, enfin, ont mis l'accent sur le reclassement des salariés touchés par un licenciement économique. Il semble toutefois que les dispositifs retenus, bien qu'ils impliquent de plus en plus l'ensemble des acteurs économiques du territoire concerné, n'aient pas été adaptés à cette noble mission. « Au total, la situation est paradoxale », soulignent Frédéric Bruggeman et Dominique Paucard (p. 53). « D'une part, le dispositif qui vise à (…) instaurer un véritable droit au reclassement au bénéfice des salariés (…) s'est constamment enrichi et modernisé. Conçu pour protéger l'emploi, il a ensuite mis en place des moyens et dispositifs visant à organiser les transitions professionnelles, fait de l'anticipation et de la gestion prévisionnelles des emplois une de ses composantes principales, pris en compte les impacts territoriaux des restructurations (…) et, dans la dernière période, intégré les éléments visant à favoriser la négociation en lieu et place d'une simple consultation des représentants du personnel. Pourtant, il se révèle, in fine, terriblement restreint du point de vue du nombre des salariés susceptibles d'en bénéficier et particulièrement aléatoire en termes de résultat ».

Le régime actuel du contrat de travail souffre donc de nombreuses imperfections puisqu'il ne touche qu'une partie des salariés et de surcroît peine à atteindre ses objectifs. Quelles conclusions en tirer ? L'ouvrage se garde d'apporter une réponse définitive, mais propose une mise en perspective des débats en cours. Francis Kramarz et Pierre Cahuc présentent en quelques pages le résultat de leurs travaux, en particulier leur rapport de 2005 préconisant une taxation des licenciements et la mise en place d'un contrat de travail unique. Pour ces deux économistes, il faut revoir ensemble de nombreux pans du système. Tout d'abord, il convient de bâtir un véritable service public de l'emploi, susceptible d'offrir de véritables perspectives aux salariés licenciés. Ce service public est à financer par une taxe sur les licenciements, qui internalisera partiellement les externalités négatives liées au licenciement. Amorcée par ces premières réformes, la logique peut alors être poussée à son extrémité. Il s'agit bien de protéger les personnes, et non les emplois. Par conséquent, il convient selon ces deux auteurs de mettre un terme à la dualité du marché du travail en France en instaurant un contrat de travail unique, le CDI, aux modalités de licenciement assouplies. Le contrôle du juge ne s'exercerait plus alors sur l'opportunité du licenciement, mais sur sa seule légalité. Les indemnités de licenciement seraient assises sur l'ancienneté dans l'entreprise.

S'il a la vertu de reposer sur une pensée cohérente et parfaitement articulée, ce système n'a pas celle de créer l'unanimité. Dans sa contribution, Mathieu Bunel démontre que le CDD est devenu, pour certaines catégories socioprofessionnelles, un tremplin vers le CDI. Les entreprises l'utilisent pour tester leur nouvelle recrue, tandis que les salariés (le plus souvent des hommes et des cadres) s'assurent de leur côté que l'emploi correspond à leurs attentes et bénéficient d'autre part, en cas de non-reconduction, d'une indemnité nettement supérieure aux indemnités de licenciement traditionnelles. La proposition de créer un contrat de travail unique ne recueille pas non plus l'assentiment de Jacques Barthélémy (avocat), Gilbert Cette (économiste) et Pierre-Yves Verkindt (professeur de droit), auteurs en 2006 d'un rapport remis au Conseil d'orientation de l'emploi. Pour ces trois spécialistes, le contrat unique relève de la même logique que la situation qu'il prétend rectifier, à savoir la prédominance d'un droit réglementaire. Or, l'enjeu serait, selon eux, dans la constitution d'un véritable droit conventionnel, au niveau de l'entreprise aussi bien que des branches, qui permette de mieux prendre en compte la réalité de l'activité économique et l'attente des employeurs et des salariés.

