La responsabilité sociale de l'entreprise

INTRODUCTION

Le concept de Responsabilité sociale de l’entreprise (RSE)  est constitué de trois termes, traduits de l’anglo-américain CSR (corporate social responsibiliy) qui peuvent donner lieu chacun à de multiples interprétations.

La notion de responsabilité, tout d’abord, renvoie à celle d’obligation, qu’il faut distinguer de la faute. En effet, alors que l’idée de faute met en relief les nuisances causées par l’entreprise, et par conséquent la réparation des dommages causés, celle de responsabilité est aujourd’hui synonyme d’engagement. Etre responsable, c’est agir de telle façon que les actions ne compromettent pas la possibilité de la vie future sur terre. Dans ce cas, on mettra l’accent sur la prévention des risques, que ceux-ci soient « majeurs » ou « mineurs ». Cette conception de la responsabilité la situe dans le champ du développement durable.

Le terme « social » est assez ambigu car il peut désigner des aspects qui renvoient au champ des relations employeurs-salariés, mais aussi faire référence à tout ce qui relève de la société en général. On utilisera alors le terme « sociétal » pour apprécier les effets globaux de l’activité d’une entreprise sur tout son environnement. Cette responsabilité sociétale est assez floue puisqu’on estime généralement qu’elle recouvre aussi bien des responsabilités discrétionnaires (laissées à la libre appréciation de l’entreprise, comme les activités philanthropiques), des responsabilités éthiques (responsabilités que l’entreprise doit assumer, bien qu’elles ne soient pas codifiées par la loi, comme les normes sociales), des responsabilités légales (nécessité pour les entreprises de se soumettre aux lois en vigueur dans une société) et des responsabilités économiques (rôle classique de l’entreprise, à savoir la capacité à produire des biens et des services dans des conditions données de profitabilité).

Quant à l’entreprise, on en trouve les définitions les plus diverses. Aux deux extrêmes de celles-ci, faut-il la concevoir comme une réalité substantielle ou au contraire comme une enveloppe artificielle qui accueille un nœud de contrats ? Dans l’approche contractuelle, la responsabilité sociale de l’entreprise se limite aux actions destinées à améliorer la rentabilité pour ses propriétaires, à savoir les actionnaires. Dans l’approche substantialiste, l’entreprise vise l’ensemble de ses partenaires qui sont intéressés par ses prises de décision. On parle alors des « parties prenantes » dont les contours sont variables selon que l’on considère les parties prenantes primaires (celles qui sont impliquées directement dans le processus économique comme les actionnaires, les salariés,…) et secondaires (celles qui ont des relations avec les firmes dans le cadre d’un contrat implicite ou moral comme les associations de riverains, les collectivités territoriales,…), les parties prenantes volontaires et involontaires (selon qu’elles acceptent ou non d’être exposées à certains risques), et les parties prenantes légitimes et celles qui le sont moins.

I - HISTOIRE DE LA NOTION

A) La conception anglo-saxonne de la RSE

Les origines de la RSE sont présentes dès le XVIIIème siècle,  avec par exemple le boycott par des consommateurs anglais du sucre de canne des Caraïbes. Quant aux premières actions de responsabilité sociale des entreprises, elles remontent à la fin du XIXème siècle aux Etats-Unis. Les grandes villes américaines formaient alors des compagny towns : une ville se constituait autour d’une activité industrielle (mines, chemins de fer,…), et en l’absence d’un Etat providence jouant un rôle significatif dans l’éducation, la santé, et aussi la protection des travailleurs, c’est l’entreprise qui était propriétaire des infrastructures (logements, hôpitaux, banques, écoles, églises,…). Les ouvriers étaient bien souvent liés à leur employeur par une dette à rembourser, et leur santé et l’éducation de leur famille en dépendaient aussi étroitement.

