G20 : une gouvernance mondiale est-elle possible ?

Depuis le 12 novembre 2010, la France assume la présidence du G20 et tiendra cette responsabilité jusqu'au Sommet de Cannes, les 3 et 4 novembre 2011. En matière de régulation, les priorités de la présidence française portent sur la nécessité de travailler à la réforme du système monétaire international et au renforcement des filets de sécurité financière pour les pays confrontés à la volatilité des flux de capitaux, sur l’extension de l’agenda de la régulation financière aux thèmes des activités bancaires non régulées, sur l’intégrité des marchés et la régulation des produits dérivés de matières premières, et sur la lutte contre les juridictions non coopératives. Nicolas Sarkozy a réaffirmé sa volonté d’axer la présidence du G20 autour de trois grands enjeux afin de promouvoir une croissance forte, équilibrée et durable : la réforme du système monétaire international, la réduction de la volatilité des marchés de matières premières et agricoles (sécurité alimentaire), et la promotion d’une gouvernance mondiale fondée sur des institutions internationales rénovées. La France a affirmé par ailleurs vouloir conforter le G20 dans son rôle de première enceinte de coopération économique, renforcer la cohérence d'action des institutions internationales en matière économique, sociale et environnementale, et identifier les sujets où cette gouvernance est insuffisante. Elle s’est également fixé comme objectif d’améliorer la synergie entre le G20 et les Nations unies.

Priorité à la stabilité financière mondiale

Deux réunions importantes (Londres en avril 2009, Pittsburgh en septembre 2009) avaient souhaité fixer un cadre plus strict à la globalisation financière après une période d’intense libéralisation des flux de capitaux. Un certain nombre de voix avaient pointé le fait que la mondialisation économique et financière était allée plus vite que la mondialisation politique, alors même que l’ampleur des déséquilibres monétaires et financiers accumulés entre la Chine et les Etats-Unis, le risque accru de guerre des monnaies, et le retard de développement de certains pays du Sud (encore aggravé par la crise) justifiaient des mesures plus énergiques en faveur de la régulation. Sur le plan de la stabilité financière, le G20 s’est ainsi engagé à mettre en place des normes comptables convergentes, à corriger le contrôle des banques et des agences de notation, à surveiller les institutions financières susceptibles de présenter un risque systémique, à mieux contrôler les marchés d’opérations de gré à gré et la rémunération des opérateurs de marché.

En effet, et malgré l’existence de réglementations strictes dans le secteur bancaire, la supervision des activités financières se trouve inadaptée à une finance désormais globale : les différents régulateurs (banques centrales, agences de notation, autorités de supervision) n’ont pas élargi leur périmètre de contrôle à la hauteur du développement sans précédent des activités financières, tandis que les différentes législations en vigueur demeurent avant tout nationales et diversifiées. En 2009, à Pittsburgh, les pays du G20 s’étaient engagés à instaurer une nouvelle régulation financière et une taxe bancaire sous la pression des opinions publiques, même si les facteurs de blocage et les désaccords sont restés nombreux : sur le niveau optimal des fonds propres à imposer aux banques (afin de limiter l’endettement sans compromettre la rentabilité), sur la supervision du système financier non régulé (où de nombreuses opérations échappent au contrôle des autorités), sur la réglementation de l’activité spéculative des banques d’affaires, ou encore sur la limitation du niveau d’endettement des acteurs économiques dans le but de réduire les risques sans brider la croissance et l’emploi. Dans ce contexte, le G20 s’affirme comme le principal forum où sont abordés ces grands enjeux et où sont envisagées les réformes économiques. Après la crise, la demande de l’opinion publique était forte dans le sens d’un contrôle plus étroit des activités financières, et le G20 a impulsé de nouvelles régulations importantes, comme de nouvelles contraintes de fonds propres pour les banques (afin d’éviter des engagements trop risqués à court terme), l’enregistrement des activités liées aux produits dérivés, le recours à l’intermédiation de chambres de compensation pour limiter la spéculation, etc.

Mobiliser les banques centrales contre l’instabilité financière

La crise a également démontré le rôle crucial des autorités monétaires lorsqu’il s’agit d’éviter la panne du crédit et la déflation, même si la politique monétaire durablement expansionniste de la Réserve fédérale américaine a souvent été citée dans les facteurs explicatifs des dérives spéculatives. À partir des années 1980, les banques centrales ont tout d’abord mené des politiques monétaires restrictives afin de briser l’inflation et d’assurer la stabilité monétaire. Mais, à mesure que la menace d’un dérapage des prix s’éloignait, la baisse durable des taux d’intérêt à partir de la fin des années 1990 (en particulier aux États-Unis) a généré une forte croissance de la masse monétaire et créé un environnement propice à la formation de bulles spéculatives sur les marchés financiers. Durant la crise 2007-2009, les politiques monétaires expansives ont encore été massivement mobilisées afin de prévenir un blocage du crédit et d’empêcher la déflation, complétées en cela par des moyens d’action non conventionnels (achats directs de titres sur les marchés, financement d’entreprises, renflouement d’institutions financières). Parmi les nouvelles régulations, le G20 a proposé de fixer des objectifs aux banques centrales afin de lutter contre l’instabilité financière et de contrôler plus étroitement l’évolution du prix des actifs financiers. D’autant que de nouvelles inquiétudes naissent désormais des stratégies monétaires très expansives des banques centrales (à l’instar de celle de la FED, baptisée « quantitative easing »), censées soutenir le crédit et faciliter la sortie de crise, mais susceptibles de favoriser la formation de nouvelles bulles spéculatives (sur les matières premières, les actions, l’immobilier, les dettes souveraines, etc.).

Des intérêts contradictoires

Alors que les perspectives de reprise économique restent très fragiles, les désaccords entre les nations les plus riches de la planète restent nombreux sur la politique fiscale et budgétaire, les taux de change, le commerce, le système monétaire international, l’énergie et la sécurité internationale. Tandis que les pays de l’Union européenne s’engagent dans la voie de l’austérité afin d’assainir leurs finances publiques dégradées, les Etats-Unis maintiennent une stratégie monétaire et budgétaire expansionniste, alors que la Chine accumule toujours d’importants excédents commerciaux et bénéficie d’un taux de change sous-évalué qui dope ses exportations de marchandises. Dans une économie mondiale multipolaire où le leadership américain est de plus en plus menacé par les pays émergents, appelés à devenir un nouveau pôle important de l’économie mondiale, et où l’Europe risque d’être isolée, une gouvernance cohérente de la globalisation peine à se dessiner, d’autant que les tensions sur les taux de change pourraient déboucher sur des représailles commerciales et une nouvelle flambée de protectionnisme. Dans ce contexte volatile et incertain, le G 20 devra composer avec l’hétérogénéité des modèles sociaux et des systèmes financiers, mais aussi avec les divergences en termes de stratégies de politique macroéconomique des Etats qui s’annoncent durables, afin de concilier les intérêts nationaux et l’ambition de fixer des règles communes.

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