Transdev et la lutte contre la fraude dans les transports publics

La fraude dans les transports collectifs représente un coût économique et social très important pour la collectivité. Transdev est une société qui fait de la lutte contre la fraude une dimension importante de son projet d'entreprise, ce qui nécessite une mobilisation de tous les acteurs de l'organisation.
 

Transdev et la lutte contre la fraude dans les transports publics

Le cas Transdev permet d'illustrer comment la lutte contre la fraude occupe une dimension importante de son projet d'entreprise en mobilisant tous les acteurs. 

Introduction

L’organisation des transports collectifs en France est jusqu'à présent régie par l’article 7 II de la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) du 30 décembre 1982. Cette loi indique que c’est « l’État et, dans la limite de leurs compétences, les collectivités territoriales ou leurs groupements qui organisent les transports publics réguliers des personnes et peuvent organiser des services de transport à la demande ». Les transports collectifs urbains dépendent en conséquence des communes, groupements de communes et départements qui fixent un périmètre de transports urbains (PTU). Les collectivités publiques sont alors constituées en Autorités organisatrices de transport (AOT) qui ont pour mission de définir la politique de desserte et la politique tarifaire des transports locaux. Concrètement, le service de transports peut relever d’une exploitation directe ou d’une procédure de conventionnement. L’exploitation directe prend la forme d’une régie de transport créée par l’autorité organisatrice, à savoir le Conseil municipal ou le Conseil général, et qui est un établissement public à caractère industriel et commercial (comme dans le cas du transport de voyageurs en Île-de-France). Il peut s’agir d’une régie simple dans laquelle la collectivité assure avec son propre personnel la gestion du service. Toutefois, dans la plupart des cas, les collectivités territoriales constituent une régie autonome, simplement dotée d’une autonomie financière, ou une régie personnalisée, qui dispose non seulement de l’autonomie financière mais aussi de la personnalité morale. Quand le service n’est pas assuré directement par la collectivité, ce qui est aujourd’hui le cas le plus fréquent, il relève d’une procédure de conventionnement entre une entreprise privée et L’AOT. Il s’agit alors d’une délégation de service public que l’on définit comme l’ensemble des contrats par lesquels une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public à une entreprise privée dont la rémunération est substantiellement liée au résultat d’exploitation.

Ce cadre juridique de répartition des compétences en matière d'organisation des transports collectifs va être modifié par la loi NOTRe du 08 août 2015, Dans le cadre de cette loi, la plupart des services de transports collectifs seront désormais organisés par la Région, le transfert de compétences intervenant au cours de l'année 2017. Évidemment, cela aura un impact sur les futurs contrats entre les régions et les AOT.

Transdev est une société multinationale qui inscrit dans bon nombre de territoires français son action dans le cadre de cette délégation de service public. Elle a pour actionnaires le groupe Caisse des dépôts (Établissement financier public créé en 1816 qui remplit des missions au service de l’intérêt général et du développement économique des territoires) et le groupe Veolia (groupe spécialisé dans la gestion de l’eau, des déchets de l’énergie, qui accompagne les industriels, les villes et les habitants dans la gestion optimisée des ressources). Le métier de Transdev est le transport urbain et interurbain (bus, tramway, train,...). C’est une entreprise qui comporte 83000 collaborateurs et dont le chiffre d’affaires est de 6,6 milliards d’euros. L’activité de Transdev s’exerce sur 20 pays, dont principalement la France (2,55 milliards de chiffre d’affaires, 34200 collaborateurs), les Pays-Bas (1,08 milliard d’euros, 11900 collaborateurs), l’Amérique du Nord (1,07 milliard d’euros, 15700 collaborateurs).

Comme toutes les entreprises de transport public, Transdev est confronté au problème de la fraude. La fraude dans les transports, même si elle demeure difficilement quantifiable, représente un coût économique très important. Par exemple, la Cour des comptes estime, dans son rapport annuel du 11 février 2015, que la fraude cause d’importantes pertes de recettes, avec un taux moyen de 5 % des recettes commerciales, mais qui peut parfois atteindre 20 %. Cela représente plus de 500 millions d’euros pour les opérateurs de transport (300 millions pour la SNCF, 100 millions pour la RATP, et 100 millions pour les entreprises de transport urbain de province, dont Transved évidemment). En outre, si la fraude a un aspect économique, elle est aussi liée à la multiplication des incivilités et du sentiment d’insécurité dans les transports. Or, ce sentiment ne cesse de croître ces dernières années. La progression du nombre d’agressions sur les personnels suivies d’un arrêt de travail augmente (+4,2 % en 2014), de même que l’agression sur les voyageurs (+12,2 % en 2013, avec il est vrai un tassement en 2014 : +1,1%). Parallèlement, en 2013, près d’un usager des transports sur deux déclare se sentir en insécurité dans les transports en commun, et ce chiffre est bien plus élevé parmi les utilisateurs du réseau express régional (près de 60 %, selon un sondage IPSOS).

Pour une entreprise comme Transdev, les enjeux économiques et sociaux liés à la fraude sont très importants. C’est la raison pour laquelle l’entreprise a jugé opportun de mener une enquête sur la mesure de la fraude dans les réseaux, le profil des fraudeurs, l’ampleur du phénomène dans les différents territoires, avant d’envisager les moyens de lutte contre celui-ci.