Il faut attendre les années 1960 pour que le débat sur la RSE connaisse un véritable essor aux Etats-Unis, alors que les entreprises étaient régulièrement attaquées pour discrimination à l’embauche ou pollutions occasionnées par leurs activités. L’expression a pris naissance avec le concept de Corporate social responsability attribué à H.R BoweN ( Social Responsability of Businessman, 1953), qui met l’accent sur la bienfaisance comme corollaire du principe de responsabilité en privilégiant les relations contractuelles. Sa vision se résume dans la formule « profit d’abord, philanthropie ensuite ». Dans les années 1970, la RSE a pris de l’ampleur suite aux mouvements divers de la société civile dans un contexte de mondialisation croissante des activités économiques.  En même temps que l’enracinement territorial des entreprises recule, celles-ci s’impliquent davantage dans la société où elles interviennent. C’est ainsi que J. Eklington (Cannibal with Forks. The Triple Bottom Line of 21 st Century Business, Capstone Publishing Limited, Oxford, 1994) a popularisé la notion de triple bottom line (people, planet, profit) pour exprimer l’idée que le résultat de l’entreprise ne s’apprécie pas seulement selon des critères économiques, ce qui ouvre la voie à un véritable « marché de vertu » destiné à redonner une légitimité morale aux grandes entreprises. C’est aussi à cette époque que se structure l’opposition entre les modèles « shareholdering » et « stakeholdering » de l’entreprise. Pour M. Friedman et le courant libéral de l’école de Chicago, la responsabilité sociale de l’entreprise ne s’exerce que par les seules décisions destinées à améliorer la rentabilité pour les actionnaires : l’’entreprise n’est responsable que devant ses « shareholders ». En revanche, pour E.R Freeeman, ( A stakeholder Theory of the Modern Corporation », 1984), la responsabilité de l’entreprise s’étend à tous les acteurs ayant un intérêt dans l’entreprise. La théorie des stakeholders (parties prenantes) remet en cause la primauté des actionnaires dans la gouvernance de l’entreprise. L’entreprise est alors insérée dans un ensemble avec des partenaires qui ne sont plus seulement des adversaires, mais des acteurs intéressés par les activités et décisions de celle-ci.

En dépit de ces évolutions, dans l’approche anglo-saxonne, l’entreprise demeure une aventure individuelle et originale, destinée à générer du profit. Dans ces conditions, le bien commun est perçu comme la résultante des forces du marché, ce qui a pour conséquence que la RSE s’y résume à des activités philanthropiques qui peuvent avoir un poids considérable à travers le système des fondations d’entreprise, mais qui restent étrangères au cœur de métier de la firme.

B) La conception européenne de la RSE

En Europe, la RSE s’est développée dans les années 1970 pour justifier certaines réformes, et notamment celle du bilan social, que l’on peut définir comme une réflexion sur l’apparition d’instruments permettant de rendre compte des conséquences sociales des activités économiques. Ce bilan social est un instrument de dialogue avec les parties prenantes, et contribue au renforcement des possibilités de contrôle, non seulement des « shareholders », mais aussi des « stakeholders ». Par exemple, en Allemagne, des mesures ont été prises telles que la publication de rapports mettant en évidence les rétributions accordées aux différentes parties prenantes (Socialbericht), le calcul des charges et des apports à l’environnement (Socialrechnung), ou encore le « calcul élargi de rentabilité » (erweiterte Wirtschaftslichkeitsrechnung) préconisé pour les programmes gouvernementaux d’harmonisation du travail. En France, les dirigeants des grandes entreprises ont l’obligation d’établir un bilan social. Toujours en France, la conception dominante de la RSE la superpose notamment avec celle du développement durable, décliné au niveau de l’entreprise. En pratique, la mise en œuvre d’une RSE consiste à produire un progrès continu dans les domaines du social, de l’environnement, et de l’économique. Il s’agira alors de prendre en compte l’environnement de l’entreprise pour intégrer la qualité des filières d’approvisionnement et de la sous-traitance, l’empreinte écologique de l’unité de production, le bien-être des salariés,….

D’une manière plus générale, on peut dire qu’en Europe, le développement durable se conçoit avec l’intervention de la sphère politique. Les pays doivent dans ces conditions se doter d’une stratégie de développement durable impulsée par les pouvoirs publics.

Ainsi, la différence entre la RSE dans le monde anglo-saxon et dans le monde européen apparaît comme étant de nature philosophique. Alors que comme on l’a vu plus haut le bien commun dans le monde anglo-saxon demeure le fruit de l’agrégation des volontés individuelles, il est en Europe une construction politique qui nécessite débat et qui repose sur la croyance en la capacité des individus à transcender leur appartenance et leur identité pour former une société politique. Cette conception du bien commun a conduit les Européens à attacher beaucoup plus d’importance à la cohésion sociale et au développement durable que les anglo-saxons.

