La mobilité internationale du travail dans l'Union Européenne


Pendant la décennie 1991-2000, 38% des citoyens de l'UE (Union Européenne) ont changé de lieu de résidence. Au sein de cette population, seul 4,4% d'entre eux se sont installés dans un autre Etat membre, alors que 68% restaient dans la même région d'un même Etat1 . Ces chiffres témoignent d'une mobilité professionnelle interétatique encore très limitée au sein d'une zone qui s'est pourtant construite sur le principe de liberté de circulation pour les hommes, les marchandises et les capitaux. Ce constat conduit en outre à s'interroger sur l'existence d'un marché du travail réellement européen, qui serait autre chose que la simple juxtaposition de marchés nationaux.

Les rigidités touchant l'offre et la demande de travail ralentissent la constitution d'un marché du travail réellement européen

Une offre de travail en situation de mobilité confrontée à un très lourd coût individuel et familial

 

La mobilité intracommunautaire connaît dans les entreprises européennes un engouement fort mais non dénué d'ambiguïté. En effet, elle correspond tout d'abord à un phénomène de fond : l'internationalisation des carrières est concomitante de l'internationalisation des marchés de référence et de l'économie en général. Pourtant, les niveaux actuels de mobilité restent de l'ordre de 0,1 à 0,2%2  de la population totale par an, ce qui est inférieur au niveau des années 1950-19603  ; cette chute s'explique pour l'essentiel par l'homogénéisation des niveaux de vie entre les pays européens qui s'est opérée dans l'intervalle.

Quoi qu'il en soit, l'adaptation des travailleurs qualifiés à un environnement professionnel qui se constitue à l'échelle européenne est un impératif chaque jour plus prégnant. Dans cette perspective, les compétences linguistiques jouent un rôle clé. Outre l'anglais, qui reste la langue “ dominante ” dans le milieu des affaires, les salariés qualifiés cherchent à maîtriser une troisième langue qui donnera plus de poids à leurs perspectives d'évolution à l'international. Cet apprentissage des langues est valorisé et tend à se répandre, même si la situation actuelle montre que les citoyens des Etats membres ont encore un niveau linguistique insuffisant4 . L'immersion dans les pays de la langue visée demeure le meilleur mode d'apprentissage, ce qui tend à encourager la mobilité internationale. Ces expériences professionnelles sont aussi l'occasion d'acquérir des savoir-faire informels de types sociaux : en effet, les services et milieux internationaux ont leurs codes et normes qu'il faut connaître pour être accepté et considéré professionnellement comme “crédible”. 
Les directeurs des ressources humaines et les managers valorisent les expériences de mobilité internationale. Cette reconnaissance professionnelle constitue, avec l'amélioration des perspectives financières, l'un des principaux facteurs de mobilité des salariés. De fait, le système supérieur de formation initiale français (et plus particulièrement les écoles de commerce) s'est adapté et, quand il ne rend pas obligatoire une partie du cursus à l'étranger, valorise fortement ce type d'expériences. Mais la relation entre mobilité internationale et amélioration de la situation professionnelle n'est pas toujours clairement perçue par les travailleurs au sein de l'UE.

Face à ces aspects positifs d'apprentissage professionnel et de valorisation des expériences étrangères, il faut tenir compte du fait que, pour un salarié européen, l'effort lié à la mobilité reste important, à la fois sur le plan professionnel et sur le plan personnel.

Cet effort réside d'abord, pour l'expatrié, dans l'adaptation à une langue et à une culture différentes de celles de son pays d'origine. Or les traditions nationales ont une influence directe sur les organisations du travail et les comportements individuels et collectifs, comme l'avait souligné Philippe d'Iribarne dans un ouvrage comparant les cultures française, néerlandaise et américaine au travail5 . Le mode national de management, de régulation des conflits et de rapports entre individus peut ainsi engendrer des difficultés d'intégration pour le travailleur étranger. A titre d'exemple, les méthodes de travail d'un salarié français seront "bousculées" dans le cadre d'une société néerlandaise qui privilégie le consensus, la négociation et restreint la place de la conflictualité, au prix parfois de limites portées à la liberté de parole et d'action. Afin d'éviter cet écueil, l'entreprise IBM tend à mettre en place des modes de fonctionnement très similaires quelle que soit la nationalité de la filiale.

