La fusion BNP Paribas

La fusion BNP Paribas

Après l'annonce du projet de fusion entre Paribas et la Société Générale le 1er février 1999, la BNP lance dès le 9 mars deux offres publiques d'échanges (OPE) sur la Société Générale et Paribas, proposant 11 actions BNP pour 8 Paribas, et 15 actions BNP pour 7 Société Générale. "Doter la France d'un groupe bancaire de taille européenne s'appuyant sur une base nationale solide", tel est le projet de rapprochement "SBP" lancé par la BNP.

Le Conseil des Marchés Financiers juge cette double OPE recevable. Fin août, il annonce les résultats définitifs : la BNP détient 37% du capital et 32% des droits de vote de la Société Générale, et 65% du capital et 65% des droits de vote de Paribas.

L'Assemblée Générale Mixte du 23 mai 2000 entérine la création du nouveau groupe BNP Paribas ; avec un résultat net de 1 348 millions d'euros et 77 000 collaborateurs dans 83 pays du monde, BNP Paribas se classe d'emblée aux premiers rangs français et européens. Il tire sa force des deux grandes lignées bancaires dont il procède avec une double ambition : se développer au service de ses actionnaires, de ses clients et de ses salariés et construire la banque de demain en devenant un acteur de référence à l'échelle mondiale.

Histoire des protagonistes

BNP

Le 4 mai 1966, le Ministère des Finances annonce dans un communiqué "la fusion de la BNCI et du CNEP en un établissement qui prendra le nom de Banque Nationale de Paris". Ce rapprochement intervient dans un contexte de réformes et de concentration bancaires initié par le Ministre des Finances Michel Debré, en vue de "renforcer la structure des grandes banques pour développer leur action dans le domaine du crédit à l'intérieur et à l'extérieur".

Le nom de la nouvelle banque emprunte de manière un peu paradoxale un élément à chaque établissement prédécesseur : le "nationale" de la BNCI avec le "Paris" du Comptoir. Henry Bizot, ancien président du CNEP, est nommé président du nouvel établissement, tandis que Pierre Ledoux, ex-Directeur Général de la BNCI, en prend la Direction Générale. La BNP installe son siège dans les immeubles de la BNCI, boulevard des Italiens.

Au printemps 1973, sur toutes les ondes, dans la presse, sur les murs, à la télévision, un personnage au sourire en coin confie aux Français : "Pour parler franchement, votre argent m'intéresse". Au travers de cette campagne, la BNP s'adresse à la clientèle privée "non bancarisée", et s'attache à faire de la banque un produit grand public. Cette action publicitaire met l'accent sur la notion de partenariat et d'intérêt partagé entre le banquier et son client. Elle s'inscrit dans une phase d'essor général du secteur bancaire et de forte expansion de la bancarisation. En 8 ans, le nombre de comptes déposés à la BNP fait plus que doubler : il passe de 2 millions en 1966 à 4,5 millions en 1974.

La BNP continue de s'étendre aux quatre coins du globe. En Europe, elle s'associe avec sept autres établissements dont la Dresdner Bank pour former le club bancaire ABECOR. En 1979, dirigée par Jacques Calvet, elle affermit son implantation en Amérique du Nord en acquérant la totalité du capital de la Bank of the West, qui fusionne avec sa filiale la French Bank of California.

Succédant à René Thomas, Michel Pébereau quitte la présidence du Crédit Commercial de France pour prendre celle de la BNP en juillet 1993. Il vient préparer la privatisation imposée par la loi du 19 juillet 1993, effective en octobre. L'opération recueille en 10 jours 2,8 millions de souscriptions, dont plus de 1,6 millions de clients de la banque.

La privatisation donne à la BNP son indépendance. Michel Pébereau décide de centrer le développement de la banque sur ses deux grands métiers historiques :

  • La banque de proximité en France, au service des particuliers et petites et moyennes entreprises ;
  • La banque de grande clientèle à l'échelle mondiale, au service des entreprises, des institutions financières et d'une clientèle privée désireuse d'assurer une gestion internationale de son patrimoine.

La mise en œuvre de cette stratégie s'appuie sur de solides alliances, notamment avec l'UAP (Union des Assurances de Paris), numéro 1 de l'assurance en France et la Dresdner Bank, deuxième banque allemande.