Toutefois, au-delà de ces différences, la Commission européenne a depuis le début des années 2000 (Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises, Livre vert, 2001)  adopté une définition qui cherche à ménager les deux perspectives : « être socialement responsable signifie non seulement satisfaire aux obligations juridiques applicables, mais aller au-delà et investir davantage dans le capital humain, l’environnement et les relations avec les parties prenantes ». De même, les lignes directrices ISO 26000 proposent une définition de la responsabilité sociale des organisations (donc de tous les collectifs de travail publics ou privés) qui cherche à satisfaire à la fois les Etats-Unis et l’Europe : « responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et l’environnement, par un comportement transparent et éthique qui contribue au développement durable incluant la santé et le bien-être de la société, prend en compte les attentes des parties prenantes, respecte les lois en vigueur, est compatible avec normes internationales de comportement, et est aussi intégré dans l’organisation et mis en œuvre dans ses relations ». La référence au développement durable satisfait les Européens, tandis que la référence à l’éthique est approuvée par les Américains.

II - RSE ET PILOTAGE DE L’ENTREPRISE : QUELQUES ILLUSTRATIONS DE LA REFLEXION PROSPECTIVE DANS LE SECTEUR BANCAIRE

A) RSE et prêt aux ménages

Depuis le milieu des années 1980, le nombre de ménages vivant en banlieue et en zone périurbaine s’est fortement accentué (respectivement +50% et +28%), dans la mesure où l’éloignement des centres-villes s’accompagne de l’accession à des logements plus abordables et plus confortables (« la maison individuelle avec jardin »…). Cette « périurbanisation » a bien sûr entraîné le développement de l’automobile, puisque les ménages qui habitent de plus en plus loin de leur lieu de travail ont davantage recours à un véhicule personnel. Pour l’instant, la périurbanisation n’a pas d’impact sur le budget moyen des Français, puisque les parts consacrées au logement (11,6%) et à l’énergie (8,4%) restent relativement stables dans le temps. Ceci dit, compte-tenu du défi énergétique à venir, cet arbitrage est porteur de risques à long terme. Jusqu’à présent, la logique de l’éloignement résidentiel est ignorée à la fois par les pouvoirs publics et le système bancaire français qui accorde une attention quasi exclusive au taux d’endettement, à savoir le rapport entre les charges de crédit à rembourser et les ressources de l’emprunteur, qui ne doit pas dépasser 30%. Or, si on admet que le futur choc énergétique va augmenter le nombre de ménages périurbains et ruraux en difficulté financière, et aussi inévitablement dévaluer leurs biens immobiliers, la question centrale est de savoir comment les banques peuvent intégrer cette nouvelle donne dans l’attribution de leurs prêts.

D’après une étude menée par le Shift Project ( Think tank créé en 2010 auquel participent la SNCF, la Caisse des Dépôts, SPIE, Crédit Agricole SA, Veolia Environnement, EDF, Bouygues et Vinci Autoroutes, et dont la mission est de réfléchir à des mesures de transition vers une société bas carbone), si on modélise un ensemble de ménages représentatif de l’accès au prêt immobilier en calculant la part des dépenses contraintes (remboursement de prêt+ chauffage+ trajets domicile-travail divisé par le budget total du ménage) et en supposant un doublement du prix de l’énergie entre le moment où les ménages ont contracté un prêt et le moment où ce prêt est totalement remboursé, on observe que la part des ménages qui se retrouvent dans une situation difficile, identifiée avec le moment où la part contrainte du budget devient supérieure à 60%, passe de 3% au moment du début du prêt à 50%.

Pour éviter ce marasme collectif, le Shift Project préconise de modifier les critères d’octroi des prêts et de remplacer les 30% du revenu par la prise en compte de l’ensemble des dépenses contraintes définies plus haut, en y intégrant bien sûr l’hypothèse de l’augmentation du prix de l’énergie au cours de la période de remboursement. La conséquence immédiate de cette proposition serait que les banques refuseront des dossiers qu’elles acceptent aujourd’hui, et symétriquement accepteront des dossiers qu’elles refusent aujourd’hui. Une autre conséquence est que les prix de l’immobilier vont se rééquilibrer dans le sens d’une hausse du prix des logements situés en zone urbaine, et évidemment d’une baisse relative du prix des logements en zone périurbaine. On peut aussi penser que les zones bien desservies par les transports en commun deviendront plus dynamiques. Au-delà de ces aspects de rééquilibrage, l’enjeu majeur de cette mesure est cependant de réduire l’émission de gaz à effet de serre, de préserver la santé financière des ménages, et de réduire le déficit de la balance des paiements, toujours très impacté par le secteur de l’énergie. En bref, il s’agit d’affronter le défi énergétique en faisant prévaloir l’intérêt général sur les intérêts particuliers.

