Arcelor – Mittal

 Les deux acteurs

Mittal Steel

Ce groupe a été progressivement constitué par l'homme d'affaires Lakshmi Mittal. Il a racheté plusieurs entreprises spécialisées dans la sidérurgie (dont le Français Unimétal, en 1999), ravissant à Arcelor la première place mondiale sur le marché de l'acier en 2004. Le groupe est coté à Amsterdam et à New York. La famille Mittal détient 88 % des actions. Le fondateur Lakshmi Mittal, d'origine indienne, vit à Londres. Naturalisé britannique, il est la première fortune du Royaume-Uni.
 

Arcelor

Ce groupe, né de la fusion d'Arbed (Luxembourg), Usinor (France) et Aceralia (Espagne) en 2001, est l'un des fleurons de l'industrie européenne. Pourtant, son actionnariat est particulièrement éclaté. Le premier actionnaire est l'Etat luxembourgeois, qui ne détient que 5,6 % du capital. Il n'y a plus d'actionnaire français de référence depuis la revente par EDF de ses actions, en 2004.
 

Acte 1 : Le projet d'OPA déchaîne les passions politiques

27 janvier 2006

Le premier groupe sidérurgiste mondial, Mittal Steel, annonce son intention de lancer une offre publique d'achat (OPA) sur le deuxième groupe du secteur, Arcelor. L'offre est la suivante : 4 actions Mittal Steel et 32,25 euros en numéraire pour 5 actions Arcelor. Une proposition qui valorise Arcelor à 18,6 milliards d'euros. Les marchés financiers accueillent favorablement cette annonce, les titres des deux groupes enregistrant des hausses de leur cotation, le cours de Mittal gagnant 12 % en une semaine et celui d'Arcelor 30 %.
 

29 janvier 2006

Le Conseil d'administration d'Arcelor rejette la proposition de Mittal.
 

30 janvier 2006

Les réactions politiques sont fortement hostiles à la démarche de Mittal.
En France, le ministre de l'Economie et des Finances Thierry Breton monte au créneau. Il dénonce les méthodes de Lakshmi Mittal, qui ne répondraient pas à « la grammaire du monde des affaires » tandis que l'OPA ne correspondrait à aucun projet industriel.
Les syndicats de salariés font part de leur inquiétude, en France (28 000 salariés) mais aussi en Belgique (13 000 salariés Arcelor) et au Luxembourg (6 000 salariés). L'Espagne, où travaillent 13 000 salariés du groupe, reste relativement silencieuse.
De son côté, Lakshmi Mittal entame une tournée des principaux responsables politiques. Dans la journée du 30 janvier, il rencontre M. Breton. Il prend également rendez-vous avec Jean-Claude Juncker, Premier ministre luxembourgeois, Neely Kroes et Gunter Verheugen, commissaires européens respectivement en charge de la Concurrence et de l'Industrie. Dans une interview au quotidien économique Les Echos, il défend la logique de sa démarche. Les deux groupes seraient complémentaires (Arcelor en Europe, Mittal en Amérique du Nord et en Asie). Il tient à rassurer les salariés et promet de les rencontrer prochainement pour apaiser leurs inquiétudes.
 

31 janvier 2006

Interrogé au journal de 20 heures de France 2, le Premier ministre Dominique de Villepin reprend les critiques formulées par Thierry Breton et relie ce dossier au patriotisme économique, un thème qu'il a développé quelques mois plus tôt, lorsque couraient les rumeurs d'OPA hostile de Pepsi sur Danone.
Lakshmi Mittal rencontre Jean-Claude Juncker, à Luxembourg. Au cours de la discussion, il propose au Premier ministre luxembourgeois de maintenir le siège de la nouvelle entité à Luxembourg, où se trouve déjà celui d'Arcelor. Lors des négociations sur la naissance d'Arcelor, le Luxembourg avait fait de la localisation du siège social du groupe au sein du Grand-Duché la condition sine qua non pour qu'Arbed soit intégré dans ce nouvel ensemble.
 

1er février 2006

Jean-Claude Juncker est en visite à Paris, où il rencontre successivement Dominique de Villepin et le Président de la République Jacques Chirac. Les dirigeants des deux pays sont à l'unisson. Ils entendent tout faire pour barrer la route à Mittal Steel.
Les commentateurs commencent à s'étonner de cette défense. Si Lakshmi Mittal est d'origine indienne, il est désormais britannique. Mais surtout, son groupe est basé à Rotterdam et peut, dans ces conditions, être considéré comme un groupe européen.
 

Acte 2 : Offensives et contre-offensives

5 février 2006

Alors que Guy Dollé, PDG d'Arcelor, affirmait quelques jours plus tôt n'attendre de secours de personne, le PDG de Nippon Steel, entreprise japonaise, déclare à deux quotidiens de son pays qu'il ne servira pas de chevalier blanc dans la bataille entre Arcelor et Mittal. Une déclaration qui laisse penser qu'en réalité Arcelor cherche à nouer d'autres alliances pour contrer l'initiative de Mittal Steel.
(Dans une OPA, l'expression « chevalier blanc » désigne  une entreprise tierce qui renchérit sur l'offre de l'acheteur afin de séduire les actionnaires).
 