A cette difficulté d'adaptation, on peut ajouter celle liée, pour les travailleurs, au recueil de l'information sur les postes en UE en dehors de leur Etat d'origine, et ce tant sur les marchés interne qu'externe du travail. Ce manque de transparence fonctionne comme une asymétrie d'informations au détriment des salariés en matière de rémunération, de fiscalité, de connaissance du coût de la vie, etc. Certaines entreprises, comme Dexia, ont élaboré un guide à l'attention des salariés, les informant sur les aspects techniques de la mobilité internationale afin de répondre aux besoins de ses collaborateurs. En l'absence de tels dispositifs, les travailleurs hésitent alors à prendre une décision de mobilité, dans un marché européen du travail encore balbutiant sur tous ces aspects (la plupart des opportunités professionnelles relèvent encore de la mobilité interne ou des connaissances liées au réseau personnel du travailleur). Cette hésitation est amplifiée par la peur du retour après la période d'expatriation : coupé de son réseau d'origine et écarté des changements intervenus depuis son départ, l'expatrié revient souvent de l'étranger dans un environnement qu'il ne maîtrise plus qu'imparfaitement, et parfois avec un poste mal défini, voire inexistant ; le calendrier de la gestion des carrières ne s'accorde pas toujours avec celui des évolutions des structures managériales6 .

Les problèmes d'ordre privé ont aussi une importance majeure, l'expatriation créant souvent pour le travailleur une situation de forte tension entre sphère professionnelle et sphère privée. Lorsqu'un des deux conjoints décide de s'expatrier, il n'est pas rare que l'autre se trouve dans l'obligation de mettre entre parenthèses sa propre carrière. Au sein de la cellule familiale, les enfants peuvent aussi être affectés par ces changements, et leur scolarité s'en ressentir : les programmes scolaires sont souvent différents, sans compter la nécessité de s'adapter à un nouveau contexte, de se trouver de nouveaux camarades, etc… C'est aussi le tissu relationnel qui s'avère parfois difficile à reconstituer : la famille met du temps à se créer des amitiés hors du milieu en général restreint des expatriés, et ceci peut engendrer des comportements de "mal du pays", voire de dépression. A ces différents problèmes, il est nécessaire de rajouter la complexité de procédures administratives chronophages, qui ont tendance à effrayer les candidats au départ.

 

Une demande de travail croissante pour les travailleurs mobiles, mais encore peu “ institutionnalisée ”

 

 

La fin des années 1990 a été marquée par des vagues de fusions-acquisitions liées à l'internationalisation de l'économie et à la recherche par les entreprises d'une taille critique afin de faire face à la mondialisation des marchés. Pour s'adapter à ce contexte, les entreprises ont dû renforcer leurs effectifs de main-d'œuvre qualifiée apte à travailler en dehors d'un contexte strictement national. Elles ont aussi compris la nécessité d'insuffler une culture d'entreprise transnationale (ou du moins internationale), et d'utiliser la mobilité à l'intérieur de l'entreprise ou du groupe comme facteur de formation et d'adaptation.

La mobilité internationale peut aussi être un élément d'une politique plus générale de gestion stratégique et politique des entreprises. En effet, dans la pratique, on constate que ce sont souvent des salariés natifs du  pays du "centre de gravité" de l'entreprise qui, dans les filiales étrangères, assument des fonctions de direction ; la nationalité du "pays d'origine" de l'entreprise est en effet souvent considérée comme une précieuse garantie de loyauté. Par ailleurs, le mode de gestion des carrières des grandes entreprises internationales a favorisé le développement de cette forme de mobilité professionnelle : les plans d'évolution des "cadres à potentiel" dans les grandes entreprises incluent souvent aujourd'hui un passage à l'international, et ceux qui passent à côté de cette expérience prennent le risque de voir leur progression ralentie. Par exemple, la société Bosch recrute de jeunes diplômés qui, durant deux ans, découvriront différentes filiales européennes dans le cadre d'un "trainee program7 " avant de prendre une fonction de management.

Le coût de ces opérations demeurant important8 , les entreprises souhaitent désormais optimiser le coût financier des politiques de mobilité interne : les pratiques antérieures d'expatriation, souvent très rémunératrices pour le salarié, tendent à se raréfier. Les entreprises préfèrent aujourd'hui avoir recours à des contrats locaux ainsi qu'à toute autre formule moins onéreuse. Mais ces ajustements ont malheureusement aggravé certains effets pervers liés aux politiques de mobilité internationale.

De fait, les systèmes de gestion des carrières au niveau international connaissent encore de nombreux dysfonctionnements. Une des principales difficultés rencontrées concerne la sélection des personnes appelées à vivre une expérience de mobilité géographique internationale : les spécialistes (en général DRH internationaux ou responsables mobilité internationale) sont insuffisamment impliqués (parfois même court-circuités) dans le processus de décision, ce dernier relevant souvent d'un processus opportuniste. De même, la coordination de ce type de politiques entre les différents centres nationaux de décision ne semble fonctionner que de façon embryonnaire. Le retour de l'expatrié est malheureusement dans de nombreux cas un moment mal géré, le salarié revenant souvent dans des conditions professionnelles difficiles, avec une fonction floue ou en attente d'être libérée... De même, la cellule familiale n'est pas toujours suffisamment prise en compte dans le cadre de la politique de mobilité9 .