Paribas

La loi du 13 février 1982 décide la nationalisation de cinq grandes sociétés industrielles, trente-neuf banques inscrites, et des deux compagnies financières, Suez et Paribas ; c'est avec la nationalisation de 1982 qu'apparaît le nom de Paribas : Compagnie Financière de Paribas, banque Paribas.

Michel François-Poncet, président directeur général, mène avec succès la privatisation imposée par la loi du 2 juillet 1986 : la banque Paribas compte 3,8 millions d'actionnaires individuels. Une nouvelle organisation structurelle en lignes de métier mondiales est mise en place en 1990 : banque commerciale, activités de marché, gestion institutionnelle et privée, conseil. Paribas Affaires Industrielles gère les participations industrielles et commerciales.

A partir de 1997, la banque Paribas mène une politique active d'acquisitions et de cessions : elle lance des OPE sur le Cetelem et la Compagnie Bancaire dont elle est le principal actionnaire depuis 1969. Elle cède dans le même temps le Crédit du Nord à la Société Générale et vend ses filiales à réseau en Belgique et aux Pays-Bas au groupe belge Bacob-Arco. L'ensemble Paribas naît le 12 mai 1998 : l'Assemblée générale des actionnaires ratifie la fusion de la Compagnie Financière de Paribas, de la banque Paribas et de la Compagnie Bancaire.

Le contexte de l'acquisition et l'approche menée par BNP

Le contexte bancaire européen (1990-1999)

Jusqu'en 1989, la directive de coordination relative aux activités bancaires (établie en 1977) avait permis de fixer des principes communs aux banques et institutions de crédit européennes. Cependant, à cette date, il n'y avait toujours pas de véritable marché unifié des activités bancaires européennes, notamment parce que les services bancaires ne pouvaient pas être offerts à travers les frontières de tous les pays membres, et parce qu'il restait très difficile de créer des succursales dans les pays membres.

La directive de décembre 1989 va permettre de lever ces obstacles. Elle entre en application en 1993. A partir de cette date, n'importe quel établissement financier ressortissant européen peut s'installer dans n'importe quel Etat de la CEE moyennant des critères prudentiels (solvabilité, fonds propres…). Dès lors, la libéralisation et la déréglementation du marché bancaire européen permettent aux banques d'entrevoir des stratégies de consolidation au niveau national puis européen.

Ainsi à partir de 1996 les mouvements de rapprochement entre établissements français se sont multipliés : en 1996, le Crédit agricole a acquis Indosuez et Sofinco ; en 1998, les Banques populaires ont racheté Natexis tandis que le Crédit mutuel prenait le contrôle du CIC.

L'acquisition de Paribas

Le 1er février 1999, la Société Générale émet une offre publique d'échange sur Paribas. Pour la Société Générale, déjà très implantée à Londres et à New York, Paribas représente une filiale d'investissement. L'acquisition donnerait à la Société Générale la possibilité de créer de nouveaux services en mêlant les prestations offertes par une banque de détail d'une part et d'investissement d'autre part avec un réseau de distribution couvrant toute la zone Euro.

Cette offensive risque de marginaliser la BNP qui se doit donc de réagir. Le 9 mars 1999, la BNP dépose des offres publiques d'échange sur la Société Générale et Paribas. L'acquisition se ferait par remise pour 8 actions Paribas de 11 actions BNP à émettre, et pour 7 actions Société Générale de 15 actions BNP. La BNP a fait fi de toutes les conventions en proposant au marché deux offres hostiles simultanées. La BNP est l'initiatrice d'un changement de culture dans le secteur bancaire français. Elle a osé casser les tabous qui prévalaient jusqu'ici en matière de respect des règles hiérarchiques. Le 23 Août 1999, après une longue bataille boursière, le CMF publie les résultats définitifs : la BNP détient 65% de Paribas et 37% de la SG.

Les intérêts de la fusion

L'acquisition de Paribas constitue pour la BNP une opportunité de diversifier son portefeuille d'activités bancaires. La BNP attend de cette acquisition des synergies de coûts (700M€ /an jusqu'en 2003, surtout dans les systèmes d'information, les achats et le personnel) et des synergies de revenus (150M€). Dans cette opération, la complexité et les risques organisationnels sont importants : le langage et la conception du client sont différents, et il risque d'y avoir un turnover important car les employés de la Banque d'investissement sont très courtisés. Or des départs en masse auraient un impact très négatif sur la confiance dans la fusion.