6 février 2006

Le Luxembourg ne dispose pas de réglementation des OPA, la directive européenne étant, dans l'ensemble des Etats membres, en cours de transposition. Néanmoins, l'autorité de marché du Grand-Duché annonce qu'elle contrôlera tous les moyens de défense envisagés par Arcelor.
 

9 février 2006

Le Luxembourg annonce une réforme législative relative aux OPA, qui serait de nature à bloquer l'opération de Mittal. La France, face à l'annonce de ce nouveau projet de loi, renonce à appliquer son droit à l'OPA, considérant que les nouvelles dispositions du droit luxembourgeois seront plus favorables à Arcelor que le droit français.
La Belgique ne suit pas la voie tracée par le Luxembourg et la France. Le gouvernement fédéral annonce qu'il confie à une banque d'affaires le soin de construire une réaction appropriée à l'offre d'Arcelor.
Les Etats-Unis annoncent l'ouverture d'une enquête de concurrence sur une éventuelle fusion entre Mittal et Arcelor.
 

15 février 2006

L'Inde, pays d'origine de Lakshmi Mittal, réagit. Elle se dit prête à saisir l'Organisation mondiale du commerce (OMC) si la fusion était empêchée. A trois jours de la visite officielle de Jacques Chirac dans le pays, les milieux d'affaires demandent au chef du gouvernement d'aborder la question avec le Président français. Deux éléments sont au centre des inquiétudes indiennes : le protectionnisme et la xénophobie.
 

3 mars 2006

Lakshmi Mittal dialogue avec les gouvernements européens. Suite à un document adressé à Paris et Madrid, il explique que ses activités en Europe de l'Est ne rentreront pas en concurrence avec l'acier d'Europe de l'Ouest produit par Arcelor. Il défend la complémentarité entre les deux groupes et souligne la nécessité de construire un « champion européen ».
 

17 mars 2006

Les députés luxembourgeois écartent du projet de loi toutes les dispositions taillées sur mesure pour barrer la route à Mittal. En particulier, ils rejettent la rétroactivité du projet de loi : une fois la loi adoptée, elle ne s'appliquera pas aux opérations déjà engagées.
 

4 avril 2006

Arcelor annonce la distribution de dividendes exceptionnels à ses actionnaires, augmentant fortement l'attractivité de l'action. Les dividendes versés seront de 1,85 euro par action, au lieu de 1,20 prévu initialement. Une opération destinée à contraindre Mittal à rehausser le prix de son offre pour que celle-ci reste attractive. Cette manœuvre incite les actionnaires à conserver leurs actions jusqu'au versement de ces dividendes, plutôt que de les céder à Mittal dans le cadre de l'OPA. Elle conduit par ailleurs à réduire la trésorerie d'Arcelor, qui ne pourra donc pas être utilisée par Mittal pour financer son offre.
Par ailleurs, Arcelor transfère l'entité Dofasco à une fondation néerlandaise. Cette entreprise avait été acquise par le groupe européen quelques mois plus tôt. Or, Mittal envisage de financer son OPA en revendant Dofasco à ThyssenKrupp. Cette entreprise est désormais totalement indépendante d'Arcelor, ce qui empêchera Mittal de la céder. Mais Arcelor continue à disposer des droits de vote et à percevoir les dividendes.
 

6 mai 2006

Mittal Steel change de stratégie. Il se dit prêt à revoir son offre à la hausse. Par ailleurs, il envisage une refonte de son organisation. La direction d'Arcelor aurait sa place dans le nouvel ensemble. Mittal Steel est prêt à remettre en cause sa structure familiale pour rassurer les dirigeants d'Arcelor autant que les marchés financiers.
 

9 mai 2006

Lakshmi Mittal annonce son intention de nommer François Pinault au Conseil d'administration de son groupe. L'homme d'affaires français, très introduit dans les milieux politiques et économiques européens, épaulera Lakshmi Mittal pour convaincre les dirigeants du bien-fondé de la démarche de fusion.
 

12 mai 2006

Les autorités américaines de concurrence valident une éventuelle fusion entre Arcelor et Mittal. Elles exigeront toutefois la cession de quelques actifs.

Acte 3 : De l'offre d'achat à la fusion

16 mai 2006

Les autorités boursières belges, luxembourgeoises et françaises donnent leur feu vert à l'offre d'achat de Mittal sur Arcelor. Celle-ci se déroulera du 18 mai au 29 juin. Arcelor est désormais valorisé par Mittal à 22 milliards d'euros.
L'autorité boursière néerlandaise autorise Mittal à augmenter son capital pour accueillir les actionnaires d'Arcelor.
Arcelor annonce un plan de rachat de ses propres actions pour contrer l'OPA de Mittal.
 

19 mai 2006

Lakshmi Mittal présente une nouvelle offre pour Arcelor, désormais portée à 25,8 milliards d'euros, dont 30 % en numéraire.
 

21 mai 2006

Le Conseil d'administration d'Arcelor se réunit. Il ne se prononce pas sur l'offre de Mittal, souhaitant se laisser le temps de la réflexion. Des rumeurs courent sur un plan alternatif, rapprochant Arcelor d'un autre sidérurgiste.
 