La complexité de gestion tant technique qu'humaine de la mobilité internationale demande donc la présence de spécialistes au sein des entreprises. Ceux-ci doivent maîtriser des données sociales, fiscales, organisationnelles, etc. On constate de fait une professionnalisation de la fonction, surtout au sein des grandes entreprises10 .

Le rôle du DRH international est ainsi appelé à devenir plus stratégique, mais aussi à mieux prendre en compte la cellule familiale ainsi que la problématique du retour. Cette "montée en puissance" de la fonction permettra de mieux accompagner la diminution souhaitée des coûts de la mobilité en développant le recours à des techniques alternatives, mais aussi en optimisant la gestion de missions de courte durée, ayant vocation à se multiplier. Mais l'optimisation du système de gestion de la mobilité intra-communautaire ne peut pas seulement relever des acteurs constituant l'offre et la demande : elle se heurte à un certain nombre de problèmes structurels qui appellent l'action d'instances de régulation.

La nécessité de nouvelles régulations pour l'instauration d'un marché européen du travail

Des règles juridiques, sociales et fiscales qui génèrent encore des distorsions

 

La liberté de circulation des travailleurs au sein de l'UE, mais aussi le droit d'accéder au marché du travail, sont inscrits dans le droit communautaire. Les citoyens de l'UE peuvent donc circuler librement entre les Etats membres ainsi qu'au sein de l'EEE11  (Espace Economique Européen). Ce droit s'applique aussi à la famille des personnes en situation de mobilité, c'est-à-dire à leur conjoint ainsi qu'aux enfants de moins de 21 ans. Sur le plan juridique, la mobilité du travail au sein de l'Union est donc assurée. Mais il en va autrement dans la pratique. En effet, certains pays délivrent des documents administratifs dans un laps de temps parfois trop long par rapport aux besoins de réactivité des entreprises. De plus, dans certains Etats-membres, des régimes dérogatoires perdurent, et ceci pas seulement pour les métiers liés à la souveraineté nationale.

En matière de protection sociale, la réglementation européenne (en l'occurrence les règlements 1408/71 et 574/72) assure le même traitement aux citoyens européens salariés et indépendants qu'aux nationaux. Ce système permet ainsi de conserver ses droits y compris après une période de mobilité, en matière de retraite, santé, assurance-chômage, etc. Cependant, cette garantie ne s'applique qu'aux domaines obligatoires au titre de la législation européenne ; c'est pour cette raison que les droits acquis pour la retraite complémentaire ne font pas l'objet d'un transfert, ce qui engendre une perte de droits très substantiels pour le travailleur. Ces lacunes du droit communautaire ne favorisent pas la mobilité au sein de l'UE : on comprend sans peine l'incertitude et la frustration d'un cadre espagnol ayant travaillé successivement en Grande-Bretagne et en France au moment de calculer ses droits à la retraite… Pour tenter de remédier à ce problème, la commission a créé au début des années 1990 le programme TESS (Télématique pour la Sécurité Sociale). Malgré ces initiatives, il est encore difficile de parler d'un travailleur européen bénéficiant d'une assurance sociale homogène et fiable, tant les parcours demeurent risqués.

La fiscalité est aussi un domaine pour lequel la diversité demeure importante : en matière de taux, d'assiettes mais aussi de modes de recouvrement. La nature même des impôts peut différer, certaines taxes étant le reflet de particularités nationales. Au-delà de ces différences, la prise en compte de situations concrètes permet d'effectuer des comparaisons sur lesniveaux de prélèvements, notamment sur les populations spécialisées à haut revenu. Il est évident que les taux diffèrent d'un pays à l'autre (parfois très fortement), ce qui peut engendrer quelques réticences face à la mobilité. L'importante distorsion de marché que peut représenter l'hétérogénéité fiscale peut être compensée par l'existence de régimes fiscaux spécifiques pour les étrangers ; en outre les différences de pression fiscale peuvent correspondre à des différences dans les prestations sociales et dans la qualité des services publics (infrastructures de transport et de loisirs, santé, éducation, etc…). A terme, toutefois, le risque d'une concurrence fiscale frontale au sein de l'Union est réel ; si bien que l'harmonisation des pratiques des Etats-membres sera probablement indispensable.