L'intégration de Paribas n'est pas une absorption mais plutôt une coordination : les structures de Paribas sont laissées en place, mais des fonctions transverses fortes sont créées. Le pôle Banque de Financement et d'Investissement est donc resté assez autonome. En revanche la BNP a mis en place des fonctions transverses pour les services Finance (audit contrôle), Ressources Humaines (Gestion des carrières, des rémunérations, développement social), Stratégie et développement, Informatique (Comité des Opérations Systèmes) et  Communication.

La mise en œuvre des projets d'intégration

La direction générale de BNP Paribas a fait le choix de trois principes fédérateurs pour diriger le processus d'intégration : vitesse, encadrement, pragmatisme et équité.

La vitesse d'abord, pour profiter du bénéfice de la fusion. Cette volonté d'aller vite se traduira par une méthode : 6 jours, 6 semaines, 6 mois , à l'issue desquels le processus d'intégration devra être terminé.  La nomination des responsables devra être rapide pour que des groupes de travail puissent être lancés au plus vite.

L'encadrement, pour suivre de près le processus d'intégration afin d'éviter les écueils. Un consultant extérieur sera présent dès le début de la fusion et tout le long du projet, et des ressources internes seront dédiées uniquement à la fusion : 50 tasks forces, 450 groupes de travail, 3000 participants.

Pragmatisme et équité, enfin, liés à la volonté de choisir des systèmes existants afin d'obtenir le meilleur des deux groupes. Ainsi BNP et Paribas avaient chacun leur système informatique. Le nouveau groupe n'a pas voulu en réinventer un troisième, et il a donc fait le choix entre l'un des deux systèmes et l'a optimisé. Concernant le choix de l'outil permettant une utilisation pour l'ensemble du groupe, il a souvent été décidé de prendre le système BNP même si le système Paribas était plus fonctionnel. Malgré des réalisations réussies (choix rapide des systèmes à mettre en place), le processus d'intégration a cependant rencontré des difficultés au niveau des systèmes d'information. En effet, il y a eu une sous-estimation des problèmes informatiques qui a engendré des retards sur la mise en œuvre (en particulier la migration de bases de données).

 

La gestion du changement et des talents

La gestion des Ressources Humaines

La gestion du changement s'est d'abord traduite par une convergence accélérée des systèmes RH . Un plan de convergence des deux systèmes a été mis en place, en ligne avec le plan industriel et les objectifs de synergies. Un travail d'harmonisation des régimes sociaux, commencé en 2000, a permis d'aboutir en 2002 à la signature de 30 accords d'entreprise. Jusqu'en 2001, les systèmes d'évaluation ont été conservés pour être finalement remplacés durant l'année 2001 par un système d'évaluation global validé par les partenaires sociaux. En ce qui concerne les rémunérations, la mise à niveau des salaires fixes et variables a commencé en 2001 et les salaires sont harmonisés depuis 2003. Enfin, pour la gestion des carrières, les postes clés ont d'abord été identifiés (entre 1100 et 1200 postes) puis en 2001 un dispositif de gestion des carrières fondé sur les ex-systèmes Paribas et BNP a été mis en place et est opérationnel depuis 2002.

L'ensemble du projet d'intégration a été facilité par l'application d'un processus rigoureux pour les nominations et de principes clairs et transparents d'intégration. Ce dispositif a permis de gérer avec succès la transition des équipes  pour développer la nouvelle entité. Les suppressions de postes, qui représentaient l'essentiel des synergies à réaliser, ont été gérées en douceur. Il n'y a pas eu de réduction d'effectifs en France, mais 4 500 postes ont été supprimés à l'étranger. Le risque de turnover a lui aussi été bien géré puisque les départs ont été limités. Même si BNP Paribas a perdu un certain nombre de ses talents dans sa filiale de Londres, cette perte a été finalement toute relative par rapport à la taille de la fusion et aux risques encourus. Enfin la transition des équipes a été réussie car les équipes étaient fortement impliquées dans le projet et mobilisées autour de valeurs communes. L'implication des équipes des deux cotés était indispensable pour mettre en œuvre la nouvelle entité.