I- Les enjeux économiques et sociaux de la lutte contre la fraude chez Transdev

A- Un enjeu financier non négligeable

Comme on l'a dit plus haut, selon la Cour des comptes, et sur l'ensemble du réseau de transport, la fraude représente à peu près 5% des recettes commerciales, soit 500 millions d'euros. Dans le cas de Transdev, le total des recettes de trafic urbain du groupe est de 320 millions d'euros. Le taux moyen de fraudes, que l'on obtient en rapportant le nombre de fraudeurs à l'ensemble des usagers du réseau, est de 12,4%. L'enjeu de la fraude correspond ainsi à environ 40 millions d'euros. S'il n'est pas possible d'éradiquer complètement le phénomène de la fraude, on peut quand même espérer, grâce à des mesures adaptées, réduire celle-ci de 3 points. En outre, on considère que si 3 fraudeurs changent de comportement, un se déplacera par un autre mode ou ne se déplacera plus et deux paieront. Transdev percevra donc 2 % de recette complémentaires, soit 320 millions d'euros x 2 % = 6 millions d'euros.

B- Et un enjeu sociétal également très important

Les transports en commun occupent une place centrale dans la vie de nos concitoyens. Le bus, le tramway, le métro et le train font partie intégrante de notre environnement quotidien, et ce dès le plus jeune âge. Or, les transports sont aussi le réceptacle des incivilités et de la violence de notre société. Certes, les actes malveillants demeurent très minoritaires par rapport au nombre de personnes transportées, mais ils sont tout de même l'expression d'une délinquance qui s'exprime dans l'espace public du transport, et ils ont un impact économique non négligeable, puisque le coût du vandalisme sur l'ensemble des entreprises de transport public de France est estimé à 130,6 millions d'euros. De plus, les rapporteurs de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme en contre la fraude dans les transports publics de voyageurs (7 octobre 2015) soulignent que les transports publics sont aussi une cible privilégiée pour les terroristes. Les événements tragiques du passé, et aussi récents (dont le dernier en date est l'attentat du Thalys du 21 août 2015) interrogent notre capacité à lutter contre le terrorisme et les atteintes graves à la sécurité publique. Évidemment, s'il ne faut pas confondre la délinquance de base et le terrorisme, il est tout de même important de les englober dans une problématique globale de sécurisation des transports, comme le montre d'ailleurs le titre du projet de loi. De manière plus générale, on peut interpréter la fraude comme une faille dans la cohésion sociale, parfaitement revendiquée par certains fraudeurs. C'est ainsi qu'on a pu voir apparaître des « fraudes comportementales », parfaitement assumées et revendiquées par des « mutuelles de fraudeurs » sur internet, dont l'objectif affiché est d'imposer la gratuité dans les transports publics.

Dans ces conditions, on peut considérer que la sécurité des passagers dans les transports soit une priorité nationale pour la puissance publique. Mais elle est également une priorité pour les entreprises privées de transport. Chez Transdev, on insiste bien sur le fait que la fraude détériore l'image du réseau, donnant un signe négatif d'abandon du territoire par le corps social de l'entreprise, et procurant un sentiment d'impunité au fraudeur. Cette situation impacte aussi le non fraudeur, créant chez lui un sentiment d'insécurité qui peut l'écarter des transports publics. Ceci conduit à une perte de recettes, sans compter la détérioration des conditions de travail des conducteurs, victimes de manifestations diverses d'irrespect de la part des fraudeurs. La lutte contre la fraude exige donc non seulement une mobilisation de tous les acteurs de l'entreprise, mais aussi de l'Autorité organisatrice des transports, et plus généralement de l'ensemble des services de l'Etat et des collectivités territoriales.

II- La mesure de la fraude chez Transdev

A- Les résultats de l'enquête fraude 2014

Cette enquête a porté sur les 50 plus grands réseaux de Transdev. Elle révèle des éléments assez négatifs. En premier lieu, le coût global de la fraude pour l'entreprise est alors estimé à 40 millions d'euros. Ensuite, le taux de recouvrement des amendes n'est pas très bon : inférieur à 50% dans 30 réseaux sur 50. Autre point négatif : l'ambiance, que l'on peut appréhender par le nombre d'agents agressés, s'est détériorée ; il y avait 0,73 agent agressé par million de voyageurs transportés en 2013 contre 0,85 en 2014. Mais l'enquête met aussi en relief des aspects très positifs. Dans 13 réseaux (26%), on pratique maintenant le filtrage de la montée à l'avant des clients en demi-porte, ce qui indiscutablement peut exercer un effet dissuasif sur la fraude. Par ailleurs, l'implication des conducteurs dans la lutte contre la fraude est réelle dans bon nombre de réseaux. Les conducteurs sont jugés d'une efficacité moyenne à très bonne dans 34 réseaux par leur hiérarchie, et seulement d'une efficacité passable, médiocre ou nulle dans 16 réseaux (même si le management des conducteurs par leur hiérarchie mérite d'être amélioré...). Un point très intéressant est le taux de fraude et la relation que l'on peut établir entre celui-ci et le taux de contrôle. Sur les 25 plus grands réseaux, le taux de fraude moyen est de 12,40%. Globalement, on constate une corrélation entre le taux de contrôle et le taux de fraude. Là où le taux de contrôle est élevé, le taux de fraude est relativement faible. Sur le réseau Bus, on peut mettre en relief un réseau où le taux de contrôle est de 1,77% et le taux de fraude de 21,1%, et inversement un réseau où le taux de contrôle est de 5,69% et le taux de fraude de 8,8%. On peut voir la même chose sur le réseau Tram. A Saint-Étienne, le taux de contrôle est de 7,0% et le taux de fraude de 14,0%. A Reims, le taux de contrôle est de 2,2% et le taux de fraude de 18,3%. Évidemment, il faut se méfier des généralités. Tous les réseaux ne sont pas identiques du point de vue de l’environnement économique et social, et il est certainement plus facile de lutter contre la fraude dans un environnement très favorisé que dans des lieux où les indicateurs économiques et sociaux sont très dégradés. On observe ainsi quelques réseaux dans lesquels un taux de contrôle honorable s'accompagne quand même d'un taux de fraude élevé. Mais globalement, on peut dire que le contrôle a un effet relativement dissuasif sur la fraude.