B) RSE et investissement des entreprises : l’Investissement Socialement Responsable (ISR)

L’Investissement Socialement Responsable (ISR) désigne la prise en compte de critères que l’on peut qualifier d’ « extra-financiers », c’est-à-dire environnementaux, sociaux et de gouvernance (dits critères ESG) dans le processus de sélection des investissements.

L’émergence du concept d’ISR correspond à la montée de la préoccupation environnementale dans la société civile. Ainsi, selon un sondage IPSOS réalisé en 2013, 50% des Français accordent aujourd’hui une place importante aux critères environnementaux, sociaux et éthiques dans leurs décisions de placement. L’ISR connaît d’ailleurs déjà une forme de reconnaissance institutionnelle (même si, toujours le même sondage, 62% des Français déclarent n’en avoir jamais entendu parler). En effet, en France, un certain nombre d’organismes, dont l’Association financière de la gestion d’actifs (AFG) ou l’Observatoire pour la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE), ont signé en 2014 une déclaration commune visant à soutenir la création d’un label ISR. Cette reconnaissance a été prolongée par les pouvoirs publics puisque, suite à la conférence bancaire et financière de la transition énergétique, le gouvernement français a demandé à des experts de plancher sur ce label.

En dépit de cette reconnaissance, l’ISR connaît encore des définitions diverses, voire contradictoires. La pratique dominante en France est la stratégie dite « best in class » qui consiste à sélectionner des titres prenant en compte des critères ESG. Cette approche est cependant critiquée car elle n’élimine par définition aucun secteur d’activité, alors que certains sont incompatibles par nature avec l’ISR, et aussi parce que la pondération des critères environnementaux, sociaux, et de gouvernance, présente un caractère un peu arbitraire. Une autre manière de définir l’ISR, plus offensive, est d’exclure les titres ne correspondant pas aux critères en vigueur, ou qui visent des secteurs d’activité jugés néfastes pour la société. Toutefois, la pratique d’exclusion est bien souvent récusée, soit parce que la liste des entreprises exclues varie selon les pays, soit parce que l’évaluation du caractère néfaste d’une activité demeure souvent un jugement de valeur, soit enfin parce que on peut considérer qu’il est irresponsable d’exclure des entreprises opérant dans des domaines sensibles, qui seraient immédiatement remplacées par d’autres entreprises présentes sur des marchés où les critères ESG ne sont pas appliqués.

Pour dépasser ces contradictions, une nouvelle tendance est de privilégier l’impact concret que l’investissement peut avoir sur le développement durable. Il s’agit d’ « obligations responsables » ou de «  Green Bonds », qui sont des dettes émises sur le marché destinées à financer des projets qui génèrent un bénéfice environnemental ou social direct. L’investissement est alors basé non seulement sur les critères ESG de l’entreprise mais avant tout sur sa finalité. Si cette perspective est déjà très prometteuse, J. Courcier et S. Voisin (« L’ISR : un concept essentiellement contesté ? »,  Analyse financière N°54, janvier février mars 2015) proposent de la prolonger par des considérations éthiques. Ces considérations éthiques sur les placements financiers sont d’ailleurs très anciennes, et s’inspirent souvent d’une éthique des vertus que l’on peut qualifier d’aristotélicienne.  Chez Aristote, la « vie bonne » se définit comme une vie heureuse pour soi-même , et surtout morale pour le compte d’autrui. Transposé dans le langage des opérations financières, on dira par analogie qu’un investissement « vertueux » est un investissement qui est impliqué dans une relation à autrui (environnementale ou sociale), et pas uniquement dans la prise en compte de son intérêt propre. Seront ainsi valorisés les émetteurs dont les pratiques de gestion correspondent aux enjeux du développement durable ou qui investissent dans des secteurs exemplaires au regard de la transition énergétique ou écologique.

C) RSE et maîtrise du risque opérationnel

Depuis les travaux du Comité de Bâle  sur le contrôle bancaire, les professionnels du risque bancaire classent les risques par nature, en distinguant trois causes matérielles :

  • Le risque de crédit, correspondant au risque de l’emprunteur qui ne rembourse pas sa dette à échéance.
  • Le risque de marché, qui est le risque résultant des fluctuations des prix des actifs.
  • Le risque opérationnel, qui est le risque dû à une défaillance de l’établissement bancaire.