26 mai 2006

La direction d'Arcelor présente un plan industriel surprise, destiné à faire échouer la tentative de Mittal. Arcelor se rapprocherait du sidérurgiste russe Severstal. Cette fusion créerait un nouveau leader mondial, présent surtout en Europe, en Russie et au Brésil.
 

30 mai 2006

Les autorités boursières décalent la clôture de l'OPA de Mittal sur Arcelor au 5 juillet.
Mittal exige d'Arcelor qu'il organise un vote de ses actionnaires sur le projet de rapprochement avec Severstal. Mittal est parvenu à fédérer 30 % des actionnaires d'Arcelor contre la direction du groupe.
 

2 juin 2006

La Commission européenne donne son feu vert à la fusion Arcelor – Mittal. Elle n'exigera que quelques cessions sur des marchés très spécifiques.
 

7 juin 2006

Pour la première fois, la direction d'Arcelor se dit prête à discuter avec Mittal. Elle avait jusqu'alors rejeté toutes les propositions de rencontre formulées par le groupe de Lakshmi Mittal.
 

8 juin 2006

De nouveaux actionnaires d'Arcelor s'opposent au projet de la direction d'acquérir 90 % du capital de Severstal.
 

11 juin 2006

Le Conseil d'administration d'Arcelor rejette l'offre de Mittal. Toutefois, les administrateurs demandent au Directeur général du groupe Guy Dollé de rencontrer les dirigeants de Mittal. La direction d'Arcelor précise que le rapprochement avec Severstal ne pourra se faire que si l'offre de Mittal échoue et que rien ne sera engagé avant le 5 juillet, date d'expiration de l'OPA.
 

13 juin 2006

Mittal Steel annonce des perspectives de résultat nettement supérieures à celles d'Arcelor. Il se dit par ailleurs prêt à revoir son offre à la hausse. Les dirigeants des deux groupes se rencontrent à huis clos.
 

14 juin 2006

Romain Zaleski, homme d'affaires français détenant 5 % du capital d'Arcelor, se déclare hostile à la démarche de rachat d'actions lancée par la direction d'Arcelor pour contrer Mittal. Or, cette étape est indispensable au rapprochement avec Seversal.
 

21 juin 2006

Dans la perspective de l'Assemblée générale des actionnaires d'Arcelor, prévue pour le 30 juin, Severstal passe à l'action. Alors que le plan initial prévoyait une entrée du sidérurgiste russe dans le capital d'Arcelor à hauteur de 38 %, celle-ci serait limitée à 25 %. Par ailleurs, les Russes renoncent à siéger au comité stratégique d'Arcelor.
Les autorités de marché des différents Etats européens condamnent l'absence de transparence de la direction d'Arcelor. Elles contestent les négociations parallèles menées avec Severstal, alors qu'une OPA est en cours. Elles annoncent la suspension de la cotation de l'action tant que la situation ne sera pas clarifiée.
 

22 juin 2006

Les milieux financiers parient désormais sur un accord entre Arcelor et Mittal, dont les modalités essentielles seraient désormais fixées. Il ne manquerait plus qu'un accord sur le prix.
 

25 juin 2006

Le Conseil d'administration d'Arcelor soutient l'offre de Mittal. Celui-ci a accepté d'être minoritaire (43 % des droits de vote, contre 50,6 % aux anciens actionnaires d'Arcelor) dans le nouvel ensemble. Mittal ne nommera que 6 des 18 administrateurs et n'aura que 3 postes sur 7 au sein de la direction générale. Plusieurs actifs non rentables seront cédés et les investissements dans la recherche et développement relevés. Arcelor-Mittal aura son siège à Luxembourg.
 

26 juin 2006

Mittal a finalement rassemblé 92 % des actions d'Arcelor. Le processus de fusion peut officiellement démarrer.
Guy Dollé, Président de la Direction Générale d'Arcelor, quittera le groupe après la fusion.
 

7 août 2006

Un nouveau Président de la Direction Générale est nommé à la tête d'Arcelor-Mittal, Roland Junck, issu des équipes d'Arcelor. Il prend la tête d'une entité de 320 000 salariés et d'une soixantaine d'usines. Joseph Kinsch, ancien PDG d'Arbed et ancien Président du Conseil d'administration d'Arcelor, devient Président du Conseil d'Administration d'Arcelor-Mittal. François Pinault fait son entrée au Conseil d'administration.
 

26 septembre 2006

Le régulateur boursier brésilien exige que Mittal lance une OPA sur les actions minoritaires d'Arcelor Brésil. Une opération qui augmentera de 3,5 à 5 milliards d'euros le coût total de l'opération.
 

6 novembre 2006

Lakshmi Mittal, déjà président du Conseil d'administration du groupe, prend des fonctions opérationnelles en devenant Président de la Direction Générale (Chief Executive Officer – CEO) à la place de Roland Junck qui occupait ce poste depuis un trimestre en remplacement de Guy Dollé.



Synthèse réalisée à partir des sites Internet (archives) du Monde et des Echos.
 

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