B- Les résultats de l’enquête sur l'analyse du profil des fraudeurs de 10 réseaux du groupe (Décembre 2014, enquête réalisée par le groupe fraude piloté par Francis Chaput, Directeur Réseaux grands urbains de Transdev).

L'objectif de l'enquête est de mieux connaître la population des fraudeurs pour parvenir à définir ensuite une stratégie de lutte contre la fraude. Il s'agit de déterminer le profil des fraudeurs sur un panel de 10 réseaux du groupe et d'identifier les corrélations possibles entre la situation socio-économique des agglomérations et l'ampleur du phénomène de la fraude. Sur les 10 réseaux, 5 comportent un Transport collectif en site propre (TCSP, ou voies séparées de la voirie ouverte aux véhicules d'autre nature). Ce sont les réseaux de Montpellier, Nancy, Nantes, Rouen et Reims. Les 5 autres réseaux sont sans TCSP (Avignon, Toulon, Dunkerque, Limoges et Besançon). D'un point de vue méthodologique, la comparaison entre les différents réseaux est délicate car de nombreux facteurs peuvent avoir une incidence sur le taux de fraude comme le niveau d'offre du réseau, son contexte (montée par avant, billetique,...), sa gamme tarifaire (tarification sociale ou pas par exemple), la stratégie de lutte contre la fraude, le montant des amendes, le profil des voyageurs verbalisés et de ceux qui paient, les recettes de recouvrement et les dépenses liées à la gestion de la fraude (coût du contrôle). De plus, des biais importants affectent ce type d'enquête, comme la taille des échantillons qui est variable, la nature même de l'échantillon, la période de réalisation de l'enquête, la méthode d'interrogation du voyageur. Tout cela fait qu'il est difficile d'arriver à des conclusions généralisables en considérant que « toutes les choses sont égales par ailleurs ». Dernier point de méthode à signaler : on distingue une fraude globale, qui est le non-respect des règles en général, entraînant ou non une perte de recettes, et la fraude dure, qui est le non-respect de l'obligation de voyager avec un titre valable, soit les irrégularités entraînant une perte de recettes sur le réseau.

Quelles sont les conclusions de l'enquête ?

Tout d'abord, sur le réseau TCSP, on observe de fortes disparités selon les agglomérations. En semaine, le taux de fraude évolue entre 10,6% à Nantes et 18,8% à Montpellier. En semaine plus week-end, le taux de fraude évolue entre 12,6% à Nantes et 20,6% à Montpellier. Ceci est probablement à relier avec le contexte socio-économique : Nantes est une agglomération très attractive, au dynamisme économique et démographique très important, alors que Montpellier est une ville certes en croissance démographique, mais où les inégalités sociales sont élevées (taux d'activité assez faible, chômage et pauvreté élevés). Les caractéristiques de la fraude sont les suivantes : elle est plus élevée sur le tramway que sur le bus, se produit davantage le week-end et surtout le dimanche à l'occasion de déplacements non obligatoires (déplacements de loisir), affecte généralement des catégories qui sont sensibles au coût du déplacement, à savoir les chômeurs et les inactifs. Au total, quand l'agglomération est relativement prospère sur le plan économique, comme à Nancy, Nantes et Reims, le profil type du fraudeur est un jeune de 19 à 25 ans, chômeur ou inactif, et qui se déplace pour ses loisirs. Quand l'agglomération est fragilisée au niveau économique, le profil type du fraudeur est plutôt un adulte mature (entre 27 et 67 ans), utilisateur quotidien du réseau. L'évolution de la fraude sur le réseau TCSP confirme l'importance de ce contexte socio-économique : la fraude baisse à Nancy et Rouen, est stable à Nantes, mais augmente fortement à Montpellier.