Cette classification est claire, mais présente l’inconvénient de ne traiter les risques que lorsqu’ils se matérialisent. L’approche RSE vise au contraire à analyser le risque financier au moment de sa formation, en prenant en compte sa dimension extrafinancière. Il s’agit de mesurer l’impact de toutes les parties prenantes (clients, fournisseurs, salariés, milieu naturel,…) sur la banque, et inversement d’appréhender les risques que cette dernière fait peser sur les parties prenantes.

Par exemple, si on considère le risque opérationnel, les référentiels RSE permettent de mieux cerner les risques de fraude interne et externe. L’ISO 26000  accorde en effet une place importante à la lutte contre la corruption et à la loyauté des pratiques, permettant au champ de la fraude de s’élargir bien au-delà du risque financier. On mettra alors en relief les notions de « gouvernance responsable » ou d’ « éthique des affaires ». Un autre exemple est fourni par les questions relatives à l’emploi et aux conditions de travail. Alors que l’approche retenue par Bâle II porte avant tout sur le respect de la réglementation du droit du travail, l’optique RSE englobe des questions liées à la promotion de l’égalité professionnelle et d’une manière générale au respect des normes internationales (conventions de base de l’Organisation internationale du travail, déclaration universelle des droits de l’homme,…). Un dernier exemple peut être fourni par les interactions entre l’entreprise et ses fournisseurs.  La diffusion des principes RSE permet de se prémunir contre les pratiques inadéquates des fournisseurs qui pourraient impacter l’entreprise, et réciproquement de ne pas imposer des conditions d’achat trop dures déséquilibrant les relations entre les donneurs d’ordre et les fournisseurs.

Au total, l’approche RSE conduit à une vision renouvelée et étendue du risque lié à la réputation de la banque, réputation qui est un atout majeur des entreprises bancaires, dans un secteur où la confiance est reine. Elle a aussi pour ambition d’aider au management des organisations, tout en visant une meilleure gestion du risque d’image et de réputation.

CONCLUSION

Ainsi qu’on l’a vu en introduction, le concept de RSE est mal délimité, susceptible de définitions plus ou moins étendues. La responsabilité s’exerce certes, mais à l’égard de qui ? Le flou qui entoure la définition des « parties prenantes » ou du « bien commun » ne permet pas de répondre clairement à cette question. Autre interrogation problématique : par rapport à quoi la responsabilité s’exerce-t-elle ? Même si on laisse de côté le problème de l’objectivité de l’évaluation, il est bien difficile de se faire une idée globale des activités d’une entreprise, qui peut présenter des points forts dans un domaine et des points faibles dans un autre registre. Enfin, il faut déterminer jusqu’où s’exerce cette responsabilité, ce qui suppose de réfléchir au partage des tâches entre l’Etat et les entreprises, et aussi aux responsabilités respectives des entreprises, des consommateurs et des citoyens.

Néanmoins, en dépit de ces incertitudes, ainsi que le montrent J. Courcier et H. Solignac (« La RSE s’impose dans la stratégie des entreprises », Revue Banque, N°773, juin 2014), la RSE, parce qu’elle est un mode de gouvernance qui privilégie le concept d’équité par rapport à celui d’égalité, et qu’elle permet d’équilibrer le point de vue de la communauté et celui de l’individu, intervient de plus en plus dans les assemblées générales, les conseils d’administration ou les stratégies d’entreprise. Elle permet aux managers de s’affirmer comme les agents, non pas des seuls actionnaires, mais de l’ensemble des parties prenantes (clients, fournisseurs, partenaires, salariés,…), et aussi de coordonner les différents apporteurs de ressources (financières ou non), dans la perspective d’assurer une bonne répartition de la valeur ajoutée créée par l’entreprise.

A l’échelle planétaire, la RSE est un outil irremplaçable pour relever le défi majeur contemporain qui est de déterminer les biens publics mondiaux auxquels l’entreprise est censée apporter sa contribution. Puisque les Etats se révèlent désormais impuissants à contrôler l’activité des grandes firmes multinationales, faut-il s’en remettre à la grande entreprise pour gérer le bien commun, ce qui signifierait alors qu’elle est investie d’une responsabilité de « citoyenneté globale » ? Ou faut-il plutôt œuvrer à l’édification d’un droit positif international, fruit d’une construction politique entre Etats ou grands blocs régionaux ? On l’aura compris, ce questionnement s’inscrit encore dans le dialogue sans cesse renouvelé entre les deux grandes conceptions de la RSE.

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