La création d'une culture d'entreprise commune

Il a également fallu inclure dans le processus d'intégration la convergence de deux cultures différentes. La BNP était une banque de détail axée sur la maîtrise des coûts et la gestion des volumes, avec des lignes hiérarchiques fortes, le français comme langue de travail et une perception différente du client par rapport à Paribas. Paribas était une banque multi-métiers, réactive, ayant l'anglais comme langue de travail et pour valeur la communication directe et la centralisation des décisions au niveau de chaque métier. La culture de BNP Paribas doit désormais se consolider autour des valeurs définies par le groupe. Il s'agit de  la créativité, c'est à dire faire des efforts d'innovation constants afin de progresser en permanence et la réactivité, c'est-à-dire adapter rapidement l'organisation aux attentes des clients comme aux évolutions des marchés et des techniques, et favoriser la responsabilité individuelle, et ce à tous les niveaux.

Ce processus a commencé par l'abandon du logo BNP, " très daté années 1980 ", selon Baudouin Prot, directeur général.  Le logo actuel a été choisi les 24 et 25 février 2000 lors d'une réunion des 80 principaux responsables du groupe. Le groupe a profité de Roland Garros pour dévoiler ce nouveau logo au public. Fin 2000, plus de la moitié des 2000 agences BNP Paribas en France ont été aménagée selon la nouvelle identité visuelle. Quant au nom du nouveau groupe, il s'agissait de conserver l'identité des deux sociétés, les clients de BNP étant attachés à cette marque et les clients haut de gamme et les entreprises étant sensibles à la marque Paribas. Pour Antoine Sire, directeur communication de BNP Paribas, il fallait " allier la solidité, le professionnalisme et la proximité de BNP à l'image plus élitiste et audacieuse de Paribas"

Bilan et création de valeur

Lors de la fusion, le montant des synergies avait été estimé à 850 millions d'euros. Cet objectif devrait être atteint en avance sur le planning. La forte croissance organique et le cross-selling ont permis de réallouer les capitaux sur les activités Banque de détail et Gestion d'actifs, plus rentables pour le groupe.

A fin 2001, les synergies de coûts ont contribué à hauteur de 2,6 points à la baisse du coefficient d'exploitation entre 1999 et 2001, ce qui place BNP Paribas à la quatrième place en Europe sur ce critère . Après avoir été une des plus faibles valeurs du secteur bancaire en 1999, BNP Paribas a ainsi enregistré une des plus fortes hausses parmi les concurrents européens .

Cependant BNP Paribas reste nettement en dessous de ses concurrents britanniques en termes de création de valeur pour l'actionnaire.

Le cadencement rapide du processus d'intégration et des nominations a été un facteur de succès certain lors de la fusion. " Le fait de savoir si on va avoir un job (et lequel) est très important dans un métier comme la banque de financement et d'investissement où il est facile de retrouver un emploi. De plus l'organisation donne un repère, des signaux aux gens. Elle traduit une stratégie. En ce sens, BNP Paribas a très bien su gérer sa fusion" , commente un cadre. L'implication du management et de la direction ont également été une force du processus ; les équipes étaient convaincues d'avoir une direction générale de qualité et ont ainsi adhéré aux objectifs du nouveau groupe.

Cependant, certains points précis auraient pu être améliorés. Il y a eu des difficultés de communication avec les entités du groupe à l'étranger qui ne se sont pas toujours senties très concernées par la fusion. D'autre part, il y a eu une sous-estimation des problèmes logistiques et informatiques. " Pour une prochaine opération, on aura une approche beaucoup plus fine sur les systèmes d'information, car nous n'avons pas été très bon sur ce sujet. On pensait pouvoir aller plus vite dans le basculement des systèmes" . Enfin, dans le processus de nomination, il y a eu un goulot d'étranglement au niveau de l'approbation des nominations des N-3 et N-4 : " M. Pébereau devait signer toutes les lettres de nomination et il ne pouvait s'en occuper tout de suite" , d'où quelques ralentissements dans le processus.

Aujourd'hui BNP Paribas est la première banque française et la première banque continentale européenne. C'est un groupe puissant et performant issu d'une fusion réussie. De 1999 à 2002, elle a bien su gérer sa fusion et notamment la gestion du processus d'intégration. Elle devra savoir tirer la leçon de ses quelques erreurs dans le futur afin d'être encore plus performante lors de ses prochaines acquisitions.

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