Sur les 5 réseaux bus, les contextes sont là aussi différents. Globalement, ils sont plutôt difficiles à, Avignon, Toulon et Dunkerque, et plutôt favorables à Limoges et à Besançon. Là aussi, on constate une corrélation entre le taux de fraude et le contexte économique. Le taux de fraude global en semaine est plus élevé à Dunkerque (9%) et Toulon (15%) qu'à Limoges (5%) et Besançon (5,8%), Avignon constituant un cas à part (2%) dont les résultats portent sur un taux de fraude apparent et non enquêté. A la différence du réseau TCSP, la fraude sur les réseaux Bus se produit un peu plus le week-end que la semaine, concerne des déplacements plus hétérogènes que sur les réseaux tramway (loisirs et lieux d'étude à Toulon, travail à Dunkerque, achats à Limoges), et touche aussi un public plus hétérogène (jeunes de moins de 25 ans à Toulon, adultes de 26 à 40 ans à Dunkerque, utilisateurs plus réguliers à Besançon). Quant à l'évolution du phénomène fraude, elle est moins nette que sur le réseau TCSP (baisse à Limoges, stabilité à Avignon et à Dunkerque, légère hausse à Besançon, et tout de même hausse plus significative à Toulon).

III- Comment lutter contre la fraude dans les transports ?

A- Les moyens classiques

Quand on envisage la lutte contre la fraude, on pense immédiatement à l'augmentation des contrôles, ainsi qu'à celle du prix des amendes. Si le contrôle est nécessaire, la multiplication des contrôles n'est pas forcément souhaitable. En effet, les barrières de contrôle, la rémunération des contrôleurs, les procédés de lutte contre la contrefaçon des titres,..., présentent des coûts non négligeables. Or, le coût du contrôle n'est pas directement imputable aux fraudeurs, mais à tous les usagers, qui sont de fait considérés comme des fraudeurs potentiels. Même si on comprend que la dissuasion est nécessaire, il va de soi que l'on ne peut pas faire supporter à l'usager de bonne foi une augmentation importante du prix du billet qui serait destinée à décourager cette fraude potentielle. Quant à l'augmentation du prix des amendes, elle diminue théoriquement le nombre des fraudeurs. Du point de vue du calcul économique, et en l'absence de toute considération morale sur la question, la décision de frauder survient quand on pense que le gain tiré de la fraude peut dépasser l'amende attendue. Plus l'amende est élevée, et plus la part des fraudeurs est faible. C'est un phénomène classique de discrimination par les prix. Toutefois, cette explication trouve ses limites dès lors que l'on sort des motifs économiques de la fraude. Comment traiter l'usager désargenté, et parfois même non solvable, l'étudiant qui a oublié son titre de transport, ou encore le voyageur ayant égaré son ticket ? D'autre part, même en restant dans la sphère économique, l'augmentation des amendes pourrait avoir pour effet pervers l'augmentation des adhérents aux mutuelles des « sans ticket », comme le Réseau d'abolition des transports payants à Paris qui a créé une mutuelle de sans tickets francilienne permettant à ses adhérents de mettre en commun une somme mensuelle qui a pour fonction de rembourser les amendes éventuellement perçues à l'occasion des déplacements quotidiens. Tous les individus qui avant la hausse étaient prêts à supporter le montant de l'amende vont être incités à aller vers ce que l'on pourrait qualifier de marché secondaire de la fraude (à l'image du marché des actions).

B-Une lutte multi-directionnelle envisagée par Transdev

Pour Transdev, même si les moyens envisagés ci-dessus ne doivent pas être négligés, il est nécessaire de les compléter par une action plus globale. La lutte contre la fraude devient alors une dimension du projet d'entreprise, qui nécessite une mobilisation de tous les niveaux de l'organisation.

Ce projet d'action concerne bien sûr la direction qui mobilise l'ensemble du corps de l'entreprise en réalisant quelques opérations « coups de poing » qui ont pour but de montrer que la lutte contre la fraude est l'affaire de tous, et pas seulement des conducteurs de machines. Il intègre aussi une dimension économique qui consiste à tester un système de verbalisation gagnant-gagnant, par exemple en proposant de lever l'amende contre un abonnement de longue durée (pour déplacer l'arbitrage coûts-avantages évoqué plus haut). Il intègre également une dimension sociale avec une tarification sociale pour les plus démunis, ce qui suppose de fédérer les acteurs sociaux du territoire 5CAF, CCAS, missions locales,...) autour d'un projet tarifaire pour appréhender la réalité socio-économique des populations locales et fixer des seuils d'éligibilité. Enfin, il ne néglige pas l'action éducative qui est une action de prévention des comportements de fraude. Dans ce registre, on peut mettre en place des campagnes de sensibilisation destinées à faire comprendre que la fraude pénalise tout le monde et qu'elle joue un rôle important dans le prix effectif du déplacement. On peut aussi viser des actions à destination de publics ciblés, en fonction du profil des fraudeurs sur un réseau donné : par exemple, si les fraudeurs sont davantage des jeunes, multiplier les actions de sensibilisation dans les écoles.