Les différents obstacles évoqués ci-dessus ne font pas du travailleur européen, théoriquementhomo oeconomicus rationnel, un citoyen prêt à changer rapidement de pays et de lieu de résidence en toute transparence afin d'améliorer son revenu. Pour améliorer le fonctionnement de ce marché européen du travail, encore naissant, des mesures de régulation apparaissent indispensables.  

 

Une nécessaire action publique pour achever ce marché

 

L'identification des principaux dysfonctionnements énumérés plus haut fait l'objet d'un consensus, et les différentes études et recommandations convergent en direction de réformes structurelles du marché européen de l'emploi. Celles-ci engageront de nombreux acteurs ; elles devront prendre en compte les aspects fiscaux, sociaux et administratifs, mais aussi des questions d'éducation, de formation professionnelle, de coordination des différentes politiques publiques, etc. Le rapport de la Task force de haut niveau sur les compétences et la mobilité, commandé par la Commission européenne, met en évidence un certain nombre de voies d'action possibles.

La principale inquiétude exprimée par la task force porte sur la diversité excessive des systèmes de formation initiale et continue. Ainsi, un système plus transparent de reconnaissance des diplômes au niveau européen apparaît nécessaire quel que soit le niveau. Dans ce sens, le projet U3M (instaurant un système homogène aux niveaux bac + 3, 5 et 8) constitue une avancée notable. Cette reconnaissance diminuerait le risque professionnel pour les travailleurs en situation de mobilité. Par ailleurs, on constate que les niveaux d'éducation des entrants sur le marché du travail varient encore fortement d'un pays à l'autre. La proportion moyenne de personnes ayant atteint un niveau de formation de l'enseignement supérieur en UE est de 20,5% en 199612 , la fourchette oscillant entre 10% et 31% selon les Etats membres. Ces taux doivent être homogénéisés, mais aussi relevés pour répondre à une demande de travail s'orientant de plus en plus vers les profils qualifiés.

Toujours en matière d'éducation, l'enseignement linguistique souffre en général d'un trop faible investissement, la pratique de trois langues devant à l'avenir s'imposer comme une norme pour les travailleurs qualifiés. A ce sujet, si 93% des enfants européens étudient l'anglais dans leur cursus secondaire, seulement 33% apprennent le français et 15% l'allemand ; les autres langues, elles, se situent à un niveau encore inférieur. La proposition de la task force de créer un socle commun de compétences incluant la pratique des langues, la maîtrise des outils informatiques, ainsi qu'une bonne culture générale constitue donc une avancée.

Deux autres types de réflexion doivent être menées pour améliorer la mobilité au sein de l'UE : la première porte sur les conditions d'une meilleure attractivité des pays d'accueil, et la seconde sur les effets de la mobilité internationale sur l'économie des pays d'origine et des pays d'accueil. Sur le premier point, il est clair que certains pays ont déjà choisi d'assouplir leur politique d'immigration en direction des travailleurs qualifiés ; la réforme du gouvernement Schröder en Allemagne instaurant un système de green card en est une bonne illustration. Ce souci d'attrait se retrouve aussi à un niveau plus global (afin d'attirer des compétences mais aussi des investissements), comme en témoigne en France la publication en 2001 du rapport du député Michel Charzat13  ; les initiatives en faveur de l'attractivité des territoires souvent ont été stimulées par la pénurie de compétences que les pays de l'UE ont connue durant la période de forte croissance de la fin des années 1990.

Ce débat a progressivement permis aux Etats membres d'adopter une position plus nuancée sur les politiques d'immigration vis à vis des pays-tiers, même si les opinions publiques restent souvent réticentes sur ce point. Les Etats ont adopté une approche plus gestionnaire, afin de répondre aux besoins de leur économie, mais aussi plus sélective (les besoins portant sur des profils spécialisés et d'un bon niveau de technicité).

La question des effets de la mobilité internationale sur l'économie doit aussi être examinée, celle-ci étant parfois assimilée à un phénomène de fuite des cerveaux pour les pays “ exportateurs ” de main-d'œuvre. La réalité s'avère en la matière plus nuancée. Les travailleurs qualifiés participent dans les faits davantage d'un phénomène de circulation que d'exode. Différentes études économiques, dont celles effectuées par l'OCDE , montrent que l'on peut se retrouver face à une configuration gagnant-gagnant.

Les pays d'origine, s'ils ne sont pas touchés par des événements politiques majeurs tels que la guerre, ou par un retard de développement important (ce qui n'est pas le cas au sein de l'UE), bénéficient d'avantages réels. Ils bénéficient de l'entrée de devises provenant de leurs expatriés, voient leurs salariés qualifiés obtenir des emplois d'un bon niveau que leur marché ne pourrait offrir et profitent du retour sur investissement (en terme de capital humain) que constitue le retour au pays. L'exemple des diplômés d'écoles de commerce marocaines présents en France en est une bonne illustration.