Sans proposer de réponse toute faite à une question très complexe, l'ouvrage présente tout à la fois un tableau précis de la situation française en matière de contrats de travail et une synthèse des débats en cours sur les réformes qu'il convient de lui apporter. Il constitue donc un précieux outil pour mieux comprendre les réformes en cours, alors qu'aucune décision majeure n'a encore été prise sous cette législature concernant l'architecture du droit du travail français.
 

L'auteur

Créé en 1970, le Centre d'études de l'emploi (CEE) est un établissement public placé sous la double tutelle des ministères de la Recherche et de l'Emploi. C'est un lieu de dialogue entre la recherche et la décision publique dans les domaines de l'emploi, du travail et des systèmes de protection sociale.
 

Table des matières

Introduction
L'encadrement juridique de la rupture du contrat de travail
Un cadre juridique discuté
Discussions et controverses

Première partie : L'état des lieux

1 / Le travail et ses contrats
Les frontières du contrat de travail
La diversification interne du contrat de travail
Les usages du contrat de travail à durée indéterminée

2 / La montée du licenciement pour motif personnel
En amont des licenciements, les nouvelles stratégies de mondialisation
Le LMP, outil de réduction des effectifs ?
Le LMP, outil d'un nouveau mode de management par le marché
Conclusion

3 / De la difficulté de licencier
Les licenciements pour motif personnel : une procédure courte
Les licenciements pour motif économique : des contraintes variables
Une procédure particulière en cas de licenciement d'un salarié protégé
Comparaison des coûts de licenciement
Les recours juridiques et l'allongement des procédures

4 / La régulation des restructurations à la française : comment transformer un échec en opportunité ?
Des dispositions de moins en moins en rapport avec les populations concernées par les suppressions d'emplois
Des dispositions profondément inégalitaires
Des dispositions peu efficaces
Changer ?

5 / L'éclatement de la relation de travail : CDD et sous-traitance en France
L'ampleur du recours aux CDD et à la sous-traitance
Pourquoi les entreprises recourent-elles aux CDD et à la sous-traitance ?
Conclusion

6 / A quoi servent les CDD ?
Les CDD, un contrat polyvalent pour les entreprises et un tremplin vers les CDI pour les salariés
Les analyses théoriques sur le CDD
Conclusion

Seconde partie – Quelles réformes ?

7 / Recruter en CNE, CDI ou CDD : les motivations des petites entreprises
Le CNE par précaution
Le CDI par habitude, quand les perspectives sont favorables et pour motiver le salarié
Le CDD pour un emploi d'une durée prédéfinie
La croissance passée et anticipée de l'activité : élément-clé du choix du contrat
Fins de contrat à l'initiative du salarié ou de l'employeur
 
8 / Principes et vertus d'un contrat de travail unique
Les principes : réhabiliter la valeur sociale de l'emploi…
… et protéger les personnes
Les caractéristiques du contrat de travail unique
Conclusion

9 / A propos du contrat de travail unique
La réduction des inégalités de statut
Réduire la complexité et les incertitudes coûteuses de la judiciarisation du licenciement
Internaliser en partie le coût social du licenciement
Reclassement des salariés et effets de seuil
Conclusion

 

Quatrième de couverture

Le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre moyennant rémunération. Depuis une dizaine d'années, les critiques se sont concentrées sur les règles qui encadrent sa rupture. Selon certains économistes, la procédure de licenciement serait trop lourde, trop longue, trop coûteuse. Elle freinerait l'adaptation des entreprises françaises à la nouvelle donne mondiale. Elle serait contournée par le recours à des contrats à durée limitée. Bref, elle devrait être profondément réformée.
Ce sont ces affirmations que le présent ouvrage veut mettre à l'épreuve : de quelles données disposons-nous aujourd'hui pour analyser les effets de la législation sur la rupture du contrat de travail ? Quels usages les entreprises font-elles des différents contrats de travail et des procédures de licenciement ? Quels sont les avantages et les risques des différentes propositions de réforme sur le contrat de travail et le licenciement ?
Le CEE veut apporter sa contribution au débat en confrontant les points de vue d'économistes, de juristes, de sociologues, de statisticiens, d'origines et d'opinions diverses.

 

 

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