C- Qui doit être relayée par la puissance publique

La lutte contre la fraude est vaine si le fraudeur est convaincu qu'il pourra échapper au montant de l'amende. Or, en l'état actuel des choses, les contrôleurs sont obligés de faire réaliser le contrôle d'identité du contrevenant par un officier de police judiciaire, lorsque celui-ci refuse de s'y soumettre. L'ordre de cet officier devant être obtenu dans un délai très court (une heure), il est bien souvent impossible de retenir l'auteur de l'infraction (selon la SNCF, seules 43%des demandes d'ordre aboutissent). Par ailleurs, une autre ruse du fraudeur est de déclarer une fausse adresse (42% des procès verbaux toujours selon la SNCF). Bien qu'il soit difficile dans le cadre de la loi française d'agir sur les modalités du contrôle d'identité, le gouvernement a décidé de lutter contre ces dysfonctionnements en réactivant en juin 2014 le Comité national de la sécurité dans les transports en commun (CNSTC) qui est chargé de piloter le plan national de sécurité des transports. Ce comité a fait dès le 16 décembre 2014 plusieurs propositions pour améliorer la lutte contre la fraude et renforcer la sécurité dans les transports en commun. La proposition de loi datée du 07 octobre 2015 va dans le même sens en proposant plusieurs articles pour lutter contre la fraude dans les transports publics de voyageurs.

Conclusion

La fraude dans les transports est donc un enjeu collectif de taille, qui mobilise une entreprise comme Transdev, mais aussi l'ensemble du corps social (citoyens, consommateurs, État et collectivités locales). Le débat sur la fraude, s'il est important en lui-même, doit cependant être replacé d'une manière générale dans celui de la tarification, qui est de la compétence des Autorités organisatrices de transport (AOT), même si bien sûr les exploitants ont leur mot à dire en la matière. Or la politique de tarification poursuit trois objectifs parfois incompatibles : couvrir les coûts de production du service (objectif n°1), fidéliser les usagers dans le cadre d'une politique de développement durable (objectif n°2), et garantir le droit au transport pour tous (objectif n°3). Etant donné que les recettes tarifaires ne couvrent qu'à peine 20% des besoins en matière de financement des transports publics, ne serait-il pas préférable d'instaurer une gratuité totale de ceux-ci, qui aurait l'avantage de satisfaire pleinement les objectifs 2 et 3 mentionnés ci-dessus ?

En France, sur les 290 AOT, 23 réseaux ont fait le choix de la gratuité totale (essentiellement dans les communes de moins de 50 000 habitants). De manière plus commune, certaines grandes villes du monde mettent en place une gratuité partielle pour remédier à des goulots d'étranglement dans le système des transports, et tout particulièrement ceux issus de la congestion automobile. C'est le cas de certaines villes américaines comme Miami, Salt Lake City, Pittsburg, Seattle ou Baltimore.

La gratuité des transports publics présente un certain nombre d'avantages. Elle réduit les coûts d'équipement et de frais de personnel, puisque les tâches de perception et de contrôle des voyageurs ne sont plus nécessaires. Elle rend aussi le transport public plus accessible aux habitants à faible revenu (satisfaction de l'objectif n°3). Enfin, elle augmente la fréquentation et facilite le report modal, c'est-à-dire le passage de l'automobile aux transports en commun pour un certain nombre d'usagers (satisfaction de l'objectif n°2).

Néanmoins cette gratuité présente également des inconvénients majeurs. Le premier d'entre eux est la dégradation de la qualité du service, puisque la gratuité s'accompagne souvent d'une augmentation des actes de vandalisme, d'un service plus lent, d'une dégradation du respect des horaires, et d'une augmentation des coûts en matière de sécurité et d'entretien des véhicules. Mais surtout la question décisive du transport public consiste à savoir qui en dernier ressort supporte son coût. Le financement de la gratuité des transports publics passe en effet par une augmentation des impôts locaux, ou par une augmentation de la taxe des entreprises, taxe à laquelle elles sont assujetties dès lors qu'elles ont plus de 9 salariés. Or, on peut à juste titre considérer que la France étant un pays où le taux de prélèvements obligatoires sur les ménages et les entreprises est déjà très élevé, une mesure qui aurait pour conséquence d'accroître encore un peu plus la pression fiscale n'est pas forcément la bienvenue.

C'est la raison pour laquelle l'objectif n°1 de couverture des coûts du service de transport doit être prioritaire, ce qui ne signifie pas que les deux autres objectifs sont abandonnés, puisqu'ils pourront être atteints par une tarification sociale adaptée. C'est dans ce sens qu'une entreprise comme Transdev engage sa réflexion, qui est aussi celle du GART (Groupement des autorités responsables du transport).

I / Questionnaire à Choix Multiples

Dans certains cas, plusieurs réponses sont possibles.

  1. La société Transdev est :

a. une entreprise publique

b. une entreprise privée

c. une société privée d’économie mixte

  1. A l’heure actuelle, en France, les transports collectifs sont généralement :

a. assurés par des entreprises privées à qui la puissance publique a concédé la gestion de ce service public.

b. assurés par les collectivités publiques elles-mêmes sous forme de régie.