Les pays d'accueil, pour leur part, bénéficient ainsi d'une augmentation du stock de capital humain disponible, d'une stimulation de la capacité d'innovation, d'un “ effet de place ” en termes professionnels et scientifiques (la nationalité de naissance de nombreux prix Nobel des Etats-Unis en est une bonne illustration), et d'une hausse du nombre de créations d'entreprises. Ce raisonnement sur la mobilité s'applique aussi bien aux pays membres actuels, aux dix pays intégrés en 2004, qu'aux  pays tiers.

 

Des barrières à abattre et un système européen à bâtir

 

La question de la mobilité du travail au sein de l'Union Européenne, pour être analysée, doit intégrer les coûts et avantages pour l'individu et la structure familiale. Ce coût, pour l'offre et la demande, est à l'heure actuelle encore trop élevé. Sa diminution en termes économiques, sociaux et psychologiques, à l'initiative des acteurs publics, permettrait de relancer une dynamique de mobilité entre Etats membres afin de parvenir à un marché du travail réellement européen. Mais aujourd'hui la notion de travailleur européen demeure plus qu'embryonnaire, même si l'on se restreint au milieu des travailleurs qualifiés.

Il est envisageable qu'à l'avenir apparaissent des comportements de “ shopping ”, d'opportunisme de la part des citoyens européens ; de tels comportements pourraient paradoxalement contribuer à l'homogénéisation des systèmes intracommunautaires, les travailleurs qualifiés et très qualifiés (salariés, intérimaires ou indépendants) cherchant alors le meilleur rapport prélèvements obligatoires / service public.

L'Europe du travail est donc une étape à venir de la construction de l'Europe économique, comme l'a été l'Europe monétaire. L'ouverture à dix nouveaux pays à l'horizon 2004 pourrait permettre d'accélérer le processus d'achèvement de ce marché, tout en posant de nouvelles questions liées aux disparités de niveaux de vie.

 

[1] Ces chiffres sont issus de l'enquête Eurobaromètre 54.2 de 2001.

[2] Eurostat, " La situation sociale dans l'Union Européenne Résumé", 2002, p. 12. Ces données prennent en compte toutes les raisons de mobilité, y compris celles qui n'ont pas de finalité professionnelle.

[3] Ce constat est dressé dans l'étude citée ci-avant. Il y est aussi souligné que les Etats-Unis connaissent des niveaux de mobilité plus élevés.

[4] Ce constat est dressé par le rapport final de la task force de haut niveau sur les compétences et la mobilité. “ High level task force on skills and mobility ”, rapport à la Commission européenne en date du 14 décembre 2001.

[5] Philippe d'IRIBARNE, La logique de l'honneur. Gestion des entreprises et traditions nationales, Editions du Seuil, 1989.

[6] Ce sujet a été abordé dans une étude KPMG / Avenirexpat / Entreprise et carrières. Etude consultable en ligne sur le site www.avenir-expat.com.

[7] Le " trainee program" ne connaît pas de traduction correcte en langue française, mais correspond à des programmes de formation pour de jeunes diplômés à potentiel.

[8] Doivent ainsi être supportés par l'entreprise les coûts liés au déménagement du salarié et à son adaptation à son nouveau milieu (cours de langue, éventuellement dispensés aussi à son conjoint, conseils pour la scolarité des enfants, …), plus une " prime d'expatriation" dont le montant varie selon l'entreprise et le pays d'accueil.

[9] A ce sujet, un texte d'Isabelle Huault et Pierre Romelaer, intitulé “ International career management : the relevance of the garbage can model ”, est en ligne sur le site du CREPA,
 http://www.dauphine.fr/crepa/ArticleCahierRecherche/CahierdeRecherche/cahier80.pdf. 
[10] Cf enquête Entreprise et carrières / Avenir Expat / KPMG sur “ le devenir du métier de DRH international (Responsable mobilité) ”, consultable sur internet à cette adresse : www.avenir-expat.com.

[11] En plus des quinze pays européens, l'EEE compte trois pays : l'Islande, le Liechtenstein (depuis 1995) et la Norvège.

[12] Données de l'OECD employment outlook 1996 citées par le rapport de la task force. 

[13] Rapport consacré à l'attractivité du site France.
  “ La mobilité internationale des travailleurs hautement qualifiés ”, Synthèses OCDE, juillet 2002.
 

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