  1. Quel est le coût total de la fraude dans les transports publics en France ?

a. 500 millions d’euros par an soit 0.025 % du PIB

b. plus de 500 millions d’euros par an

  1. Quel est le coût de la fraude estimé par la société Transdev ?

a. 40 millions d’euros

b. 6 millions d’euros

  1. La lutte contre la fraude permettra à la société de gagner :

a. 40 millions d’euros

b. 6 millions d’euros

  1. Ce sont les jeunes usagers qui fraudent le plus.

a. vrai

b. faux

  1. La lutte contre la fraude passe nécessairement par :

a. un contrôle plus fréquent

b. une élévation du montant des amendes

c. une négociation avec le resquilleur

  1. En cas de fraude, le contrevenant encourt généralement :

a. six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende à partir de dix procès-verbaux sur un an

b. le paiement d’une amende immédiate.

  1. La lutte contre la fraude ne concerne que les entreprises de transports :

a. vrai

b. faux

  1. La proposition de loi du 7 octobre 2015 relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs prône :

a. la « tolérance zéro » envers les fraudeurs

b. l’extension des droits des entreprises de transport en matière de vérification et de contrôle

II / ACTIVITES

Exercice 1 – Les défaillances de marché illustrées … dans le domaine des transports collectifs de voyageurs.

a. La sécurité dans les transports publics peut être considérée comme un bien collectif. Pourquoi ?

Un bien collectif présente la caractéristique d’être à la fois non rival et non exclusif. La sécurité dans les transports collectifs répond à ces critères : - elle profite simultanément à tous les membres de la société (critère de la non-exclusion) : les quantités consommées par les uns ne réduisent pas les quantités disponibles pour les autres ; - il n’est pas nécessaire de payer un prix pour en bénéficier (critère de la non-rivalité). On ne peut donc précisément pas exclure le mauvais payeur car la sécurité publique est indivisible ! Puisque ce type de bien échappe aux règles traditionnelles d’un marché concurrentiel, les entreprises ne peuvent agir seules face aux diverses incivilités et il est donc nécessaire que les pouvoirs publics interviennent et investissent cette question sociale par des orientations et des financements.

b. Les transports collectifs sont, dans une certaine mesure, rangés parmi les biens de club : non rivaux mais excluables. Quel problème cela pose-t-il ?

Les consommateurs ont conscience que le bien qu’ils paient a un coût marginal nul pour l’entreprise jusqu’à un certain seuil d’encombrement : l’ajout d’un usager ne coûte rien à l’entreprise. C’est une des raisons qui peuvent expliquer la volonté d’en bénéficier gratuitement comme les routes.

c. Quelles externalités négatives les fraudes génèrent-elles ?

Les resquilleurs font subir des coûts à l’entreprise Transdev, sans qu’elle en soit dédommagée. D’une part, les fraudes créent un sentiment d’insécurité parmi les voyageurs, moins enclins à emprunter ce mode de transport, ce qui conduit à diminuer la fréquentation des transports collectifs, et induit donc un manque à gagner. D’autre part, la fraude non punie peut dégrader l’image de l’entreprise et générer un sentiment d’impunité généralisé qui favorisera la diffusion de ces pratiques. Se manifeste la théorie de la « vitre brisée » : si on laisse une vitre brisée dans un quartier, sans réagir, (recherche de l’auteur de la dégradation, réparation de ladite vitre...), très rapidement, les actes d’incivilité se multiplient. Les règles les plus élémentaires de la vie en commun semblent alors pouvoir être ignorées sans conséquence pour ceux qui les bafouent. Enfin, la fraude génère une externalité négative pour l’ensemble des usagers car elle peut mener à une hausse généralisée du prix du billet si l’entreprise, en monopole, décide de répercuter cette perte sur ses tarifs.

Exercice 2 - Un exemple de discrimination par les prix à partir de la société Transdev.

a.  Voici un extrait de la gamme de tarifs de Transdev Grand’Est. En quoi cette gamme peut-elle illustrer la pratique de discrimination par les prix ?

III / Exercices type bac

Etude d’un document – Vous présenterez le document puis vous montrerez que les effets du contrôle sur la fraude sont limités.

Il s’agit d’un document interne à l’entreprise Transdev relatant les résultats de l’enquête Fraude de 2014 menée sur les 20 plus grands réseaux urbains de transport par bus. Sur le diagramme, chaque bâton correspond à l’une des villes étudiées et témoigne du taux de fraude apparent : celui-ci rapporte le nombre de voyageurs en infraction à celui des personnes contrôlées, il s’agit d’un taux mesuré. Les données en bleu révèlent en parallèle les taux de contrôle qui mesurent le rapport entre le nombre de voyageurs contrôlés et le nombre de voyageurs ayant validé leur titre de transport. Dans un premier temps, il est possible d’identifier un effet de dissuasion du contrôle sur la fraude dans les transports en bus. Ainsi, en 2014, dans l’un des réseaux bus gérés par cette société, près de 9 personnes contrôlées sur 100 étaient en infraction pour un taux de contrôle de 5.69 %. A l’inverse, pour un taux de contrôle de 1.84 % dans un autre réseau, on trouvera un taux de fraude de 5.5 %. Néanmoins, cette corrélation apparaît bien mince au regard de ce graphique : ainsi, des situations extrêmement variées se manifestent pour un même taux de contrôle, de 2 % par exemple. Les contrôleurs seront confrontés à un taux de fraude allant de 0.4 % à 14.8 % voire 30 % ! Ces écarts peuvent s’expliquer par les différences d’environnement socio-économique. Dans certains réseaux, la fraude revêt un caractère habituel et ancré que la répression ne dissuade pas. Ici, d’autres mesures doivent être imaginées afin d’endiguer le phénomène.

Etude d’un document – Vous présenterez le document puis vous montrerez que le taux de recouvrement des amendes est faible.

Il s’agit d’un tableau interne à l’entreprise Transdev relatant les résultats de l’enquête Fraude menée sur les 50 plus grands réseaux de transports. Il associe le taux de recouvrement - soit le nombre de personnes qui paient l'amende rapporté au nombre de personnes sanctionnées (colonne de gauche) - aux différents réseaux (colonne de droite). Ce document montre un taux de recouvrement plutôt faible. En effet, pour 17 réseaux sur 50, il se situe à moins de 40 % ; à moins de 50 % pour 30 réseaux soit plus de la moitié. Seuls 2 réseaux sur 50 atteignent un taux de recouvrement supérieur à 70 %. Si certaines amendes sont payées immédiatement, les autres sont en attente et rarement recouvrées (14 % en moyenne en France). Cette faiblesse est d’abord liée aux ruses utilisées par les voyageurs qui dissimulent leur identité mais aussi aux difficultés d’accéder rapidement aux officiers de police lorsque les entreprises de transport requièrent leur intervention. Elle est, en tous les cas, révélatrice des limites des politiques de lutte contre la fraude axées sur la seule répression.

Raisonnement s’appuyant sur un dossier documentaire (10 points)

Sujet : A partir de l’étude de cas portant sur la société Transdev et des documents qui suivent, vous vous demanderez si la gratuité des transports collectifs peut être bénéfique à la collectivité. Document 1- 

Document 2 - La hausse des tarifs est aujourd’hui largement débattue, proposée, voire mise en oeuvre. Inversement, la gratuité du service, fortement critiquée par les associations représentatives des AOT 1 et leurs opérateurs, demeure peu répandue. Elle ne répond d’ailleurs pas à la notion de service public à caractère industriel et commercial qui implique une participation de l’usager. Le taux moyen de couverture des dépenses par les recettes commerciales est de 28,6 % seulement. Il s’établit à 18 % pour les réseaux de moins de 100 000 habitants et 36 % pour ceux de plus de 400 000 habitants dotés de TCSP 2 . À l’intérieur de chaque strate, les variations sont importantes: le taux de couverture s’inscrit dans une échelle de 1 à 2 pour les agglomérations de plus de 400000 habitants et de 1 à 10 pour celles de moins de 100 000 habitants. Ces écarts reflètent les différences de politique tarifaire des AOT. Un alignement de la contribution des usagers au financement du service sur celle des entreprises nécessiterait d’augmenter d’environ dix points le taux de couverture moyen des dépenses par les recettes commerciales. Au-delà des effets induits sur la fréquentation et donc le volume des recettes commerciales par les mesures susceptibles d’être prises pour améliorer l’attractivité de l’offre de transport, cet objectif peut être atteint, à horizon d’une dizaine d’années, par la combinaison d’une augmentation des tarifs de base et d’une modulation des tarifs sociaux.

Cour des Comptes, Extraits du Rapport annuel 2015.

(1) Autorités organisatrices de transport (2) Transport collectif en site propre Document 3 - Entretien avec Bruno CORDIER 1 : « Transports, la gratuité ne suffit pas à rendre un réseau attractif ». Quelle motivation peut avoir une commune pour choisir de rendre ses transports en commun gratuits ? Instaurer la gratuité partielle ou totale dans les transports en commun est une manière de faciliter leur accès au plus grand nombre. Il existe plusieurs motivations, et chaque commune a les siennes. Cela peut être dans une perspective économique et pratique, comme à Châteauroux, par exemple, où la gratuité a résolu le problème d'achat et de stockage des billets, et "rentabilisé" le réseau en remplissant d'avantage les bus. Il peut aussi y avoir une visée politique et sociale : faciliter l'accès au centre-ville afin de ramener les populations de l'agglomération vers le cœur de la ville pour le redynamiser. Les motivations peuvent également être environnementales : favoriser les transports en commun plutôt que la voiture individuelle. Comme à Aubagne, par exemple, où ce choix de la gratuité entre dans une politique plus globale d'extension du réseau de transports et de création d'un tram. Aujourd'hui, en France, la gratuité n'existe que dans des villes de moins de 100 000 habitants. Ce modèle est-il généralisable dans des villes plus grandes ? Il existe un mouvement d'ampleur nationale qui prône la gratuité des transports, mais ce modèle est difficilement exportable dans les grandes villes comme Paris. Car dans ces métropoles, la billetterie, c'est-à-dire l'argent récolté via les billets de transport, couvre 30 à 40% du coût global. Cette somme ne pourrait pas être compensée par les autres ressources financières, qui sont le versement transport (la taxe payée par tous les employeurs publics ou privés ayant plus de neuf salariés) et la contribution qu'apporte la collectivité en ponctionnant son budget général. Par ailleurs, les villes moyennes ayant instauré la gratuité ne peuvent pas être prises en exemple par les grandes villes, car ces premières ont une offre en transport – c'est-à-dire le nombre de kilomètres couvert par habitant et par an – très pauvre, plutôt bas de gamme. Aujourd'hui, dans les agglomérations moyennes, la gratuité fait plutôt figure de substitut : on choisit de mettre de l'argent dans la gratuité plutôt que dans l'offre. Quelles alternatives sont envisageables ? La meilleure alternative est la tarification sociale. Par exemple, à Grenoble, on calcule le pourcentage de réduction des titres de transport à partir du quotient familial établi par la CAF. Une personne ayant un quotient familial inférieur ou égal à 380 euros bénéficiera d'une réduction de 95 % sur sa carte de transport.

Propos recueillis par Delphine Roucaute, Le Monde , 19 octobre 2012.

Bruno Cordier est directeur du bureau d'études Adetec, qui apporte son expertise au développement des politiques alternatives de déplacements. Il est notamment l'auteur du rapport La Gratuité totale des transports collectifs urbains : effets sur la fréquentation et intérêts , publié en janvier 2007.

Exercice 3 – Fraude et déviance

« Il n’y a pas de forme de l’activité sociale qui puisse se passer d’une discipline morale qui lui soit propre. En effet, tout groupe est un tout composé de parties ; l’élément ultime dont la répétition constitue ce tout est l’individu. Or, pour qu’un tel groupe puisse se maintenir, il faut que chaque partie ne procède pas comme si elle était seule […], mais il faut au contraire qu’elle se comporte de manière à ce que le tout puisse exister […]. [Or] les intérêts de l’individu ne sont pas ceux du groupe auquel il appartient et souvent même il y a entre les premiers et les seconds un véritable antagonisme. […] Il faut donc bien qu’il y ait une organisation qui les lui rappelle, qui l’oblige à les respecter ».

Emile DURKHEIM, Leçons de sociologie (1922), PUF, 1990.

1. Montrez que la fraude dans les transports collectifs peut constituer un exemple de l’antagonisme évoqué par le sociologue Emile DURKHEIM. Selon Durkheim, les intérêts individuels ne sont pas nécessairement ceux de la société : ainsi, si chaque voyageur poursuit son propre intérêt, il préfèrera ne pas payer son ticket afin de bénéficier du service sans coût. Ce faisant, il nuit à l’ensemble du réseau de transports en commun puisqu’il diminue directement les recettes de l’entreprise et indirectement, en occasionnant des coûts de contrôle qui, à l’extrême, peuvent être imputés à l’ensemble des usagers. 2. Montrez que la fraude constitue a priori une déviance. Par définition, la fraude globale signifiant le non-respect des règles dans les transports en commun en général ou la fraude dure désignant le comportement de passager clandestin constituent une déviance. La fonction du contrôle social, ici exercé par la société sur les usagers au moyen parfois d’un officier de police judiciaire, est de rappeler la norme et d’identifier la fraude comme une transgression à cette norme, donc une déviance. 3. Quelle évolution des normes peut-on constater concernant la fraude dans les transports publics ? La fraude n’est « économique » qu’en apparence : en effet de nombreux tarifs sociaux sont mis en place pour les personnes démunies. A l’inverse, la « fraude comportementale » habituelle, délibérée et assumée se développe. Les partisans de la gratuité dans les transports collectifs se multiplient. Les expériences de gratuité dans différents réseaux de transports en commun en France (Cluses, Châteauroux) ou à l’étranger, comme à Tallinn, capitale de l’Estonie, alimentent une évolution des normes dans ce domaine : chacun devrait pouvoir bénéficier des transports publics selon ses besoins et non selon ses moyens. Ainsi, il existe désormais des associations militant en faveur de la gratuité comme le Réseau d’abolition des transports payants à Paris. Une cotisation mensuelle des adhérents permet de financer le montant des différentes amendes éventuellement reçues.

IV / Lexique :

  • Bien collectif : à la différence d’un bien privé, le service collectif est non rival (la quantité consommée par les uns n’en réduit pas la quantité disponible pour les autres) et non exclusif (on ne peut pas exclure le mauvais payeur).
  • Bien de club : bien non rival mais exclusif, à l’instar des chaînes de télévision privées.
  • Déviance : La déviance se définit comme l’envers de la norme qu’elle transgresse. Pour exister comme question sociale, la déviance suppose la réunion de trois éléments : une norme , une transgression de cette norme et une « réaction sociale » à la transgression de cette norme .
  • Discrimination par les prix : en situation de monopole, vente d’un même bien ou service à des prix différents selon les clients ou la quantité consommée.
  • Externalités négatives : Rangées dans le registre des défaillances de marché, les externalités négatives apparaissent lorsqu’un acteur économique génère un coût pour un autre acteur économique ou pour la collectivité sans qu’il ne soit sanctionné pour cela par le marché.
  • Service public et délégation de service public : activité d’intérêt général assurée sous le contrôle de la puissance publique par un organisme public ou privé bénéficiant de prérogatives lui permettant d’en assumer les obligations (continuité du service, primauté, adaptation). Ce service public peut être géré par une régie, un établissement public ou une entreprise privée.
  • Société d’économie mixte : société dans laquelle sont associés capitaux publics (Etat, collectivités locales) et capitaux privés.

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